Carnet de bord décalé : Croissance avariée

Un regard oblique sur l'actualité économique et financière de la semaine. Chaque jour, un fait ou un chiffre saillant.
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Lundi 29 nov. Berlusconade obligataire

Pour une fois, le truculent Berlusconi a manqué l?occasion de transformer l?une de ses villas en lupanar géant pour une de ses soirées dont il a le secret. Il aurait été en effet bien avisé d?y convier les investisseurs de tout bord et de tout horizon pour leur vanter les charmes de la dette italienne. Pensant que l?émission obligataire de l?Italie pour 5,5 milliards d?euros allait passer comme une lettre à la poste (après le plan de 85 milliards d?euros pour sortir l?Irlande de la tourbe financière), il a préféré en faire l?économie. Finalement, c?est le Trésor italien qui a terminé la journée à poil. Voyant la perspective d?une restructuration de la dette des pays dits « périphériques » se profiler après 2013, les investisseurs réclament désormais une prime de risque même sur les bons du Trésor italien. Si bien que les taux d?emprunt de la péninsule ont grimpé plus vite que le Cavaliere sur ses montures. A 4,70 %, le coupon à 10 ans atteint un plus haut d?un an et demi. Et comme le chef du conseil italien est homme généreux, il en fait profiter l?ensemble des marchés. Malgré le sauvetage de l?Irlande, les indices boursiers après un bref sursaut à l?ouverture, vacillent. C?est la débandade. L?indice italien s?enfonce de 2,67 % et le CAC 40 lâche 2,46 %. C?est promis à la prochaine émission obligataire, il mettra préalablement les investisseurs en condition dans l?une de ses villas.

Mardi 30. Serpent atomique

Depuis le temps qu?on en parle ? L?augmentation de capital d?Areva c?est un peu devenue l?arlésienne du groupe. Quoi que, avec l?EPR, cela en fait deux. Au point que l?on ne sait plus très bien lequel des deux verra le jour en premier. Neuf ans qu? "Atomic Anne" espère placer de l?Areva en Bourse et fait, en attendant, fermenter son groupe sur le marché via des certificats d?investissement. Faute de mieux. Et selon les informations de presse du jour, elle devra encore patienter. L?augmentation de capital qui devait être bouclée d?ici à la fin de l?année, devrait être finalement repoussée au printemps. Le problème c?est qu?en comptant les futurs potentiels actionnaires, le capital du numéro un mondial du nucléaire pourrait vite ressembler à une auberge espagnole. Rien que cela : un fonds qatari, un fonds koweitien, un industriel nippon. Des prétendants trop exigeants en termes de prix. D?autres qui ne sont pas aux goûts d?autres prétendants potentiels, tricolores cette fois. La situation est loin d?être claire. Et pourrait même devenir explosive au point de transformer le géant nucléaire en champignon atomique. Et pourtant, il faut s?en remettre à une certaine logique. Si Areva veut avoir des chances de commercialiser ses centrales « new age » à l?international, l?appui d?un acteur étranger semble indispensable. Ne serait-ce que pour sortir le champion français de la fadasse soupe tiède franco-française aux relents de guéguerre mégalo-indutrielle dans lequel il baigne depuis 10 ans. La continuité de cet posture capitalistique fait d?emblée courir le risque à Areva de commercialiser à terme autant d?EPR à l?international que de Rafales pour Dassault.

Mercredi 1er dec. Croissance avariée

Les ventes de Carrefour sont excellentes. Enfin?celles du titre. Rarement, les opérateurs en auront écoulé autant en une seule journée. Le tout agrémenté de remises exceptionnelles. Les rabais sur le titre atteignent plus de 10% au plus fort des soldes de la journée. Les opérateurs tiennent à se débarrasser au plus vite de leurs marchandises avariées. La plaisanterie a assez duré. Le distributeur n?est plus capable de livrer des prévisions de résultats dont la date de péremption atteindrait au moins deux mois. Les contraintes sont devenues trop lourdes. Au Brésil, il faut essuyer les plâtres d?une logistique défaillante dans les hypermarchés. En France, la concurrence s?étripe à coups de publicité comparative, ristournes exceptionnelles et autres tentatives désespérées d?attirer le chaland. Ne reste plus que les maigres carcasses des PIGS et futurs assimilés comme la Grèce, l?Italie et L?Espagne, à rogner. Mais là encore, le risque de s?y casser les dents est grand. Le marché n?avait pas besoin de cela : un violent décrochage de le 13ème pondération du CAC40. Heureusement, les achats à bon compte de valeurs à la casse dans l?industrie automobile et le secteur financier sont là pour soutenir la tendance. Jusqu?à ce que nouveaux signaux de croissance périmée ne viennent gâcher la fête.

Jeudi 1. Solidarité bancaire

L'oeil hagard, les bras croisés, et la tête rentrée dans leur col blanc, les banquiers se remémorent un passé douloureux dans l'attente du verdict de leur grand patriarche Jean-Claude Trichet. C'était il y a déjà plus de deux ans.  Le 15 septembre 2008, Lehman Brothers était terrassé par la crise des "subprime". Depuis, la profession s'est jurée de ne plus voir l'un des leurs choir dans les abîmes de l'excès. Cet élan de solidarité touche en premier lieu les grands argentiers de la planète. A chacun sa méthode. Ben Bernanke dit "mister Fed" choisit de faire tourner la planche à billet pour racheter  600 milliards de dollars de titres de dettes souveraines et permettre, in fine, aux établissements bancaires d'encaisser le produit de la vente pour voguer vers d'autres placements plus juteux.  De son côté, Jean-Claude Trichet le grand chef de la BCE opte pour un style plus direct. Tout en maintenant ses taux de refinancement à un plancher historique de 1%, il annonce son intention de prolonger ses mesures exceptionnelles d'allocations de liquidités aux banques à taux fixe et en quantités illimitées jusqu'au 12 avril au moins! D'abord sceptiques car partiellement insatisfaits de ne pas avoir pu s'abreuver d'une pluie de chiffres "bernankiens", les opérateurs se disent finalement que le jeu bancaire en vaut la chandelle. Société Générale, BNP Paribas, Crédit Agricole, BBVA, et consorts voient leur cours de Bourse s'embraser. Le corporatisme n'a plus de limites. Mais entre membres de la même famille, on se comprend!

Vendredi 2. Les lattes du plancher

Les indicateurs économiques outre-Atlantique ont beau être encourageants depuis quelques temps, rien y fait. Si l?économie de l?Oncle Sam tend effectivement à relever la tête, cela ne génère d?emplois pour autant. Le chiffre du jour l?atteste. En tout sur le mois de novembre seulement 39.000 emplois ont été créés. C?est dire la déception des analystes, ceux-ci, sans doute un peu trop optimistes, en attendaient 150.000 ! Pas de quoi fouetter un chat mais au moins de faire replonger, un temps, les indices boursiers dans le rouge. Les autorités américaines doivent enrager. Le dispositif du QE2 destiné à mettre un peu d?huile dans les rouages de l?économie américaine tarde à redonner du baume au c?ur des entreprises qui laissent leurs investissements d?aujourd?hui au point mort. Et les emplois de demain également. Tout du moins aux Etats-Unis. Il faut dire que les perspectives de croissance sont quand même plus juteuses de l?autre côté de la planète. Alors tant qu?à faire, mieux vaut aller investir là-bas. En Asie ou en Amérique Latine. En plus, la main d??uvre y est moins chère. Quand on disait que les milliards de liquidités injectés par la Fed allaient passer entre les lattes du plancher, pour se retrouver sur d?autres marchés ! C?est sûr que l?on commence à envisager la mondialisation autrement aux Etats-Unis ?
 

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