Dans quelle situation économique et sociale se trouve la France ? À écouter l'exécutif, « l'économie française résiste et fait bien mieux que ses voisins européens » comme l'a martelé à plusieurs reprises le ministre de l'Economie Bruno Le Maire mardi 24 octobre lors d'un événement au Pavillon Gabriel dans le très chic 8ème arrondissement de Paris, consacré à la dégradation des retards de paiement entre les entreprises. Mais le tableau dressé et dévoilé ce mercredi par le conseil économique, social et environnemental (CESE) est bien plus préoccupant.
Dans un rapport rendu public d'une centaine de pages, l'institution tire la sonnette d'alarme sur le pouvoir d'achat, les inégalités et la montée de l'anxiété liée au réchauffement climatique. « Les pouvoirs publics ne peuvent plus dire qu'il ne savait pas», a alerté Marianne Tordeux, rapporteuse du CESE, interrogée par La Tribune. Cette année, le conseil a livré un diagnostic de la société à partir d'une batterie de dix indicateurs et un sondage réalisé par Ipsos. «Il y a un écart très fort entre l'optimisme des Français pour eux-mêmes et le pessimisme pour les autres et la société », a affirmé Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération du commerce, lors de son intervention au palais d'Iena.
Alors que la Première ministre Elisabeth Borne doit faire des propositions ce jeudi 26 octobre après les émeutes urbaines de juin dernier, les représentants de la société civile espèrent une « réponse globale » et « pas seulement sécuritaire ». Les enquêtes ont montré qu'il y avait « beaucoup de primo-délinquants », a précisé Marianne Tordeux, directrice des affaires publiques chez France digitale.
Le pouvoir d'achat au centre des préoccupations des Français
La multiplication des crises ces dernières années a remis la question du pouvoir d'achat au coeur des préoccupations des Français. Parmi les thèmes testés dans un baromètre commandé par le CESE, c'est même le sujet numéro UN pour 40% des personnes interrogées. Ce taux monte à 58% chez les familles monoparentales et 46% chez les moins de 35 ans. « Le pouvoir d'achat ne permet plus de répondre aux besoins de la moitié des Français », souligne Marianne Tordeux. « Le budget moyen nécessaire pour vivre dépend grandement du lieu de résidence ou de la vie familiale », poursuit-elle.
L'inflation des prix à certes ralenti depuis quelques mois mais les prix de l'énergie et de l'alimentaire continuent de peser grandement sur le budget des plus modestes contraint par des dépenses pré-engagées (factures d'énergie, abonnements) de plus en plus importantes. « L'inflation alimentaire est un vrai sujet de long terme », explique à La Tribune l'économiste de Pictet Christopher Dembik. « Le sentiment d'appauvrissement risque d'augmenter car les ménages sont directement exposés aux évolutions des prix sur les étiquettes », indique l'économiste.
Les inégalités géographiques inquiètent les Français
Interrogés sur une batterie d'indicateurs, deux tiers des Français estiment que les inégalités liées au lieu de résidence sont les plus importantes. « Il y a une perception aigüe des Français sur les inégalités et leurs conséquences sur l'emploi », explique Marianne Tordeux. Dans son épais rapport, le CESE recommande au gouvernement de mettre l'accent sur les populations et les territoires les plus défavorisés. « Il y a une vraie pénurie de main d'oeuvre dans de nombreux secteurs » souligne la représentante de France Digitale. « On a besoin de personnel dans le numérique et les métiers verts ». Ces inégalités sont « l'une des causes de l'embrasement des derniers mois ». Pour rappel, le taux d'emploi dans les quartiers prioritaires de la ville (45%) est de 20 points inférieurs à celui de la population en général.
La montée de l'éco-anxiété
Interrogés sur les freins au bien-être, les Français mentionnent d'abord le manque d'argent et de temps mais aussi l'angoisse liée au réchauffement climatique. En moyenne, 32% des Français affirment que le climat est un sujet d'anxiété. Derrière ce chiffre, il existe de fortes disparités entre les hommes (27%) et les femmes (37%). Le clivage entre les moins de 35 ans (28%) et les plus de 60 ans (37%) est également très marqué. «Les Français sont très loin d'être climatosceptiques », déclare Marianne Tordeux. Face au péril climatique, les répondants évoquent la barrière du financement comme frein à la transition pour accélérer les travaux de rénovation ou acquérir un véhicule moins polluant. Entre « fin du monde » et « fin du mois », la bataille pour le climat promet encore de vifs débats dans les années à venir.