Le réveil de la cuisine vietnamienne

Après avoir été longuement sous-estimé, l’art culinaire du Vietnam s’inscrit enfin sur les radars de l’atlas mondial.
Les plats à la carte du restaurant Chez Minh, à Angers.
Les plats à la carte du restaurant Chez Minh, à Angers. (Crédits : © Mint Images via AFP)

Le chemin sera long, mais lentement la cuisine vietnamienne montre le bout de son nez. CNN Travel inscrit le bánh mì parmi les 24 meilleurs sandwichs du monde ; le Michelin
daigne enfin envoyer ses inspecteurs gris à Hanoï et Ho Chi Minh-Ville (2023), des gourmets globe-trotters comme feu Anthony Bourdain ne jurent que par elle : la cuisine vietnamienne. Et encore, notre formulation est hasardeuse. Nous devrions être déjà en train de nuancer comme on tarde à le faire pour l'Italie et ses cuisines régionales que nous réduisons toujours au combo pizza-spaghettis bolognaise. Peut-on mettre la cuisine de Strasbourg et de Marseille dans la même marmite ? Non. Donc Vietnam du Nord, Vietnam du Sud plus tropical avec ananas et goûts sucrés, sans oublier la cuisine impériale de Hué, moins connue et plus recherchée.

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Cuisine vietnamienne

Les cuisiniers du restaurant Co Du He, à Lille (Crédits : © Mint Images via AFP)

Il faudrait également changer de lunettes de vue comme nous le faisons avec la cuisine
japonaise : enfin apprécier les poissons crus, les différencier et ne pas les trouver « fades ». Cela nous aura pris quarante ans. La cuisine vietnamienne, pour parler globalement, est avant tout une cuisine de campagne, de rue, familiale. Lorsqu'elle est arrivée en France dans les années 1975 avec la vague des boat people, elle marqua les esprits avec les nems, les rouleaux de printemps, le porc au caramel ; les bò búns et bánh mì n'apparaissant que dans les années 2000.

Elle est l'expression d'une classe populaire avec gargotes, échoppes pour un budget abordable et accessible à tous


Malheureusement, l'industrialisation, les nems réchauffés au micro-ondes allaient quelque peu écorner cette cuisine de santé, de tonicité et de fraîcheur. Ajoutés à cela, l'hybridation postcoloniale des Vietnamiens à Paris et l'adaptation supposée au goût français ont bien souvent débouché sur une cuisine hybride, édulcorée, convenue, caricaturée chez les traiteurs de médiocre réputation.

En fait, la cuisine vietnamienne devrait parler son langage. Elle est l'expression d'une classe populaire avec gargotes, échoppes pour un budget abordable et accessible à tous. Dans un plat comme le phô (prononcez « feu »), il n'est nul besoin de démonstration technique ni d'ajouter du yuzu. Un phô est un phô. Ce bouillon de bœuf et nouilles de riz se transmet familialement avec une extension spatiale, le petit restaurant de rue ou de plein air propice à la sociabilité villageoise teintée de confucianisme. En France, rien ne s'oppose à son émergence. Il existe différentes gastronomies qui coexistent, celle des tables dont on parle dans les magazines et celle où l'on va régulièrement : les ramens, les vietnamiens, les cantines de quartier, les cafés... Manque-t-il pour autant une star vietnamienne pour faire décoller le genre ? « Pas évident, répond Ottavia Palomba, experte en stratégie de marque. La question clé serait : comment en élever la perception pour mieux la faire connaître ? Sa popularité actuelle en France me paraît due au profil de l'offre combinant plaisir gustatif, vertus diététiques et accessibilité [prix abordables]. Le pari serait donc, comme pour le restau japonais, d'arriver à introduire cette élasticité d'échelle : du restau de midi bon et pratique - sans même parler de son rôle de fast-food premium avec son modèle traiteur/à emporter - à l'adresse signature niveau gastro. » Il suffit donc à la cuisine vietnamienne de sortir de son rush fébrile, de son manque de confiance. L'avenir lui donne déjà raison, elle peut avancer sans esbroufe ni faux éclat, vivante dans son « élasticité d'échelle » au Vietnam. Mais elle n'y est toujours pas arrivée à Paris, ni en Occident.

Cuisine vietnamienne

Un phô, plat traditionnel vietnamien. (Crédits : © Mint Images via AFP)

Carnet d'adresses

PARIS
Ngoc Xuyen Saigon, 4, rue Caillaux (13e). ngocxuyensaigon.net

LILLE
Co Du He, 16, rue Nicolas-Leblanc. coduhe.fr

ANGERS
Chez Minh, 93, rue Bressigny. chezminhangers.fr

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