Film sur grand écran défendant les grandes inventions françaises du XXe siècle, parterre de ministres, de chefs d'entreprises, d'étudiants. Sous les ors de salle des fêtes de l'Elysée, le président Emmanuel Macron avait lancé en grande pompe le lancement du plan France 2030 à l'automne 2021. À quelques mois de l'élection présidentielle du printemps 2022, le chef de l'Etat avait déroulé les grands axes de la politique d'investissement de la France pour les dix ans à venir dans un long discours de plus d'une heure et demi aux accents de campagne électorale.
Dotée d'un montant initial de 34 milliards d'euros, l'enveloppe a finalement gonflé pour atteindre 54 milliards d'euros. Objectif affiché, « faire émerger dans notre pays et en Europe, les champions de demain qui, dans les domaines du numérique, de l'industrie verte, des biotechnologies, ou encore de l'agriculture, dessineront notre avenir », assurait l'exécutif, secoué par les répercussions de la pandémie sur l'économie française.
Après un démarrage poussif, ce plan piloté par l'ancien député macroniste et serial entrepreneur Bruno Bonnel a pris son envol en 2022. Son déploiement pourrait toutefois se fracasser sur le changement de cap de l'Elysée et de Bercy. Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a d'ailleurs annoncé ce mercredi que le déficit sera au-dessus de l'objectif de 4,9% du PIB en 2024.
Le secrétaire général de France 2030 Bruno Bonnel. Crédits : Reuters.
Un plan dans le collimateur de Bercy et l'Elysée
C'est désormais une petite musique qui monte dans les couloirs du ministère des Finances. Déterminé à faire des économies dans les dépenses de l'Etat, Bruno Le Maire a prévu 10 milliards de coupes dans les dépenses de l'Etat, par décret, dans les mois à venir. Accompagné du ministre délégué aux Comptes publics, Thomas Cazenave, Bruno Le Maire doit livrer les détails de ces coups de rabot devant la commission des finances du Sénat, ce mercredi.
Lors d'une récente réunion avec des journalistes, l'entourage du ministre a évoqué l'option de passer au scalpel les dépenses du plan France 2030.
« S'agissant des entreprises, les aides aux entreprises font partie des revues de dépenses publiques. Et nous n'excluons pas, sur France 2030, de faire aussi des économies ».
Du côté de l'Elysée, l'entourage du chef de l'Etat a également évoqué « des discussions en cours sur les arbitrages budgétaires ». « L'idée, c'est d'abord de préserver la trajectoire des finances publiques de la France qui est un atout pour les investisseurs étrangers », a poursuivi cette source. À ce stade, rien n'est toutefois encore tranché. Le plan de 10 milliards d'euros ne devrait pas concerner le plan France 2030. Contacté par La Tribune, Bercy a indiqué que ce plan ne faisait pas partie de la revue des dépenses. Mais rien n'empêche de passer par un budget rectificatif récemment évoqué ou le prochain budget 2025.
« Problème de sincérité budgétaire »
Sur le front budgétaire, plusieurs parlementaires s'interrogent sur la bonne utilisation des fonds et l'opacité autour de cette enveloppe. Interrogé le 29 février dernier au Sénat, le secrétaire général à l'investissement, Bruno Bonnel, a reconnu que « ce qu'il y a dans le projet de loi de finances (les indicateurs sur le plan France 2030, ndlr) n'est pas satisfaisant ».
Le rapporteur de la Commission des finances à la chambre haute, Jean-François Husson (LR), « a regretté que l'annexe générale au PLF consacrée au plan France 2030 n'intègre pas l'actualisation des indicateurs de France 2030». « Sur les 24 indicateurs conçus, un seul rendu public concerne le montant des aides attribuées », a-t-il ajouté.
Le sénateur a exprimé des réserves particulièrement sévères sur la mise en œuvre de ce plan. « Il y a des problèmes de sincérité budgétaire et de respect des engagements du gouvernement dans les intentions qu'ils ont posées sur ce dispositif ».
Une gestion sous contrainte budgétaire
Conscient du resserrement budgétaire en cours, Bruno Bonnel a voulu se montrer plus ferme. « On n'est pas ignorant du contexte global. Il faut maintenant gérer sous contrainte plus importante nos budgets. Depuis début janvier, j'ai lancé une procédure de suivi rigoureuse des projets ». Ce travail de suivi « excessivement rigoureux veut montrer que l'Etat est prêt à prendre des risques sur des technologies avancées, à condition que les entreprises soient au rendez-vous des résultats qu'elles nous proposent initialement dans leur présentation ».
Plusieurs parlementaires ont pointé notamment le risque que les dépenses des plans d'aides soient financées sur les fonds du plan d'investissement France 2030 par exemple. « Si je prends l'enveloppe prévue par le plan France 2030 pour le secteur alimentaire, il y a 2,7 milliards d'euros. Or, j'ai pu observer l'utilisation du plan France 2030 pour financer le plan Fruits et légumes du gouvernement. Ce sont des crédits absolument conventionnels. On est allé piocher dans France 2030 », a expliqué Jean-François Husson.
La France en retard sur ses objectifs de R&D
Malgré les ambitions affichées par Emmanuel Macron, la France accuse un sérieux retard sur ses objectifs d'innovation. La part des dépenses de recherche et développement dans le produit intérieur brut (PIB) atteint 2,2%. Ce score est légèrement au-dessus de la moyenne européenne (2,16%).
Mais l'Hexagone est encore loin de remplir les objectifs du Traité de Lisbonne fixé en 2000 et visant à parvenir à 3% de la richesse produite. La moyenne des pays riches (OCDE) s'établit à 2,72% selon de récentes données de l'Insee. Sur le Vieux continent, la Belgique (3,43%), la Suède (3,4%) et l'Autriche (3,26%) dominent les trois premières marches du podium. Viennent ensuite, l'Allemagne (3,13%) et la Finlande (2,99%). Dans les milieux économiques et financiers, ces nouvelles coupes budgétaires pourraient aussi freiner les ambitions d'investissements des industriels étrangers. Une mauvaise nouvelle pour la Macronie qui a fait de l'attractivité le mantra de sa politique économique.
Erigée en « politique prioritaire » du gouvernement, le plan France 2030 se décline en 10 objectifs et six leviers. Sur le plan budgétaire, 50% des sommes doivent être fléchées vers la décarbonation de l'économie. L'autre moitié doit porter sur des secteurs émergents. France 2030 est mis en œuvre par quatre grands opérateurs de l'Etat : l'Agence nationale de la recherche (ANR,) l'Agence de la transition écologique (ADEME), Bpifrance et la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC). La démarche principale pour obtenir les fonds est de répondre à des appels à projet.France 2030 : comment ça marche ?