ZFE : « Il faut moins brutaliser les gens » (Jean-Luc Moudenc, France urbaine)

EXCLUSIF. Missionnés par le gouvernement sur les zones à faibles émissions (ZFE), le Toulousain Jean-Luc Moudenc et la Strasbourgeoise Anne-Marie Jean viennent de remettre leur rapport au ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires Christophe Béchu. Les deux élus de France urbaine y érigent en priorité les mesures sociales d'accompagnement des plus modestes. L'exécutif vient de reporter la plupart des décisions au mois de septembre. Explications.
Les rapporteurs demandent une simplification d'accès aux aides face à la multiplication des dispositifs, et par conséquent la création d'un guichet unique à l'échelle des intercommunalités concernées par les ZFE. (Photo d'illustration).
Les rapporteurs demandent une simplification d'accès aux aides face à la multiplication des dispositifs, et par conséquent la création d'un guichet unique à l'échelle des intercommunalités concernées par les ZFE. (Photo d'illustration). (Crédits : DR)

Article publié le 10 juillet à 7H29. Mis à jour le 10 juillet à 13h15.

« Changer les règles de façon à éviter une explosion sociale du type Gilets jaunes puissance 10 ». Tel est l'objectif de Jean-Luc Moudenc et d'Anne-Marie Jean avec leur rapport rendu ce 10 juillet au gouvernement, comprenant 25 mesures pour une application « plus juste » et « plus cohérente » des zones à faibles émissions (ZFE).  Au nom de l'association d'élus France urbaine, le maire (ex-LR) et président de Toulouse métropole, ainsi que sa co-autrice vice-présidente (Divers gauche) de l'Eurométropole strasbourgeoise, viennent de mener de multiples auditions et remontées de terrain.

« Nous avons voulu synthétiser les constats émanant du terrain et les difficultés recensées dans la mise en œuvre de ces ZFE (...) L'idée consiste à moins brutaliser les gens. C'est une transition que nous devons organiser et, par définition, une transition induit une nécessaire progressivité, et non de l'immédiateté, en allant dans une direction donnée. Actuellement, nous y allons un peu trop à marche forcée », témoigne Jean-Luc Moudenc interrogé par La Tribune.

Jusqu'à présent, 11 ZFE étaient déjà en œuvre et 32 autres devaient suivre, d'ici au 1er janvier 2025, dans les agglomérations de plus de 150.000 habitants. Avec des calendriers de mise en application différents et des périmètres géographiques concernés pas forcément cohérents. Mais, ce 10 juillet, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires a redessiné la carte des ZFE : Paris, Marseille, Strasbourg, Rouen et Lyon sont confirmées comme ZFE, à la différence des autres agglomérations qui sont désormais catégorisés « Territoires de vigilance ».

« Par exemple, en cas de dépassement des seuils de pollution atmosphérique autorisés, Perpignan pourrait basculer en ZFE », a illustré Christophe Béchu.

Une telle décision engendrerait par conséquent la mise en service des classifications Crit'Air, avec l'interdiction de circuler selon la classe du véhicule en question. Ce dispositif repose en effet sur la vignette Crit'Air d'un véhicule, allant de 5 (véhicules les plus polluants) à 0 (véhicules électriques).

« La loi est parfois mal comprise, et il y a un travail de clarification [à faire] (...) La souplesse est dans la loi. (...) Il y a des marges de négociation locale »avait dévoilé, le 8 juillet, le ministre des Transports Clément Beaune, invité de La Tribune aux Rencontres économiques d'Aix-en-Provence, comme une manière de préparer le terrain.

Lire aussiZFE : « Il ne faut pas jouer avec les peurs » (Clément Beaune, ministre des Transports)

 Les mesures sociales en priorité

En réalité, les élus locaux tiennent à ce que le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires Christophe Béchu retienne en priorité les mesures sociales de leur travail. « Dans notre rapport, il y a des mesures pour aider les plus modestes. La conversion de leur véhicule n'est pas possible et est même hors de portée financière, car le reste à charge reste bien trop élevé même en cumulant toutes les aides possibles », justifie Jean-Luc Moudenc.

Sur ce point, et partant du principe que l'État a été condamné par le Conseil d'État pour « inaction climatique », le rapport préconise de « doubler les aides de l'État, à savoir le bonus écologique et surtout la prime à la conversion, qui concernent les ménages les plus modestes. Elles pourront être complétées par des aides décidées par les territoires ».

Le duo demande également à « rendre éligibles aux aides de l'État les habitants et les usagers des territoires voisins impactés par la mise en place d'une ZFE ». Une piste déjà poussée par la maire et présidente de Nantes métropole et patronne (PS) de France urbaine, Johanna Rolland, lors de la première réunion à Matignon mi-avril sur l'« agenda territorial ».

À ce propos, le gouvernement renvoie au mois de septembre pour le financement des suggestions proposées dans le rapport sachant que la loi de Finances 2024 arrivera au Parlement en octobre prochain, a fait savoir le ministre Béchu.

De la simplification et des alternatives aux voitures polluantes

Dans la même logique, les rapporteurs plaident pour une simplification d'accès aux aides face à la multiplication des dispositifs, et par conséquent la création d'un guichet unique à l'échelle des intercommunalités concernées par les ZFE. Anne-Marie Jean et Jean-Luc Moudenc recommandent aussi que ces aides soient accessibles pour l'achat d'un véhicule d'occasion classé Crit'Air 0,1 ou 2, tout comme ils suggèrent de déployer massivement le prêt à taux zéro et le micro-crédit pour l'achat de ces véhicules moins polluants.

« Ces ZFE ont été décidées en 2019 pour lutter contre la pollution atmosphérique. Seulement, la situation économique était totalement différente. Les problématiques de pouvoir d'achat d'aujourd'hui n'existaient pas », poursuit le maire de Toulouse.

Au-delà de promouvoir et développer le covoiturage, le transport ferroviaire via les systèmes express régionaux métropolitains (SERM ou « RER métropolitains »), ou encore l'usage du vélo, les deux rapporteurs proposent de revoir en profondeur le dispositif même des ZFE, en plus de « faciliter le rétrofit ». Pour ce faire, les deux élus appellent à repenser la classification Crit'Air des véhicules.

« Il faut se focaliser sur les émissions polluantes réelles d'un véhicule plutôt que son année de mise en circulation (critère retenu actuellement, ndlr). Cela collerait davantage à la réalité car la méthode actuelle n'est pas cohérente », précise Jean-Luc Moudenc. « D'autres paramètres, tels que l'entretien, le contrôle technique ou l'installation de boîtiers bio-éthanol, sont également à intégrer dans ces nouvelles définitions », enchaîne-t-il.

Lire aussiZFE : à l'Assemblée, les Insoumis poussent au changement des règles du jeu

La question de l'acceptabilité

Aussi, les auteurs du rapport, qui sont réunis pour une dernière réunion de travail ce 10 juillet, souhaitent que la situation du moment de la pollution atmosphérique soit retenue dans la mise en œuvre de la ZFE. Autrement dit, alléger le dispositif quand les voyants sont au vert et inversement. « Ces derniers mois, à Toulouse, les indicateurs s'améliorent », assure Jean-Luc Moudenc, qui s'inquiète de l'acceptabilité de la mesure en cas d'amélioration de l'air. « Il ne faut pas oublier que l'objectif final c'est la santé publique », ajoute-t-il.

Lire aussiZFE : des dérogations possibles pour certaines agglomérations en France

Une acceptabilité des ZFE sur laquelle planche aussi l'ex-ministre de la Transition écologique et actuelle députée (Renaissance) de la Somme Barbara Pompili, missionnée par la Première ministre Elisabeth Borne, et sur laquelle est longuement revenu le Sénat il y a quelques semaines« Ce sont trois démarches différentes », balaie d'abord le Toulousain, avant d'ajouter: « Ces réflexions et ces propositions ne doivent pas rester à l'état de théorie, mais être suivies de décisions concrètes ».

Pour l'heure, le sénateur (LR) des Alpes-Maritimes Philippe Tabarot, rapporteur de la mission du Sénat sur le sujet, vient d'annoncer le dépôt d'une proposition de loi « pour sortir une bonne fois pour toutes de l'impasse ». Les conclusions du travail de Barbara Pompili, elles, ne seront connues qu'en septembre.

D'autant que l'agenda des premiers systèmes de contrôle et de sanctions est désormais connu. Depuis octobre 2022, le gouvernement affirme qu'ils seront déployés « au second semestre 2024 ». C'est-à-dire dans plus ou moins un an...

Lire aussiZones à faibles émissions (ZFE) : les leçons à tirer de l'expérience d'Egis à Manchester

Commentaires 14
à écrit le 11/07/2023 à 11:45
Signaler
Mais quand va-t-on arrêter de nous em....? ZFE, voitures électriques, DPE,... ras le bol de tous ces décideurs qui nous enquiquinent et qui nous rendent coupables de tous les maux de la planète. Sans compter ces accroissements immodérés des villes à ...

à écrit le 10/07/2023 à 19:21
Signaler
Est-ce qu'on pourra quand même continuer à brûler des bus et à tirer des feux d'artifice en zones à faibles émissions ?

le 11/07/2023 à 8:11
Signaler
A un moment faut arrêter de ruminer les ruminants.

à écrit le 10/07/2023 à 14:26
Signaler
Cela fait longtemps que l'on sait que le diesel pue, est bruyant donc pollue,plus de 30 ans. Cela fait des décennies que les constructeurs automobiles japonais font des voitures hybrides moins polluantes et moins chères que les françaises. Cela fait ...

le 11/07/2023 à 8:31
Signaler
Quelques corrections : - Ca ne fait que quelques années (moins de 5) qu'on déconseille d'acheter diesel. - Les aides de l'état ne concernent qu'une frange limitée de la population - Il suffit de ne pas avoir de bonne solution pour ne pas vouloir c...

le 11/07/2023 à 8:42
Signaler
Vous n’êtes pas très bien renseigné sur le diesel. Le choix de ce carburant est un choix national, basé sur des contrats négociés par l’état via Total pour disposer d’hydrocarbures abondants et moins chers que l’essence. Les motoristes français ont s...

à écrit le 10/07/2023 à 11:27
Signaler
La phrase "Il faut se focaliser sur les émissions polluantes réelles d'un véhicule plutôt que son année de mise en circulation" résume assez bien l'affaire. Force est de dire, qu'il y a une volonté sous-jacente d'obliger les gens à se ré-équiper san...

à écrit le 10/07/2023 à 10:38
Signaler
Ces ZFE sont absurdes. Le parc automobile se renouvelle tous les ans à hauteur d’un quinzième. Dans 15 ans, le parc automobile aura été renouvelé entièrement. Dans 20 ans, il est très probable qu’il ne pollue plus du tout. Et dans 10 ans à peine. Que...

le 10/07/2023 à 11:31
Signaler
quand vous comprendrez que votre stupidites de pouvoir ranimer les ségrégations dans les agglomérations les campagnes vont suivre et inventer des zones reserver aux riverains et les zones de non droit vont s'amplifier

le 11/07/2023 à 8:35
Signaler
@Ludwig Exactement. C’est ce qui pend au nez de ces décideurs: des mesures symétriques rendant la vie de chacun et les déplacements des populations insupportables. Déjà que ce n’est pas triste… mesure pensées en vase clôt, égoïste et injustes. On ...

à écrit le 10/07/2023 à 10:30
Signaler
Le problème est prix exactement à l'envers. Il faut d'abord enrichir les gens pour qu'ils puissent s'acheter des voitures électriques, ensuite attendre que tout le monde soit équipé et enfin lorsque tout est prêt définir les zones ZFE...pas n'importe...

à écrit le 10/07/2023 à 10:18
Signaler
les baveux decouvrent ce qu'on savait depuis le debut, bientot ils vont decouvrir le reste!!!!!!! felicitations, vous avez mis 6 ans, c'est la reactivite a la francaise!!!! on va offrir des tesla a des creves la faim qui ne travaillent pas, sinon c'e...

à écrit le 10/07/2023 à 10:03
Signaler
Democrature.

à écrit le 10/07/2023 à 9:14
Signaler
Les ZFZ sont inutiles. Soit un véhicule a le droit de circuler, soit il ne l'a pas. Sinon c'est du contrôle social, alimentée par des calculs abracadabrantesques sur un nombre de morts qui n'existent pas. Il faut que la droite cesse de donner des ga...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.