France 2030, le plan d'investissements sous la menace de coupes budgétaires

Bercy a récemment évoqué l'option de faire des économies sur le plan d'investissements France 2030 de 54 milliards d'euros. Pressé de faire des coupes budgétaires, le gouvernement pourrait fermer le robinet des dépenses destinées à doper l'innovation tricolore. Un virage qui risque de faire bondir les acteurs engagés dans la transition énergétique et numérique.
Grégoire Normand
Emmanuel Macron lors d'une visite à Toulouse en novembre dernier pour les deux ans de France 2030.
Emmanuel Macron lors d'une visite à Toulouse en novembre dernier pour les deux ans de France 2030. (Crédits : Reuters)

Film sur grand écran défendant les grandes inventions françaises du XXe siècle, parterre de ministres, de chefs d'entreprises, d'étudiants. Sous les ors de salle des fêtes de l'Elysée, le président Emmanuel Macron avait lancé en grande pompe le lancement du plan France 2030 à l'automne 2021. À quelques mois de l'élection présidentielle du printemps 2022, le chef de l'Etat avait déroulé les grands axes de la politique d'investissement de la France pour les dix ans à venir dans un long discours de plus d'une heure et demi aux accents de campagne électorale.

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Dotée d'un montant initial de 34 milliards d'euros, l'enveloppe a finalement gonflé pour atteindre 54 milliards d'euros. Objectif affiché, « faire émerger dans notre pays et en Europe, les champions de demain qui, dans les domaines du numérique, de l'industrie verte, des biotechnologies, ou encore de l'agriculture, dessineront notre avenir », assurait l'exécutif, secoué par les répercussions de la pandémie sur l'économie française.

Après un démarrage poussif, ce plan piloté par l'ancien député macroniste et serial entrepreneur Bruno Bonnel a pris son envol en 2022. Son déploiement pourrait toutefois se fracasser sur le changement de cap de l'Elysée et de Bercy. Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a d'ailleurs annoncé ce mercredi que le déficit sera au-dessus de l'objectif de 4,9% du PIB en 2024.

Bruno Bonnel France 2030

Le secrétaire général de France 2030 Bruno Bonnel. Crédits : Reuters.

Un plan dans le collimateur de Bercy et l'Elysée

C'est désormais une petite musique qui monte dans les couloirs du ministère des Finances. Déterminé à faire des économies dans les dépenses de l'Etat, Bruno Le Maire a prévu 10 milliards de coupes dans les dépenses de l'Etat, par décret, dans les mois à venir. Accompagné du ministre délégué aux Comptes publics, Thomas Cazenave, Bruno Le Maire doit livrer les détails de ces coups de rabot devant la commission des finances du Sénat, ce mercredi.

Lors d'une récente réunion avec des journalistes, l'entourage du ministre a évoqué l'option de passer au scalpel les dépenses du plan France 2030.

« S'agissant des entreprises, les aides aux entreprises font partie des revues de dépenses publiques. Et nous n'excluons pas, sur France 2030, de faire aussi des économies ».

Du côté de l'Elysée, l'entourage du chef de l'Etat a également évoqué « des discussions en cours sur les arbitrages budgétaires ». « L'idée, c'est d'abord de préserver la trajectoire des finances publiques de la France qui est un atout pour les investisseurs étrangers », a poursuivi cette source. À ce stade, rien n'est toutefois encore tranché. Le plan de 10 milliards d'euros ne devrait pas concerner le plan France 2030. Contacté par La Tribune, Bercy a indiqué que ce plan ne faisait pas partie de la revue des dépenses. Mais rien n'empêche de passer par un budget rectificatif récemment évoqué ou le prochain budget 2025.

« Problème de sincérité budgétaire »

Sur le front budgétaire, plusieurs parlementaires s'interrogent sur la bonne utilisation des fonds et l'opacité autour de cette enveloppe. Interrogé le 29 février dernier au Sénat, le secrétaire général à l'investissement, Bruno Bonnel, a reconnu que « ce qu'il y a dans le projet de loi de finances (les indicateurs sur le plan France 2030, ndlr) n'est pas satisfaisant ».

Le rapporteur de la Commission des finances à la chambre haute, Jean-François Husson (LR), « a regretté que l'annexe générale au PLF consacrée au plan France 2030 n'intègre pas l'actualisation des indicateurs de France 2030»« Sur les 24 indicateurs conçus, un seul rendu public concerne le montant des aides attribuées », a-t-il ajouté.

Le sénateur a exprimé des réserves particulièrement sévères sur la mise en œuvre de ce plan. « Il y a des problèmes de sincérité budgétaire et de respect des engagements du gouvernement dans les intentions qu'ils ont posées sur ce dispositif ».

Une gestion sous contrainte budgétaire

Conscient du resserrement budgétaire en cours, Bruno Bonnel a voulu se montrer plus ferme. « On n'est pas ignorant du contexte global. Il faut maintenant gérer sous contrainte plus importante nos budgets. Depuis début janvier, j'ai lancé une procédure de suivi rigoureuse des projets ». Ce travail de suivi « excessivement rigoureux veut montrer que l'Etat est prêt à prendre des risques sur des technologies avancées, à condition que les entreprises soient au rendez-vous des résultats qu'elles nous proposent initialement dans leur présentation ».

Plusieurs parlementaires ont pointé notamment le risque que les dépenses des plans d'aides soient financées sur les fonds du plan d'investissement France 2030 par exemple. « Si je prends l'enveloppe prévue par le plan France 2030 pour le secteur alimentaire, il y a 2,7 milliards d'euros. Or, j'ai pu observer l'utilisation du plan France 2030 pour financer le plan Fruits et légumes du gouvernement. Ce sont des crédits absolument conventionnels. On est allé piocher dans France 2030 », a expliqué Jean-François Husson.

La France en retard sur ses objectifs de R&D

Malgré les ambitions affichées par Emmanuel Macron, la France accuse un sérieux retard sur ses objectifs d'innovation. La part des dépenses de recherche et développement dans le produit intérieur brut (PIB) atteint 2,2%. Ce score est légèrement au-dessus de la moyenne européenne (2,16%).

Made with Flourish

Mais l'Hexagone est encore loin de remplir les objectifs du Traité de Lisbonne fixé en 2000 et visant à parvenir à 3% de la richesse produite. La moyenne des pays riches (OCDE) s'établit à 2,72% selon de récentes données de l'Insee. Sur le Vieux continent, la Belgique (3,43%), la Suède (3,4%) et l'Autriche (3,26%) dominent les trois premières marches du podium. Viennent ensuite, l'Allemagne (3,13%) et la Finlande (2,99%). Dans les milieux économiques et financiers, ces nouvelles coupes budgétaires pourraient aussi freiner les ambitions d'investissements des industriels étrangers. Une mauvaise nouvelle pour la Macronie qui a fait de l'attractivité le mantra de sa politique économique.

France 2030 : comment ça marche ?

Erigée en « politique prioritaire » du gouvernement, le plan France 2030 se décline en 10 objectifs et six leviers. Sur le plan budgétaire, 50% des sommes doivent être fléchées vers la décarbonation de l'économie. L'autre moitié doit porter sur des secteurs émergents. France 2030 est mis en œuvre par quatre grands opérateurs de l'Etat : l'Agence nationale de la recherche (ANR,) l'Agence de la transition écologique (ADEME), Bpifrance et la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC). La démarche principale pour obtenir les fonds est de répondre à des appels à projet.

Grégoire Normand
Commentaires 19
à écrit le 07/03/2024 à 9:28
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il ne s'agit pas d'etre pour ou contre l'ukraine ceci n'est que le prétexte ce qu'il s'agit c'est d'etre pour l'europe vision macron et bien c'est non pas a l'europe du consommateur mais a celle du peuple d'europe avec sa diversité non au modèle u...

à écrit le 06/03/2024 à 15:04
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Après 7 ans de macronisme, plus les années comme ministre de l'économie, le moins que l'on puisse dire est que si il était gestionnaire, du coup il serait bien mauvais ! La suppression des budgets dit d'investissement, c'est souvent ce que fait le ...

à écrit le 06/03/2024 à 14:27
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"fermer le robinet de l'innovation tricolore " suicidaire !!! retour à la lampe huile et à la marine à voile

le 06/03/2024 à 15:12
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Mais c'est la France mon cher @Idx! Cette même France qui s'est déjà reposée sur ses acquis durant quatre décennies avant de régresser indéniablement...depuis.

le 06/03/2024 à 15:57
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Que voulez-vous? il faut bien maintenir les pensions des électeurs de Renaissance/Horizons/LR pour limiter la casse aux élections à venir...

à écrit le 06/03/2024 à 14:15
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Vu le cout des remboursements des campagnes présidentielles, pourquoi ne pas interdir ces remboursement sur nos impots car les partis politiques eux ne remboursent jamais ceux a qui ils ont emprunté (comme Sarkozy avec mamie zinzin, Macron et les ric...

à écrit le 06/03/2024 à 12:14
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Ils coupent dans les dépenses d'avenir. Mais continuent à s'endetter pour les dépenses sociales. AME,allocations, etc

à écrit le 06/03/2024 à 11:54
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Et surtout gardons nous bien de couper là où c' est impérativement nécessaire : coupons les racines et les branches vivantes Nous devenons chaque jour un peu plus un pays qui se tier-mondialise Emmanuel Macron , Bruno Le Maire et consorts ? Des...

à écrit le 06/03/2024 à 10:51
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On va bientôt s'apercevoir que l'on vivait mieux au Moyen-âge !

le 06/03/2024 à 11:46
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L'oligarchie était vivante à cette époque là ! Ceci explique cela également.

à écrit le 06/03/2024 à 10:28
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On ne peut pas d'un côté dépenser des milliards pour la guerre et les JO (1,5 md juste pour nettoyer la Seine) et après parler de faire des économies pour la santé (fermeture hôpitaux, 1€ de franchise désormais par boite de médocs) ou de fermeture de...

à écrit le 06/03/2024 à 10:10
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Où sont les coupes dans nos frais de gestion: Parlement et organismes assurant la soudure entre fauteuils, assujettissement de la paye des ministres aux résultats? Baisse des impôts corrélée à la fin des subventions?

à écrit le 06/03/2024 à 10:09
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Le tapis rouge déroulé vers la récession✌Ben à force d'assister le bas de l'échelle les yeux fermés - au détriment de la méritocratie et de la valeur Travail - et en parallèle subventionner à la pelle les tenants du grand Capital vs les lois de l'éco...

le 06/03/2024 à 14:35
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"méritocratie et valeur travail " ne sont que des concepts galvaudés par nos élites ( elles aiment bien conceptualiser nos élites ) qui s'octroient avantages et positions sociales que par copinage et cooptation en voulant faire croire à l'opinion qu...

le 06/03/2024 à 15:17
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@Idx. J'ai effectué toutes mes études en Occident - hors zone euro - et exercé également durant des décennies en dehors de la France. Croyez-moi que la valeur Travail et la méritocratie sont légions dans passablement de pays et - je vous l'accorde ai...

le 06/03/2024 à 16:30
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Dans les pays latins, il y a une tendance culturelle à chercher à sous-payer le travail, d'où du clientélisme pour maintenir la paix civile...

à écrit le 06/03/2024 à 9:58
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Sans gel des prestations sociales il n'y a pas d'issue. L'électoralisme de Macron a un coût trop élevé pour le pays. Il fallait augmenter les retraites de 2% au lieu de 5,3% et geler toutes les prestations sociales (AF, RSA, APL etc...). Entre l'in...

le 06/03/2024 à 10:57
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@Adieu BCE. [Entre l'investissement et le clientélisme, entre le travail et l'assistanat] qui ont été des mauvais choix publics, certes indéniables, et avec eux un autisme caractérisé envers le coûteux train de vie de l'État (et je ne fais pas référe...

à écrit le 06/03/2024 à 9:30
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Ben oui tout ces sous à donner à tout ces riches forcément ça coupe les jambes et maintenant les bras et demain la tête. No dirigeants sont faibles.

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