En pleine tension avec Pékin, Bruxelles fortifie la défense de ses intérêts économiques face à la Chine

La Commission européenne a dévoilé ce mercredi une série d'initiatives pour mieux protéger les intérêts économiques de l'UE. Ces cinq mesures ont pour but d'éviter que les technologies sensibles ou infrastructures critiques du Vieux continent ne tombent entre les mains de rivaux. Parmi ces derniers, la Chine est clairement visée.
Longtemps réputée naïve, l’UE est en train de mettre en œuvre des mesures volontaristes pour produire davantage sur son territoire et réduire la dépendance aux importations chinoises.
Longtemps réputée naïve, l’UE est en train de mettre en œuvre des mesures volontaristes pour produire davantage sur son territoire et réduire la dépendance aux importations chinoises. (Crédits : YVES HERMAN)

[Article publié le mardi 24 janvier à 10h17, mis à jour à 15h34] De quoi mettre de l'huile sur le feu. Alors que les relations commerciales sont tendues entre l'Union européenne et la Chine, Bruxelles s'arme d'outils législatifs pour protéger ses intérêts économiques, notamment par rapport à l'ex-empire du Milieu. Ce mercredi, les commissaires européens à la Concurrence et au Commerce, Margrethe Vestager et Valdis Dombrovskis, ont présenté un paquet de mesures, et plus précisément cinq initiatives majeures. Ou plutôt une initiative et quatre idées.

« Nous devons améliorer notre coordination afin de mieux nous protéger, rendre les investissements plus sûrs et contrôler l'exportation de produits sensibles pour éviter qu'ils ne tombent entre de mauvaises mains », a résumé le commissaire au Commerce, Valdis Dombrovskis.

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Uniformiser le contrôle des investissements étrangers

La seule mesure réellement concrète porte sur le renforcement du mécanisme de contrôle des investissements étrangers en Europe. Entrée en vigueur fin 2020, son action doit être plus coordonnée. La Commission a pour cela annoncé une proposition législative pour faire en sorte que « tous les États membres disposent d'un mécanisme de contrôle » des investissements étrangers, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui et crée des vulnérabilités.

Le texte, qui devra encore être négocié avec les eurodéputés et les États membres, définit aussi « un champ d'application sectoriel minimum » sur lequel chacun des 27 devra examiner les investissements. Enfin le contrôle devra s'appliquera aussi aux investisseurs de l'UE quand ils sont contrôlés par des pays tiers.

Reste que la portée de ce texte est finalement limitée. Car Bruxelles n'a aucun pouvoir pour bloquer un investissement, le dernier mot revenant aux États membres. La Commission espère toutefois les pousser à communiquer davantage sur leurs décisions.

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Des mesures encore au stade d'idées

Les autres initiatives restent à ce stade des idées sous la forme de livres blancs. L'exécutif européen souhaite en particulier examiner les risques des investissements européens vers des pays tiers en matière de fuite des savoirs dans certaines technologies clé susceptibles de renforcer des « capacités militaires et de renseignement ». L'objectif serait de déterminer si des mesures d'atténuation sont nécessaires. En octobre, l'UE avait dévoilé une liste de quatre secteurs stratégiques à protéger de façon prioritaire : les semi-conducteurs, l'intelligence artificielle, l'informatique quantique et les biotechnologies.

La Commission propose aussi une meilleure coordination des contrôles à l'exportation. Sont visés les produits à double usage civil et militaire, tels que certains produits électroniques, des technologies nucléaires ou de missiles.

Elle lance par ailleurs une consultation publique sur les moyens pour promouvoir la recherche et le développement de technologies à double usage civil et militaire.

Bruxelles propose enfin une harmonisation à l'échelle européenne des mesures pour sécuriser la recherche et éviter que les coopérations internationales notamment dans l'enseignement supérieur soient exploitées par des Etats autoritaires.

Jeu d'équilibriste...

Longtemps réputée naïve, l'UE est en train de mettre en œuvre des mesures volontaristes. Objectif, produire davantage sur son territoire et réduire la dépendance aux importations chinoises dans les puces électroniques, les éoliennes ou les panneaux solaires. Elle souhaite aussi rééquilibrer les échanges commerciaux entre les deux puissances. En 2022, le déficit commercial de l'UE avec la Chine s'élevait au chiffre record de 390 milliards d'euros, doublant en à peine deux ans.

« Le changement dans les relations avec la Chine a été la force motrice pour la prise en compte du sujet de la sécurité économique, c'est quelque chose d'extrêmement nouveau pour l'UE », souligne Mathieu Duchâtel, directeur des études internationales à l'Institut Montaigne, un centre de réflexion basé à Paris.

L'Europe cherche un équilibre subtil : muscler son jeu, tout en restant un continent ouvert, réduire les risques vis-à-vis de la Chine. Et ce, sans pour autant renoncer aux relations économiques, avec un marché clé pour ses entreprises. Elle veut aussi trouver son propre positionnement à l'égard de Pékin, malgré les pressions exercées par les États-Unis en faveur d'une ligne dure.

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... difficile à 27

Reste qu'il est compliqué de trouver un plein consensus, lorsque l'on compte 27 membres. Résultat, les débats sur la sécurité économique sont toujours intenses au sein même de l'UE. Les Vingt-sept restent notoirement divisés entre partisans d'un libre-échangisme à tout crin et défenseurs d'une approche interventionniste, au nom de la souveraineté.

« Le gros problème est que chaque État membre fait ce qu'il veut dans le domaine de la politique étrangère et la coordination s'avère très difficile », estime Nicolas Poitiers, chercheur au centre de réflexion Bruegel.

Exemple avec la Hongrie, qui joue sa propre partition, soignant sa relation avec Pékin quitte à prendre les initiatives de la Commission à contre-pied. « Les idées de dissociation, de réduction des risques, d'isolement des économies orientales et occidentales sont des choses que nous ne soutenons certainement pas », a déclaré mardi le ministre hongrois du Commerce et des Affaires étrangères, Peter Szijjarto, en amont d'une réunion avec ses homologues à Bruxelles.

La Chine en opération séduction

L'ex-empire du Milieu, de son côté, ne cache pas son intention de renforcer les relations avec les Vingt-sept.

« La Chine veut travailler avec l'Union européenne pour promouvoir un progrès constant des relations de la Chine et l'UE pendant la nouvelle année. Face à la situation internationale chaotique, il est nécessaire de construire davantage de ponts entre la Chine et l'Europe », a déclaré le président chinois Xi Jinping, lors d'une rencontre avec le Premier ministre belge Alexander De Croo - le pays assurant la présidence tournante de l'UE, à la mi-janvier.

Reste qu'une ombre menace les relations entre les deux partenaires commerciaux : l'enquête lancée par l'UE sur les subventions accordées par Pékin aux constructeurs chinois. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, l'avait annoncé en septembre dernier, accusant la Chine de maintenir le coût des voitures électriques chinoises « artificiellement bas grâce à d'énormes subventions publiques ».

Ce que cette dernière avait dénoncé, soulignant que cette enquête était de nature à nuire aux relations commerciales sino-européennes. La Chine a répliqué début janvier, lançant à son tour une enquête anti-dumping sur les eaux-de-vie de vin, comme le cognac, importées de l'UE.

De manière plus générale, la détérioration des relations entre la Chine et les Occidentaux ces dernières années fait naître des inquiétudes à Bruxelles au sujet de vulnérabilités potentielles liées à l'intelligence artificielle, la désinformation et la sécurité des données.

(Avec AFP)

Commentaires 9
à écrit le 25/01/2024 à 12:53
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Blablabla , nous n avons plus d'usines , nous ne pouvons rien faire

à écrit le 24/01/2024 à 13:58
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" La Chine veut travailler avec l'Union européenne pour promouvoir un progrès constant des relations de la Chine et l'UE pendant la nouvelle année." Que la Chine commence par renoncer à envahir Taiwan et créer une nouvelle guerre.

le 24/01/2024 à 18:12
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@Constat. Simple à comprendre en effet, comme ça aussi [Selon la république populaire de Chine (RPC, proclamée en 1949), Taïwan est la 23e province chinoise, mais l'île est de facto indépendante de la république populaire de Chine qui n'y a jamais e...

le 25/01/2024 à 12:54
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Que l Occident cesse de se meler de ce qui ne le regarde pas ,cette province irrédentiste doit rentrer dans le giron et je le répète ca ne nous regarde pas

à écrit le 24/01/2024 à 12:06
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L'UE n'a plus grand chose à protéger la corruption tacite de sa classe dirigeante a permis aux chinois et russes de découvrir la majorité de nos informations et découvertes sensibles. Elle touche le fond, cette puissante bêtise financière la tient co...

le 25/01/2024 à 12:55
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C'est vrai que l Europe prouve chaque jour que chez elle la corruption n'existe , Eva !

à écrit le 24/01/2024 à 11:23
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L'Europe sera perdante au jeu de la déglobalisation puisqu'elle demeure profondément dépendante du marché commun, de la libre circulation des personnes, des marchandises et des capitaux depuis l'ère de la mondialisation. L'Europe (UEM) des marchands ...

le 25/01/2024 à 6:50
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Bonjour, le marché commun permet la circulation des personnes, et des bien.. Mais cela peux aussi reduire ou supprimer les marchandise qui viennent de l'extérieur... Hors du marché commun.. Exemple des produits qui arrivent en Serbie, en Albani...

le 25/01/2024 à 9:23
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@Rogger. Bonjour, sauf votre respect, par cette utopie, cela exigerait que l'EU soit autonome sur toute la chaîne de valeurs des biens et marchandises. Y compris la production. Y compris sur le marché des capitaux qui devrait alors évoluer en vase cl...

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