
C'est l'un des pivots du plan du gouvernement pour atteindre -55 % d'émissions de gaz à effet de serre en 2030, présenté ce lundi 25 septembre par Emmanuel Macron : chaque année, l'Hexagone devra fabriquer 1 million de pompes à chaleur (PAC) « made in France », soit un triplement de la production d'ici à la fin du quinquennat, a-t-il annoncé. Le but : ne pas perdre ce marché crucial face à la concurrence féroce de l'Asie, alors que l'exécutif compte accélérer la disparition des chaudières fossiles afin de préserver le climat - sans pour autant les interdire, a précisé le chef de l'Etat.
« Il s'agit de faire revenir les composants de la pompe à chaleur électrique en France, au-delà du seul assemblage », explique-t-on au ministère de la Transition écologique.
Manque d'investissements
Pour l'heure, environ 350.000 de ces équipements sont fabriqués en France chaque année, contre 346.000 installations vendues dans le pays en 2022. Mais la filière du compresseur, un élément indispensable de la PAC qui transforme les calories prélevées dans l'environnement (air, eau, terre) en chaleur, est encore inexistante dans l'Hexagone. Si bien qu'une bonne partie de la valeur ajoutée des PAC lui échappe toujours, au bénéfice de l'Asie.
Surtout, l'investissement dans de nouvelles unités de production reste insuffisant sur le territoire, alors que, selon le gestionnaire du réseau de transport d'électricité RTE, 11,5 millions de PAC pourraient être installées en 2035 (contre 1,6 million aujourd'hui).
Aujourd'hui, il n'y a pas assez de projets dans le « pipe ». Les acteurs sont en phase d'investissement pour augmenter leurs capacités de production, mais on a besoin de stimuler tout ça. L'objectif, à la fin, c'est d'arriver à un taux de valeur ajoutée française ou européenne entre 75 et 85% [contre environ 50% maximum aujourd'hui, ndlr] », précise-t-on au cabinet de Roland Lescure, ministre délégué à l'Industrie.
Crédits d'impôts à hauteur de 20-25%
Alors, pour « faire émerger plus vite des stratégies d'investissement », l'exécutif prépare différents mécanismes. D'abord, un crédits d'impôt (prévu par le projet de loi de finance et introduit par la loi industrie verte) verra le jour, à hauteur de 20-25% de l'enveloppe totale du projet. « L'idée serait d'avoir 300 millions d'euros pour 2 milliards d'euros d'investissement productif », illustre ainsi l'exécutif. Par ailleurs, ce crédit d'impôt concernera « sans discrimination » toutes les technologies de PAC (air-air ou air-eau), alors que les baisses de TVA ne s'appliquent aujourd'hui que sur les modèles air-eau, non optimisés pour la climatisation.
Et ce n'est pas tout :
« En plus de ce soutien financier sous-jacent, [...] on proposera du foncier à ceux qui accélèreront leurs investissements dans les 8-10 prochains mois, en s'associant au projet au niveau de toutes les strates administrative de l'Etat, [...] avec un suivi personnalisé », ajoute-t-on dans l'entourage de Roland Lescure.
Le gouvernement expérimente d'ailleurs déjà cette méthode avec le groupe français Atlantic, leader du marché des PAC dans l'Hexagone et numéro 2 en Europe. Résultat : alors que l'entreprise envisageait d'investir en Europe de l'est, « on est en train de regagner l'investissement en France », se félicite-t-on au sein de l'exécutif.
Vers une éco-conditionnalité des aides ?
En outre, l'exécutif promet de travailler « en mode accéléré » sur l'éco-conditionnalité des subventions aux PAC, alors que les équipements français s'avèrent souvent moins polluants que leurs équivalents asiatiques.
« Il y a une volonté politique très forte d'arrêter de subventionner les produits ne bénéficiant pas à la balance commerciale et à la souveraineté de l'Union européenne », affirme-t-on au cabinet de Roland Lescure.
Il s'agit d'ailleurs d'une demande de longue date de la filière : enrichir l'éligibilité aux aides par des critères environnementaux, comme pour le bonus écologique sur les véhicules électriques. Et pour cause, alors qu'1,4 milliards d'euros du dispositif MaPrimeRénov seront consacrés à l'installation de PAC, seulement 30% d'entre elles sont françaises ou même européennes.
30 millions d'euros via France 2030 pour la R&D
Par ailleurs, pour accompagner la montée en gamme de la filière, le gouvernement compte miser sur l'innovation. Celui-ci vient donc d'annoncer une enveloppe de 30 millions d'euros « pour les prochains mois » via le fameux plan d'investissement France 2030, afin d'accélérer la Recherche et Développement (R&D) sur le sujet. L'exécutif espère ainsi profiter de la prochaine interdiction de certains gaz frigorigènes très polluants, via le règlement européen R-gaz, pour que les installations « made in France » tirent leur épingle du jeu. « C'est une opportunité de reprendre coup d'avance sur Asiatiques », glisse-t-on au ministère de l'Industrie.
Sans surprise, la R&D sera également clé pour prendre la main sur l'industrie du compresseur. « On va essayer de stimuler la R&D là-dessus, pour avoir un ou deux projets en France qui puissent rapidement avoir les dimensions d'une grande usine », explique la même source. A ce stade, cependant, aucune échéance concrète n'est communiquée.
Les besoins en formation « fléchés en priorité » vers la PAC
Enfin, le gouvernement affirme plancher sur l'« aspect métier », afin de répondre aux besoins d'apprentissage des installateurs de PAC. « C'est un peu plus compliqué que d'installer une chaudière à gaz. ll y a plus d'électronique, c'est plus intelligent », note-t-on au sein de l'exécutif.
« Pour l'installation, l'entretien et la maintenance, il y a toujours un manque d'expertise. Il faut donc accompagner la filière existante, qui maîtrise la solution gaz, et la faire monter en compétence sur les PAC », soulignait il y a quelques semaines à La Tribune François Deroche, président Afpac (Association française pour la pompe à chaleur).
Dans ces conditions, les dispositifs de formation seront « fléchés en priorité vers la PAC », assure-t-on dans l'entourage de Roland Lescure. Avec un objectif clair affiché par Emmanuel Macron ce 25 septembre : former 30.000 installateurs.
Il faut dire que le temps presse : au 1er semestre 2023, les ventes de PAC air-eau ont chuté de 5% en France par rapport à la même période l'an dernier. « Le marché était très dynamique jusqu'ici. On a été très surpris de constater un fléchissement », déplore François Deroche.
Pourtant, selon RTE,« accélérer la sortie des énergies fossiles grâce au déploiement des PAC rédui[ra] significativement les émissions de gaz à effet de serre du chauffage ». Sans quoi la France ne pourra pas atteindre ses objectifs climatiques, estime l'organisme, alors que le secteur du bâtiment reste l'un des plus polluants du pays, avec 18% des émissions nationales.
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