Tourisme en Corse : un été avec vue sur... l’amer

Le prix élevé des transports, la progression exponentielle des locations meublées et une animosité grandissante contre le tourisme expliquent pour l’essentiel une saison estivale décevante qui ne sera pas sans conséquence sur la santé économique de l’île de Beauté.
(Crédits : © Charles Platiau / Reuters)

Septembre n'a pas comblé un printemps atone et un couple juillet-août, jadis torride, affichant un bilan pour l'été 2023 loin du rush traditionnel. À contre-courant de la hausse de fréquentation enregistrée dans tout le pays, la Corse du tourisme est en berne, un recul de l'ordre de 10 à 12 %. Un secteur pourtant essentiel puisqu'il représente à lui seul 39 % du PIB, 9.237 entreprises et constitue la ressource vitale pour quelque 40.000 familles.

Or, pour l'économie corse, lorsque la saison estivale est apathique, c'est tout le reste de l'année qui entre en hibernation. Ce n'est guère étonnant si les socioprofessionnels et leurs représentants consulaires ont profité du bain de foule du Président de la République, lors de sa récente visite en Corse, pour lui glisser deux mots d'appel de détresse à l'oreille. Il faut dire que le projet de statut d'autonomie, encore dans les limbes, fait l'impasse sur l'économie en général et sur l'économie touristique en particulier. Mais après tout, s'il n'y avait pas d'impasse, on ne pourrait pas faire marche arrière...

La peau de banane d'avant-saison

Si le tourisme a boudé la Corse, c'est déjà parce que la Corse a boudé le tourisme. « Les campagnes promotionnelles pour juillet et août, c'est terminé ! » Le propos a été tenu à l'orée de la saison par la présidente de l'Agence de tourisme de la Corse (ATC). Un pavé... sous la plage ! Les professionnels de la filière y vont vu une chausse-trape, une peau de banane, un peu comme si les cartes postales de Paris boycottaient la Tour Eiffel. « L'effet médiatique a été désastreux, sans parler du sentiment d'angoisse et de colère chez nos adhérents, regrette Karina Goffi, présidente de l'UMIH de Corse. Nous avons eu le sentiment que nos gouvernants voulaient saborder la saison. »

La Collectivité de Corse, dont dépend l'Agence de tourisme, voulait surtout faire passer le message que l'île a bien d'autres centres d'intérêts que celui des plages mais aussi prémunir les sites de la sur-fréquentation nocive (pollution, camping sauvage, risques de feux de forêts, pénurie d'eau...) responsable, par exemple, du déclassement européen de la Réserve naturelle de Scandola, dans le Golfe de Porto. Ce qui n'a pas manqué de renforcer le sentiment d'anti-tourisme qui s'exprime dans les réseaux sociaux ou sur les murs à grand renfort de tags hostiles dont le tristement célèbre « I Francesi Fora », « Les Français dehors » sorti de la naphtaline des prémisses de la lutte clandestine armée.

D'autres facteurs viennent noircir le tableau. À la pénurie chronique de personnel qualifié, dont la conséquence est l'ouverture tardive et la fermeture précoce de nombreux hébergements touristiques, se greffent la baisse du pouvoir d'achat et les tarifs unanimement qualifiés d'exorbitants pratiqués par les compagnies aériennes et maritimes. Venir en Corse est devenu très cher.

Haro sur l'hébergement non-marchand

En réalité, le mal est plus profond encore. Selon l'INSEE, l'offre d'hébergement professionnel représente 180.000 lits, du camping à l'hôtel 5 étoiles. L'offre para hôtelière, elle, est estimée à 600.000 lits, des locations qui, parfois, ne sont même pas déclarées. D'autre part, selon une étude de l'Agence du Tourisme de la Corse, les réservations sur les plateformes de type Airbnb ont augmenté de 113 % en cinq ans. « La Corse est le seul territoire au monde qui ne combat pas le paracommercialisme. On voit fleurir des conciergeries qui proposent toute une gamme de services y compris pour des locations au noir, j'ai des courriels qui le prouvent. Pendant ce temps, les socioprofessionnels subissent tous les contrôles possibles et imaginables », s'insurge Karina Goffi. « Nous sommes confrontés à un raz de marée de gens qui ne respectent rien, qui ne payent rien, qui spéculent, qui dérégulent l'ensemble de la société corse et qui nous mettent par terre », renchérit César Filippi, le président du Groupement des Hôtelleries Restaurations Corsica.

Les deux s'accordent pour dénoncer l'inertie des pouvoirs publics, État et Collectivité de Corse, face à une concurrence déloyale à l'origine de la sur-fréquentation et de la flambée des prix du foncier et de l'immobilier : « Si on continue à ne rien faire pour endiguer un fléau qui favorise les investissements spéculatifs en quantité industrielle au détriment des Corses, en particulier des jeunes en mal de logements, il faudra un jour ou l'autre rendre des comptes. »

Au mois de juillet, au cœur de la saison, un hôtelier qui a pignon sur rue, dans l'incapacité d'assurer ses salaires, s'est placé sous la protection du tribunal de commerce. Et actuellement 14 hôtels sont mis en vente. En Corse, les clés qu'on n'accroche plus au tableau de la réception, on les met sous la porte...

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Commentaires 8
à écrit le 20/10/2023 à 13:21
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La Corse, ça dépend des années. Pour y être allé plusieurs fois (à la voile...eh oui il y a longtemps que je ne prends plus l'avion!) , l'accueil est aléatoire. Pour les plus mauvais souvenirs, je citerai Cargese et Saint Florent et quelques bons mo...

à écrit le 20/10/2023 à 13:09
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Tous les 2 ans je vais au village au fur et à mesure des années les prix des transports flambent avec un service de plus en plus dégradé particulièrement pour Corsica Ferries dont le personnel semble ne pas aimer les touristes. Des avions sans concur...

à écrit le 20/10/2023 à 6:56
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Prix prohibitifs qui ont envahi la côte océanique également.

à écrit le 19/10/2023 à 23:30
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Peut-on avoir le beurre et l'argent du beurre ???

à écrit le 19/10/2023 à 21:10
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Je ne connais pas cette île mais compte tenu de ce que lis et vois, cela me donne envie de dépense mes euros ailleurs...Andalousie, canaries, etc. Désolé pour l'économie corse mais après tout ils ont ce qu'ils méritent non?

le 19/10/2023 à 21:31
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Vous avez bien raison ! Je suis allé en Corse une seule fois, la première et la dernière ! C'est un de mes plus mauvais souvenirs de vacances : prix élevés, accueil dans les hotels et restaurants déplorable, comme si on les génait, sentiment d'inséc...

à écrit le 19/10/2023 à 19:36
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Pour y être allé en septembre,en Corse du sud,j’ai trouvé qu’il y avait beaucoup de monde. Je confirme que le coût de l’alimentation est très élevé ( je compare avec ma région),aucune concurrence pour le carburant.Essence et gasoil,même prix :1,99 e...

le 19/10/2023 à 20:33
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En Corse y aucun 'discount' sur les carburants. La dernière fois que j'y suis allé, j'ai remarqué qu'il n'y avait plus que 2 carburants de qualité (Excellium Tota*), ça simplifie les livraisons, 2 types de camions (sais pas s'il y a du E85). La TVA ...

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