La famille Hugo : la peinture comme refuge et royaume

Victor Hugo a beaucoup dessiné et l’a caché. Son fils Charles meurt jeune. Victor élève alors son petit-fils, Georges. Ce dernier devient peintre. Ses descendants, jusqu’à Marie aujourd’hui, ont suivi la même voie.
Victor Hugo et son petit-fi ls Georges, celui de « L’Art d’être grand-père », en 1885.
Victor Hugo et son petit-fi ls Georges, celui de « L’Art d’être grand-père », en 1885. (Crédits : Reuters)

Un ogre, un géant, un mythe est assis dans le train. La locomotive tire les wagons comme elle peut. Le train est secoué, ballotté. Il sursaute pour la plus grande joie de Victor Hugo et du petit-fils qu'il élève : Georges. Tous les deux ont une feuille à dessin sur les genoux et un crayon à la main. Les soubresauts du train créent les premiers traits chaotiques de leurs compositions accidentelles. Victor et Georges complètent le travail des chemins de fer français. Ils s'amusent. Leur complicité est évidente. Leur affection est totale depuis l'année noire de 1871. Victor perd son fils Charles. Georges perd donc son père. L'écrivain élève alors son petit-fils Georges. Victor Hugo dessine beaucoup, tout le temps. Georges est souvent à ses côtés, notamment à Guernesey, île d'exil de celui-là. Cet isolement fortifia leur rapprochement. Plus tard, en souvenir de ces jours heureux, Georges fera apparaître dans un de ses tableaux Victor descendant l'escalier de la maison de Hauteville à Guernesey. Georges est peintre donc, mais il s'appelle Hugo. Comme tous les descendants du grand homme, il doit se faire un prénom, d'autant que, si Hugo est un monument de l'écriture, il est aussi un formidable et prolifique dessinateur.

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VICTOR HUGO, DESSINATEUR FRÉNÉTIQUE

Heureusement, si Hugo écrit pour, sur sa France, pour l'humanité tout entière, il ne dessine que pour lui. Hormis à quelques proches et à sa famille, Hugo ne montre pas son travail, monumental, plus de 4 000 œuvres. Pas une exposition Hugo de son vivant. Hugo ne veut pas brouiller les pistes. Le géant est à ses propres yeux un écrivain d'abord. Dans ses confessions picturales, Hugo représente des châteaux fantasmagoriques, des mers ou des vagues menaçantes. Il libère ses angoisses, imagine de sombres chimères. Son œuvre est dramatique, torturée. Un des rares engagements de Victor Hugo commun à ses écrits et à ses dessins est sa lutte contre la peine de mort.

Victor hugo

GEORGES HUGO, PEINTRE CONTEUR

Victor Hugo n'était pas Victor Ego. On imagine à tort que le géant était un monstre sacré incapable de laisser exister un autre Hugo que lui. En réalité, il encourage son petit-fils dans son désir d'être peintre. Si Georges peint, il reste un Hugo, prisonnier de ce nom pour lequel on l'invite partout. Un nom qui l'endort et fait de lui un mondain, très longtemps, trop longtemps. À l'âge de 47 ans, il s'engage pour combattre pendant la guerre de 14-18. Ses œuvres de guerre sont saisissantes par leur dépouillement et leur précision. Georges est un grand observateur. Très bon peintre, comme l'atteste l'exposition proposée à la Maison de Victor Hugo, Georges fut donc peintre. La voie est ouverte. De Jean, fils de Georges et donc arrière-petit-fils de Victor, à Marie Hugo et ses sœurs Adèle et Léopoldine aujourd'hui, les Hugo peignent. Vous avez bien lu, les Hugo actuels se prénomment comme les Hugo de légende, ceux de Victor. Pas simple à vivre pour se faire un prénom, mais il y a la peinture.

JEAN HUGO, PEINTRE HÉDONISTE

Jean Hugo, arrière-petit-fils de Victor, né en 1894 et mort en 1984, est certainement le Hugo peintre le plus célébré, reconnu, celui qui réussit à se détacher le plus de son nom en se rapprochant de la nature, en l'adulant. Il disait vouloir peindre le reflet du paradis. Modeste, heureux de vivre, bien dans ses pinceaux, Jean Hugo a peint sa joie. Son œuvre est lumineuse et colorée, à l'inverse de son arrière-grand-père. Jean Hugo vécut dans le salon mondain de sa grand-mère maternelle (Aline Ménard-Dorian), qui recevait de nombreux peintres. Il eut bien sûr accès aux dessins de Victor et sa première femme, Valentine, fut peintre. Jean Hugo a été bercé, éveillé par la peinture ; ses enfants aussi.

Victor Hugo

MARIE HUGO, PEINTRE ÉPICURIENNE

Aujourd'hui Marie, arrière-arrière-petite-fille de Victor, peint comme son père les émerveillements que lui procure la nature, celle du Midi où elle vit essentiellement. Marie eut avec son père le même type de relation que celle qui lia Victor Hugo à son petit-fils Georges. Jamais loin l'un de l'autre, Marie a fréquenté l'atelier de son père, le nettoyant du sol aux pinceaux. Comme son père, Marie a réussi à prendre quelques distances par rapport à son nom et à se faire une raison. Son humour l'y aide, mais elle est lucide. Elle est une Hugo et ne saura jamais vraiment si on s'intéresse à son travail pour ce qu'on y voit ou en raison de son nom. Mais Marie expose, Marie s'impose.

Enfant, elle prenait souvent le train avec son père, chacun des feuilles à dessin posées sur les genoux. Comme Victor et Georges, elle attendait avec son père que les tremblements du train posent accidentellement leurs crayons sur leurs feuilles puis complétaient les dessins avec amusement.

Victor Hugo

Depuis Victor, les Hugo tentent d'imposer leurs prénoms en ayant choisi la peinture. Hélas pour eux, Victor existe aussi par son art pictural. Une reconnaissance posthume. Dans les années 1920, les surréalistes ont commencé à célébrer Victor Hugo (mort en 1885), voyant en lui un confrère ayant inventé comme eux d'incroyables matériaux. Pour ses compositions, Hugo a mélangé encre et café noir, charbon, suie de cheminée, jus de mûre, oignon brûlé, cendre de cigare ou même dentifrice. Et voilà, on revient à Victor, toujours lui. L'écrivain a vécu de 1832 à 1848, place des Vosges, à Paris. Il y loua un appartement. Depuis, l'hôtel particulier tout entier est devenu la maison-musée Victor-Hugo. Le premier étage est consacré aux œuvres de Georges Hugo. Au-dessus se trouve l'appartement de Victor, un élégant dédale de pièces archi-meublées, archi-décorées par Hugo lui-même. Un meuble surprend, sobre, haut : un secrétaire-écritoire qui permet d'écrire debout. Si écrire debout offre inspiration et talent, alors nombreux sont ceux qui devraient changer de bureau et de position, glissa une voisine de visite. C'est sur le secrétaire-écritoire qu'Hugo rédigea L'art d'être grand père, preuve d'amour pour Georges.

Le 22 mai 1885, Victor Hugo cesse de respirer avenue Victor-Hugo, artère nommée ainsi du vivant du géant. Celui qui conduit le cortège funéraire jusqu'au Panthéon est Georges, digne et détruit.

Victor Hugo

Les Hugo en 4 expos

Paris

« Georges Hugo — L'art d'être petit-fils », jusqu'au 10 mars à la Maison de Victor Hugo, à Paris (4e)

Montpellier

« Jean Hugo — Le regard magique », à partir du 28 juin au musée Fabre, à Montpellier, avec exposition d'œuvres de Marie Hugo.

Sète

« La Nature selon Jean Hugo », à partir du 29 juin au musée Paul-Valéry, à Sète.

Lunel

Exposition d'œuvres de Jean Hugo, au musée Médard, dans le village familial des Hugo à Lunel (Hérault), pendant l'été.

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