Carnet de bord décalé : Bouillon coréen

Un regard oblique sur l'actualité économique et financière de la semaine. Chaque jour, un fait ou un chiffre saillant.
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Lundi 22 nov. Envers et contre tout
Mieux vaut être carrossier dans l'automobile qu'inspecteur des finances à Athènes. Les temps changent, tout comme la perception du risque. Les pays périphériques de la zone euro vivent depuis trop longtemps au-dessus de leurs moyens et pourraient bien le payer cher. A côté, les entreprises cotées passent presque pour un modèle de bonne conduite. Contrairement aux états dépensiers, les sociétés ont tiré les leçons des précédentes crises et n'ont pas beaucoup attendu avant de se mettre à au pain sec et à l'eau. Un mal pour un bien. Aujourd'hui leurs poches sont pleines et les opportunités d'investissements de croissance sont nombreuses. Notamment en matière d'acquisitions. Les groupes peuvent se délocaliser, pas les états.  Et c'est bien là toute la différence. Les premiers subissent, les seconds s'adaptent. L'inversion des rapports de force ne surprend plus. Il est moins onéreux de se prémunir contre la menace d'un défaut de paiement de Peugeot que de se couvrir contre une possible faillite de l'Espagne, du Portugal, de l'Irlande et bien évidemment de la Grèce. La signature d'Etat n'est plus légion. Autant s'y habituer.

 


Mardi 23. Bouillon coréen
Dans les salles de marché européennes, c'est la panique. La tempête irlandaise balaie tout sur son passage. Les spéculations autour de l'identité du prochain pays dans le besoin vont bon train. Beaucoup voient le Portugal faire l'aumône incessamment sous peu. D'autres prédisent un avenir sombre à l'Espagne et ses 11% de contribution au PIB européen. Au final, les opérateurs soldent généreusement leurs positions, notamment sur les valeurs bancaires en proie à la remontée du risque souverain. -4,69% pour Société Générale, -4,26% pour Crédit Agricole, -3,82% pour BNP Paribas...C'est la débandade. Pour couronner le tout, un incident géopolitique s'invite dans les débats et entretient la confusion générale. Victime d'une bouffée délirante, le président despotique nord-coréen, Kim Jong-il torpille l'île sud-coréenne de Yongpyong. Les spéculateurs imaginent déjà la Russie prendre part au conflit et se lancer dans une deuxième guerre froide. La spirale infernale gagne de l'ampleur. Les bourses vacillent tout comme le moral des opérateurs.


Mercredi 24. Pandémie madovienne
Ah la Suisse ... ses alpages verts, ses ruminants plein de sérénité, son chocolat en barre et son or en lingot. Des mois que l'îlot helvète vivait à nouveau dans le calme, le luxe et la volupté voyant de son petit hublot la tempête souveraine faire rage en zone euro. Loin des cris européens de rage, de haine et de désespoir, on y entendait presque les mouches volées. La Suisse a son firmament de neutralité zen, contemplant comme à son habitude les mauvais sorts de l'histoire du haut de son perchoir. Une immunité qui ne pouvait pas durer. Forcément. A l"image de l'Europe voyant sa la dette éclater comme une bombe à retardement après la crise financière, la Suisse est à son tour rattrapée par le passé. La bombe à retardement helvète s'appelle UBS ou Madoff. C'est la même chose. Le résultat est là. La banque ainsi que plusieurs fonds rabatteurs sont désignés par le liquidateur américain pour avoir commercialisé des produits Madoff comme des tablettes de chocolat auprès de leur client. C'est croustillant ! Et la précision de l'horlogerie suisse est telle que les 2 milliards de dollars réclamés à la rabatteuse UBS tombent justement quand la banque commence seulement à se remettre de la crise financière. Le tableau est désormais complet. Alors que les banques en zone euro, porteuses de la dette des pays dits « périphériques » sont fortement chahutées ces derniers temps, l'un des grands établissements helvètes est rattrapé de son côté par la pandémie madovienne. A chacun son addition.

Jeudi 25. Stressgiving
Cette année, les Européens ont décidé de suivre le rite culinaire américain de Thanksgiving. A la différence près qu'il n'y aura pas de grosse dinde qui se fera dépiauter. Ou plutôt si mais la grosse dinde qui va passer à la casserole ce sont les banques, LE vrai maillon faible européen. La décision est tombée comme un couperet sur un planche à découper : la Commission européenne impose aux banques européennes de repasser à la moulinette du stress test en février et en juin prochain. « Mais attention ! Là on fait ça sérieux les gars. Pas question d'y aller en tong et serviette sur l'épaule, comme en juillet dernier » pourrait dire un officiel de Bruxelles au cours d'une conf' call avec les grandes banques européennes. C'est sûr que l'été dernier, ce qui ressortait des stress test c'était surtout de la crème solaire. Trop pressés de partir en vacances, les banquiers avaient un peu pris l'exercice par dessus la jambe. Histoire de dire que c'était un vrai test, sept banques avaient été recalées. Mais cela n'a pas suffit. Trop voyant de chasser des pachydermes avec des tapettes à mouche. Pas sûr que les établissements aient poussé leur simulateur à des conditions extrêmes. Alors vu les turbulences traversées par la zone euro en ce moment, il faudrait peut-être reprendre l'exercice mais un peu plus violemment. Le mot d'ordre est lancé : « maintenant nous tirons à balle réelle ! »

Vendredi 26. Tech Friday
Tempête en zone euro, guerre entre les deux Corées ... La semaine n'a pas été des plus reposantes. Heureusement la perspective de Noël et du retour en force de l'instinct hyper consumériste de fin d'année laisse entrevoir une parenthèse enchantée. Outre-Atlantique, le grand jour est arrivé. Le Black Friday sonne le top départ de la course des achats frénétiques de Noël. Pas tant que les américains ont les moyens mais dépenser cela fait toujours du bien au moral. Et ils ont besoin de se le remonter. Pour preuve, les ventes de fin d'année sont attendues en hausse de 2,3 % à 447 milliards de dollars. Un lot de consolation pour l'économie américaine alors que la consommation aux Etats-Unis traîne des pieds. Toutefois pas de quoi donner des couleurs à Wall Street qui s'inquiète de plus en plus de la situation européenne. Faute de mieux, les opérateurs remplissent leur caddie de Microsoft, Intel, Walt Disney, Wal Mart croyant dur comme fer que leurs contemporains vont passer la fin de l'année affalés dans leur canapé à boire des litres de soda devant une grosse production de Walt Disney sur un I-Pad équipé d'un processeur Intel avec en cas de besoin une trousse à outil à porter de main. C'est aussi ça le rêve américain !
 

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