Territoires d'industrie : les 100 millions d'euros du gouvernement seront-ils suffisants ?

Après une première phase présentée en 2018, le gouvernement vient de lancer une nouvelle version du programme Territoires d'industrie. Pressé par la nécessité de réindustrialiser les régions dévastées par les délocalisations, l'exécutif a mis 100 millions d'euros sur la table pour 2023. Cette somme pourrait toutefois être jugée peu ambitieuse au regard des immenses enjeux de réindustrialisation et de décarbonation dans l'Hexagone.
Grégoire Normand
Lancé à l'automne 2018 par l'ancien Premier ministre, Edouard Philippe, ce mécanisme représente « le volet territorial de la politique industrielle » du pays, poursuit Bercy (Photo d'illustration).
Lancé à l'automne 2018 par l'ancien Premier ministre, Edouard Philippe, ce mécanisme représente « le volet territorial de la politique industrielle » du pays, poursuit Bercy (Photo d'illustration). (Crédits : Reuters)

L'exécutif continue d'occuper le terrain de la réindustrialisation. Après les nombreux déplacements du chef de l'Etat dans le Nord, en Ardèche et en Seine-et-Marne sur des sites industriels, la Première ministre Elisabeth Borne a annoncé en fin de semaine dernière le lancement d'une nouvelle phase de sélection pour les Territoires d'industrie sur la période 2023-2027. Ces territoires devraient bénéficier d'une première enveloppe de 100 millions d'euros en 2023, a annoncé Matignon dans un communiqué.

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Co-piloté par Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, Roland Lescure ministre de l'Industrie et Dominique Faure, ministre des Collectivités, ce programme vise à associer l'Etat, les industriels et les collectivités territoriales pour relancer l'industrie dans les territoires. Lancé à l'automne 2018 par l'ancien Premier ministre, Edouard Philippe, ce mécanisme représente « le volet territorial de la politique industrielle » du pays, poursuit Bercy.

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Compte tenu des délocalisations et des millions de postes détruits depuis le choc pétrolier de 1973, le chemin pour réindustrialiser la France s'annonce périlleux. Et pour cause, la part de l'industrie dans l'économie tricolore (PIB) n'a cessé de dégringoler en cinquante ans et l'emploi industriel s'est effondré, entraînant dans son sillage des réseaux entiers de sous-traitants et prestataires.

Une nouvelle carte des Territoires d'industrie

A l'heure actuelle, 149 territoires ont obtenu le label depuis son lancement en 2018. Cette carte devrait être amenée à évoluer. L'Etat, en coopération avec les Régions, a lancé un appel à candidature jusqu'à la fin du mois de septembre prochain. Cet appel vise à soutenir des projets « à fort impact territorial » et aussi « des territoires qui sont encore plus en difficulté, ou plus loin de l'emploi ».

Lors de son allocution le 11 mai dernier à l'Elysée, le président Macron avait mis l'accent sur les territoires marqués par toutes ces fermetures. Cette revitalisation doit notamment passer par le dispositif « Rebond industriel », volet du programme Territoires d'industrie. Le mécanisme spécifique vise avant tout les activités dans le transport récemment, a précisé le ministère des Finances.

Sur le plan des compétences, ce coup de pouce devrait permettre de financer des investissements en fonction des besoins des industriels, comme les écoles de production. Sur ces centres de formation, le premier directeur du programme Territoires d'industrie, Olivier Luansi, a confié il y a quelques jours à La Tribune un jugement critique :

« Les ambitions portées pour les écoles de production (en doublant et passant de 1.500 jeunes formés par an à 3.000) ne sont pas à la hauteur des enjeux qui se mesurent en dizaines de milliers de jeunes formés ».

Une relance à la hauteur des enjeux ?

Cette relance du programme Territoires d'industrie voulue par le président Macron pourrait cependant être jugée peu ambitieuse au regard des enjeux de réindustrialisation du pays. Déjà, dans un épais rapport consacré aux politiques industrielles de l'Hexagone dévoilé en 2020, France Stratégie, un organisme rattaché à Matignon, avait pointé les lacunes de ce programme. « Les 148 territoires ne peuvent en moyenne se voir attribuer que 8,8 millions d'euros chacun », soulignaient les auteurs. Au vu des récents chiffres affichés par Bercy, la répartition des sommes pourrait être comparable sur les cinq prochaines années.

En outre, la première version du programme avait surtout bénéficié de fonds recyclés. « Il ne s'agit pas de moyens supplémentaires, mais d'un fléchage en faveur de ces territoires de crédits existants provenant du programme d'investissements d'avenir, du Plan d'investissement compétences, ou encore de la Banque des territoires », indique le centre de prospective.

Salué par beaucoup d'observateurs, le label Territoires d'industrie pourrait souffrir d'un manque de moyens budgétaires au regard de la montagne d'investissements à financer. En effet, les pertes de souveraineté et le réchauffement climatique poussent la France à redoubler d'efforts pour implanter de nouvelles usines et tenir ses objectifs en matière de décarbonation. Mais la politique budgétaire plus restrictive de l'exécutif pourrait mettre l'Etat au pied du mur.

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Une transition risquée dans les territoires

Ce renouveau des Territoires d'industrie intervient dans un contexte de transition très risqué. En effet, la décarbonation nécessaire de l'industrie tricolore va incontestablement entraîner des fermetures d'usines et des destructions de postes. Dans l'industrie automobile par exemple, de nombreuses fonderies spécialisées dans la motorisation thermique ont mis la clé sous la porte depuis la pandémie.

Résultat, beaucoup de salariés se sont retrouvés sur le carreau. Et les perspectives d'embauche sur le territoire ne correspondent pas toujours aux compétences des salariés sur ces secteurs. Autrement dit, le projet de Territoires d'industrie risque de se heurter à de nombreux défis dans les cinq prochaines années si le gouvernement n'appuie pas sur l'accélérateur.

Grégoire Normand
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