Argentine : le président Javier Milei essuie un nouveau revers dans la mise en place de son plan de réformes ultralibérales

Le chef de l'Etat a vu son « décret de nécessité et d'urgence » (DNU) qui vise à modifier ou abroger plus de 300 normes existantes, être rejeté par les sénateurs. Une défaite somme toute provisoire puisque le texte doit encore passer devant la Chambre des députés. Or, l'approbation d'une seule des deux Chambres suffira. Pour autant, cet échec illustre les difficultés du président à composer avec le pouvoir législatif au sein duquel son parti n'est que la troisième force politique.
Le chef de l'Etat argentin a été élu en novembre dernier.
Le chef de l'Etat argentin a été élu en novembre dernier. (Crédits : © Raël Ferrari via Ulan/Pool/Lat via Reuters)

Nouveau coup dur pour le président argentin. Javier Milei, élu en novembre dernier, a vu le deuxième étage de son train de réformes ultralibérales être bloqué par les sénateurs qui l'ont rejeté par 42 voix contre, 25 pour et 4 abstentions. Il s'agit du « décret de nécessité et d'urgence » (DNU) qui vise à modifier ou abroger plus de 300 normes existantes, supprimant notamment l'encadrement des loyers, des prix de produits essentiels, assouplissant le droit du travail et ouvrant la voie à des privatisations.

Il doit encore passer à la Chambre des députés. Or, l'approbation d'une seule des deux Chambres suffira. Ce vote, qui n'est qu'une demi-surprise, n'est donc qu'un revers temporaire pour le président. L'exécutif avait d'ailleurs minimisé jeudi un éventuel rejet du Sénat, assurant que : « Non seulement nous avons un Plan B, mais nous avons un Plan C pour toutes les situations (...) vers notre objectif d'une Argentine différente, plus libre et prospère », selon les propos du porte-parole de la présidence en amont du vote, qui est « seulement une étape » avait-il insisté. Aucune échéance n'a pour l'instant été communiquée pour le passage du DNU à la Chambre des députés.

D'autant que le « méga-décret » dérégulateur avait été publié au début de sa présidence et est donc, à ce jour, partiellement en vigueur, mais sous réserve d'être approuvé par le Parlement. Néanmoins, certains de ses pans ont été « suspendus préventivement », notamment les réformes du droit du travail, à la suite de recours en justice, les tribunaux renvoyant la balle à « une résolution sur le fond ». Autrement dit un examen législatif.

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Un premier pan déjà en place, mais le troisième retoqué par les députés

Le premier étage « choc » des mesures Milei, est, lui, bel et bien en place depuis le surlendemain de son investiture, et asphyxie déjà le pouvoir d'achat, l'activité économique, sans dompter encore l'inflation (276% en interannuel) : dévaluation de plus de 50% du peso, fin des subventions aux transports et à l'énergie, fin de facto du contrôle de prix, fin des chantiers publics d'infrastructure, etc.

Mais les Argentins doivent faire preuve de « patience et confiance », avait appelé Javier Milei début mars lors de son premier discours sur l'Etat de la nation.

« ll faut encore du temps avant que nous puissions récolter les fruits de l'assainissement économique et des réformes (...) mais pour la première fois de l'histoire, nous attaquons le problème par sa cause. Pour cela je vous demande patience et confiance », avait-il déclaré à cette occasion, promettant que « l'effort va valoir la peine ».

Quant au troisième étage de ses réformes, la pharaonique « Loi omnibus » aux plus de 300 dispositions touchant maints aspects des sphères publique ou privée (commerce, culture, éducation, retraites, divorce, etc), elle a été retoquée, le mois dernier, par les députés, renvoyée en commissions, où l'exécutif tente désormais de sécuriser des accords en amont d'un vote.

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Le parti au pouvoir seulement troisième force politique au Parlement

Des revers qui illustrent les difficultés de ce président, qui a fait irruption en politique il y a deux ans, à composer avec le pouvoir législatif. Au Sénat, son parti libertarien ne représente, en effet, que la 3e force, tout comme à la Chambre des députés. Ceux qui approuvent cet outil de gouvernance « sont en train de créer un monstre », avait d'ailleurs plaidé, en amont, le sénateur Martin Lousteau, dirigeant de l'UCR (radical, opposition modérée à Milei), annonçant son vote contre le méga-décret pour « une raison très simple. Il est inconstitutionnel ».

Pas de quoi effrayer Javier Milei qui avait d'ores et déjà prévenu début mars : « Si vous cherchez le conflit, vous aurez du conflit », en s'adressant aux députés. Lors de cette prise de parole, il s'était, en effet, montré offensif et avait mis en garde les parlementaires qui, en février, lui ont infligé son premier revers. « Nous allons changer le pays pour de bon (...) avec ou sans le soutien des dirigeants politiques, avec toutes les ressources légales de l'exécutif », avait-il assuré. Et de rappeler aux députés - qu'il traitait, les semaines précédentes, de « nid à rats », « corrompus », « symboles de la caste » politique - que par décret, modifications règlementaires, ou projets de lois, il disposait d'outils de « lutte contre le déficit budgétaire, qui est pour nous la mère des batailles ».

Il avait, néanmoins, tendu une main à la classe politique, aux influents gouverneurs des provinces, dirigeants de partis, ex-présidents, pour forger un « nouveau contrat social », sur la base de dix principes éminemment libéraux : équilibre budgétaire « non négociable », propriété privée « inviolable », dépense publique réduite au niveau « historique » de 25% du PIB, notamment.

« Loi anti-caste » et fermeture d'une agence de presse

Faisant un long inventaire de 20 ans de politique gouvernementale « appauvrissante », la qualifiant « de banqueroute morale et intrinsèquement injuste » qui n'a profité qu'à une « caste politique », il avait également annoncé un projet de « loi anti-caste », avec diverses propositions, notamment une limite des mandats de dirigeants syndicaux, la réduction du nombre d'assistants parlementaires, la fin des avantages pour les ex-présidents.

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Il en avait aussi profité pour annoncer la fermeture de l'agence de presse publique Telam (environ 700 salariés), l'un des médias qui était dans le viseur du nouveau gouvernement, devenue selon lui « agence de propagande » des gouvernements péronistes.

Et le chef de l'Etat peut d'ores et déjà se targuer de premiers résultats avec un excédent budgétaire mensuel en janvier, inédit en 12 ans. Il se sent d'ailleurs, pour l'heure, conforté par les sondages. Malgré l'électrochoc du pouvoir d'achat, il restait, en effet, autour de 50% d'image positive, pas loin de son score à la présidentielle (56%).

(Avec AFP)

Commentaires 8
à écrit le 15/03/2024 à 13:04
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Si l'opposition de gauche était vraiment persuadée que le libéralisme est le mal absolu, elle devrait au contraire favoriser l'action de Milei pour qu'il soit démontré qu'elle avait parfaitement raison. Mais peut-être a-t-elle peur qu'au contraire, l...

à écrit le 15/03/2024 à 10:32
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Je serais curieux de savoir ce que donnerait un tel traitement de cheval en France; il est vraisemblable que c'est ce qui nous attend: pour répondre aux besoins de notre Santé, de notre Enseignement, de notre Police, etc, il faudrait un excédent budg...

le 15/03/2024 à 10:48
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Je serai curieux de voir ce que vos biens deviendraient face à la colère de la population … vous seriez obligé de partir vite fait du pays… Milei ne travaille que pour des intérêts privés oligarchiques encore plus restreint que la caste que vous évoq...

le 15/03/2024 à 10:48
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Je serai curieux de voir ce que vos biens deviendraient face à la colère de la population … vous seriez obligé de partir vite fait du pays… Milei ne travaille que pour des intérêts privés oligarchiques encore plus restreint que la caste que vous évoq...

le 15/03/2024 à 10:49
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Je serai curieux de voir ce que vos biens deviendraient face à la colère de la population … vous seriez obligé de partir vite fait du pays… Milei ne travaille que pour des intérêts privés oligarchiques encore plus restreint que la caste que vous évoq...

le 15/03/2024 à 11:16
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Si seule une diminution des impôts de productions permet d'être concurrent, ça se serait. Evidemment, certains ont intérêt à faire croire que c'est l'essentiel, alors que c'est finalement futile.

le 15/03/2024 à 18:06
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Personne, s'il existait je voterai pour lui. Une reforme simple: tout ce que donne la CAF on l'abroge et on la supprime. Idem pour les aides aux entreprises. On gèle les retraites pour cinq ans. On vivrait une nouvelle libération comme en 1945 et...

à écrit le 15/03/2024 à 8:52
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"« patience et confiance »," De l'appel de la tronçonneuse à la demande de patience... au moins on se marre. Ce gars là ets une imposture comme les autres. Les souris votent pour le chats.

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