
Les nuages de l'automne s'amoncellent au-dessus de l'économie française. Après un deuxième trimestre dynamique (+0,5%), la croissance du produit intérieur brut (PIB) pourrait brutalement marquer le pas. Dans sa dernière enquête mensuelle de conjoncture, la Banque de France table sur une activité économique modeste entre 0,1% et 0,2% pour le troisième trimestre de 2023. Les économistes n'ont pas révisé leurs projections sur cette période. Il s'agit d'un scénario proche de celui de l'Insee. En revanche, la banque centrale n'a pas donné de chiffre pour le dernier trimestre.
« Contrairement à ce que pouvaient laisser penser d'autres indicateurs, il n'y a pas de retournement conjoncturel. La croissance serait ralentie par rapport au deuxième trimestre », a déclaré Olivier Garnier, directeur des études à la Banque de France, lors d'un point presse ce mardi 12 septembre.
Il y a quelques jours, le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau a annoncé qu'il n'y aurait pas de récession en 2023.
Mais les mauvais résultats en Allemagne, l'essoufflement de la Chine et la poursuite de la hausse des taux opérée par la Banque centrale européenne pourraient venir assombrir les perspectives de l'économie tricolore. En 2022, l'économie hexagonale avait bénéficié de l'effet rattrapage du rebond post-covid. Malgré la guerre en Ukraine et l'inflation, les entreprises et les ménages avaient limité la casse. Mais la donne a complètement changé.
Les carnets de commandes s'effondrent
Résultat, les indicateurs virent au rouge dans l'industrie. L'activité trimestrielle devrait augmenter de seulement 0,2% entre juillet et septembre, contre 1,2% au deuxième trimestre. La récente hausse des prix du pétrole l'été dernier, et la moindre demande mondiale, pèsent sur la demande adressée aux industriels. Les carnets de commandes enregistrent une baisse spectaculaire depuis l'éclatement de la guerre en Ukraine. Compte tenu du faible poids de l'industrie dans le PIB (11%), ce coup de frein ne devrait pas avoir d'incidence majeure sur la croissance du PIB trimestriel. Mais c'est un mauvais signal au moment où le gouvernement fait le pari de la réindustrialisation.
S'agissant de la construction, la conjoncture est morose, avec une activité en repli entre avril et septembre. Là encore, les carnets de commandes continuent de plonger. De fait, le resserrement de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) a pesé sur les conditions d'octroi des crédits et l'investissement des ménages.
L'annonce d'une nouvelle hausse des taux d'intérêt le 14 septembre prochain par l'institution de Francfort pourrait empirer la situation, faisant craindre une crise à rallonge du secteur. Au final, les difficultés d'offre rencontrées depuis la pandémie de 2020 ont laissé la place à de vastes problèmes de demande.
Les services au ralenti
Du côté des services, les indicateurs montrent un essoufflement. L'activité dans le tertiaire marchand (+0,3%) et le non-marchand (+0,1%) ont enregistré un ralentissement pendant l'été par rapport au deuxième trimestre (respectivement +0,6% et 0,2%). Etant donné le poids important du tertiaire dans la richesse produite (79%), ce coup de frein pourrait peser lourdement sur la croissance économique de 2024.
Sur le front de l'emploi, les dernières statistiques de l'Insee et de la Dares soulignent que les entreprises ont réduit la voilure sur les embauches. Le marché de l'emploi est resté en territoire positif avec plus de créations de postes que de destructions. Mais les mauvais signaux s'accumulent depuis le printemps.
L'économie mondiale en panne sèche
Ce ralentissement de la croissance tricolore intervient alors que l'économie mondiale traverse une zone de fortes turbulences. Dans ses dernières prévisions dévoilées ce mardi 12 septembre, la direction générale du Trésor indique que la croissance du PIB pourrait passer de 3,5% en 2022 à 3% en 2023 et en 2024. Ce coup de frein s'explique principalement par le resserrement monétaire et la chute de l'investissement. En zone euro, l'Allemagne est en pleine récession (-0,1%) tandis que l'Espagne (+2,4%) et l'Italie (+1%) s'en sortent mieux.
S'agissant de la France, Bercy n'a pas encore précisé sa projection. En pleine préparation du budget 2024, les conjoncturistes s'apprêtent à lever le voile sur le chiffre de croissance pour 2023. Au printemps, le gouvernement tablait sur une hausse de l'activité de 1% pour cette année. Dernièrement, l'Insee a révisé à la hausse sa prévision à 0,9% contre 0,6% en juin. La fin de l'année reste malgré tout soumise à de nombreux aléas, notamment sur l'inflation ou la politique monétaire de la BCE.