Chronique de François Simon : le joyeux sadisme du Michelin

CHRONIQUE CHAUD DEVANT - François Simon revient sur l'incontournable Guide Michelin, qui fascine les étrangers et terrorise les chefs.
(Crédits : DR)

Ce n'est plus tout à fait la saison, mais, à la mi-mars, le Michelin distribue, outre ses macarons, sa traditionnelle poignée de châtaignes. Sans doute pour se faire remarquer, thésauriser sur le buzz (le déclassement lunaire de Guy Savoy...), mais aussi pour rappeler que le « surmoi » gastronomique national, c'est lui, le guide Michelin. Il suscite la fascination des étrangers pour ces Français et leur « culte d'une cuisine dont ils n'ont eux-mêmes pas les moyens ». Il terrorise les chefs qui n'ont jamais su exactement ce qu'attendait le guide rouge, se sadisant eux-mêmes dans des surenchères luxueuses à faire se pâmer d'effroi leur banquier. Il intimide le grand public avec une doctrine quasi muette dont seuls quelques cyniques percent les rouages prévisibles, faits d'obéissance intériorisée et de paupières baissées.

Le souffre-douleur est l'exemplaire Bouitte...

Cette atmosphère de pensionnat sévère connaîtra son apothéose demain, à Tours, au cours d'une cérémonie digne de la Corée du Nord. Le sadisme du Michelin fait partie d'une étrange jouissance qui sacrifie chaque année des valeureux, des exemplaires, des magnifiques qui se mangent un vent. La liste est longue de ces dégradations injustes : Gérard Besson, Bruno Cirino, Éric Briffard... Cette année, c'est annoncé en amuse-bouche, le souffre-douleur est l'exemplaire Bouitte (Saint-Martin-de-Belleville, en Savoie), perdant sa troisième étoile. Que de camouflets hautement injustes, renforçant le mystère poussif d'une institution en régulière régression, passant de 150 000 exemplaires en 2 000 à 30 000 environ aujourd'hui.

Car aujourd'hui la gastronomie n'est plus une religion avec ses ordres et ses commandements, ses chefs et ses oukases. Le peuple gourmand est devenu païen. Il est même volage, versatile, contradictoire dans ses habitudes alimentaires. Pour autant, même si les trois macarons seraient, selon un des inspecteurs maison, des deux étoiles « améliorés », il y aura demain, dans cette assemblée à 98% masculine, une joie sans nom lorsque les résultats seront annoncés avec, espère-t-on, la promotion de Jérôme Banctel (Le Gabriel, à LaRéserve, Paris), voire de Christophe Pelé (LeClarence, Paris)...

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