Crise des opiacés aux Etats-Unis : le français Publicis contraint de payer 350 millions de dollars

Une filiale de Publicis a conclu un accord avec la justice américaine dans le cadre de la crise des opiacés qui a fait plusieurs centaines de milliers de morts aux Etats-Unis. D'après la procureure de New-York, le publicitaire français a créé des prospectus décrivant l'OxyContin comme un traitement « sûr et incapable d'entraîner un usage abusif ».
Une filiale du géant français de la publicité Publicis va payer 350 millions de dollars outre-Atlantique pour son rôle dans la crise qui a fait des centaines de milliers de morts depuis 1999.
Une filiale du géant français de la publicité Publicis va payer 350 millions de dollars outre-Atlantique pour son rôle dans la crise qui a fait des centaines de milliers de morts depuis 1999. (Crédits : CHARLES PLATIAU)

C'est une nouvelle étape dans la crise des opiacés qui ravage les Etats-Unis. Une filiale du géant français de la publicité Publicis va payer 350 millions de dollars outre-Atlantique pour son rôle dans la crise qui a fait des centaines de milliers de morts depuis 1999, a annoncé jeudi Letitia James, la procureure de l'Etat de New York. Ce qui fait de Publicis la première agence de publicité à conclure un accord avec la justice dans le cadre de cette crise, a précisé le bureau de la procureure, dans un communiqué.

« Pendant une décennie, Publicis a aidé des fabricants d'opiacés comme Purdue Pharma à convaincre les médecins de sur-prescrire des opiacés, alimentant directement la crise des opiacés et causant la disparition de populations dans l'ensemble du pays », a-t-elle relevé, citée dans le communiqué. Elle estime que Publicis a « développé des stratégies de marketing prédatrices et trompeuses pour Purdue Pharma de façon à augmenter les prescriptions et les ventes d'opiacés ».

La totalité des États ainsi que plusieurs territoires américains vont ainsi percevoir une part de cette somme fixée dans le cadre d'un accord avec Publicis Health. Dans le détail, la Californie doit recevoir le montant le plus important (34 millions de dollars), devant la Floride (24,10 millions) et le Texas (21,59 millions). L'Etat de New York doit obtenir près de 19 millions.

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Oxycontin

Dans la crise des opiacés, les autorité américaines de plusieurs Etats, ainsi qu'au niveau fédéral, ont attenté une série de procès contre les principaux responsables. Au cœur de la crise : l'OxyContin. Un antalgique qui appartient à la famille des opioïdes. Produit par le laboratoire Purdue, la sur-prescription de cet antidouleur OxyContin est généralement considérée comme étant le déclencheur de la crise des opiacés aux Etats-Unis. Pour rappel, plus de 700.000 personnes entre 1999 et 2022 ont succombé à une overdose liée à la prise d'opiacés, obtenus sur ordonnance ou de manière illégale, selon les données des Centres de prévention et de lutte contre les maladies (CDC).

D'après la procureure de New-York, Publicis a alors créé des prospectus décrivant l'OxyContin comme un traitement « sûr et incapable d'entraîner un usage abusif ». L'agence a cependant indiqué dans la foulée, dans un communiqué, que les activités concernées avaient été réalisées par l'agence Rosetta, rachetée en 2011 et fermée il y a dix ans. Un travail « pour le compte d'entreprises pharmaceutiques et visé par ce règlement » qui « a toujours été parfaitement conforme à la loi », a précisé l'entreprise.

L'accord conclu de 350 millions de dollars avec la justice américaine permet néanmoins à l'entreprise de clore trois années de discussions « et se conclut par un paiement net de 148 millions d'euros », a-t-elle ajouté, affirmant qu'il ne représentait pas une reconnaissance de faute ni de responsabilité. « Nous nous défendrons, si nécessaire, contre tout litige que cet accord ne parviendrait pas à résoudre », a assuré Publicis Health.

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Série de procès

Publicis n'est donc pas la première entreprise à mettre la main à la poche. Visé par une avalanche de poursuites, le laboratoire Purdue, principal producteur de l'OxyContin, s'est déclaré en faillite en 2019. Depuis, il négocie un plan dont la dernière version prévoit sa fermeture d'ici 2024 aux Etats-Unis au profit d'une nouvelle entité et le paiement d'au moins 5,5 milliards de dollars sur 18 ans. Mais la Cour suprême américaine a été saisie, à charge pour elle d'approuver ou d'annuler l'accord d'indemnisation. Une audience s'est tenue en décembre 2023.

Le cabinet de conseil McKinsey, qui a conseillé les laboratoires Purdue Pharma, a également accepté en 2021 de verser 573 millions de dollars pour solder les poursuites judiciaires lancées contre lui pour avoir contribué à la crise des opiacés. De grands distributeurs de médicaments comme les chaînes CVS, Walgreens et Walmart ont aussi été poursuivis. Ils ont été condamnés à verser plus de 650 millions d'euros par un juge fédéral. C'était la première fois que des distributeurs de médicaments, et non pas des producteurs, étaient jugés responsables dans cette crise sanitaire.

Le bureau du procureur affirme avoir récupéré plus de 2,7 milliards de dollars grâce aux poursuites lancées depuis 2019. Il a d'ailleurs annoncé jeudi un second accord : le laboratoire Hikma Pharmaceuticals, dont le siège est au Royaume-Uni, va payer 150 millions de dollars à plusieurs Etats américains pour son rôle dans la crise des opiacés. « Entre 2006 et 2021, Hikma n'a pas surveillé ni signalé les commandes suspectes d'opiacés émanant de distributeurs potentiellement illégaux », a expliqué le bureau du procureur dans un communiqué. Le groupe a précisé dans son propre communiqué que cet accord de principe résolvait « la grande majorité des poursuites » lancées contre lui aux Etats-Unis, et qu'il ne représentait pas une admission de culpabilité ni de responsabilité.

Opiacés: hausse « inquiétante » du recours à l'oxycodone en Nouvelle-Aquitaine

Le nombre de patients ayant recours à l'oxycodone, médicament opiacé très addictif, a augmenté de manière « inquiétante » ces dernières années en France, a mis en garde en 2023 la Société française de pharmacologie (SFPT), avec une hausse « impressionnante » en Nouvelle-Aquitaine. Dans un avis publié sur son site internet, la SFPT alerte sur les risques de cette substance, « premier médicament qui a été au centre de la crise des opioïdes aux États-Unis ».

« Sa prescription en France suit une progression inquiétante alors qu'elle ne présente pas d'avantage pharmacologique par rapport à la morphine », peut-on lire dans ce document, révélé par L'Express.

L'oxycodone pourrait être « plus addictogène » que la morphine, considère la SFPT, et n'a aucun avantage en termes d'effets indésirables fréquents. L'implication de cette substance dans les décès toxiques par antalgiques (DTA) a quadruplé entre 2013 et 2017. En 2019 en France, 23 impliquaient l'oxycodone, selon l'enquête annuelle DTA.

L'augmentation de son utilisation paraît particulièrement préoccupante en Nouvelle-Aquitaine, a expliqué à l'AFP le Pr Francesco Salvo, responsable du centre régional de pharmacovigilance de Bordeaux. « A partir de 2017, il y a eu une augmentation impressionnante (de prescriptions) en Nouvelle-Aquitaine, de 5% par an », contre 1 ou 2% en France, relève ce pharmacologue. En 2021, la région comptait 950 consommant d'oxycodone pour 100.000 habitants, contre une moyenne nationale 460 pour 100.000.

(Avec AFP)

Commentaires 2
à écrit le 03/02/2024 à 9:09
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Publicis qui sort déjà d'une condamnation en juillet 2023 pour avoir discriminé une de ses employée enceinte. A quoi nous sert cette entreprise en fait ? Débranchons le tuyau.

à écrit le 03/02/2024 à 7:08
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Je crois que le sucre tue beaucoup plus de monde, et pourtant les publicitaires américains vantant ces produits néfastes ne sont pas inquiétés.

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