Le FMI dégrade sa prévision de croissance mondiale pour 2023

L'économie mondiale devrait ralentir plus fortement que prévu, avec une croissance à 2,8% en 2023, contre 2,9% précédemment selon la dernière livraison du Fonds monétaire international. En Europe, l'Allemagne et le Royaume-Uni s'enfoncent dans la récession un an après l'éclatement du conflit en Ukraine. La Russie, toujours visée par les sanctions internationales, s'en sort mieux avec une accélération du PIB de 0,7% en 2023. De son côté, la Chine pousse la croissance mondiale en 2023, profitant de la levée des mesures de restrictions sanitaires. L'inflation persiste toutefois, malgré les politiques monétaires restrictives.
Grégoire Normand
Le FMI table sur une reprise chahutée dans ses dernières perspectives.
Le FMI table sur une reprise chahutée dans ses dernières perspectives. (Crédits : Reuters)

L'économie mondiale peine à sortir de sa torpeur. Un an après l'éclatement du conflit en Ukraine, les voyants sont toujours au rouge. La déflagration provoquée par l'entrée en guerre de la Russie sur le sol ukrainien continue de se propager dans de nombreux secteurs. Et la récente crise bancaire de Silicon Valley Bank (SVB) aux Etats-Unis et de Credit Suisse en Europe ont ravivé les craintes d'un électrochoc sur le système financier mondial.

Lire aussi« Il ne faut pas mettre en place des programmes d'austérité » (Pierre-Olivier Gourinchas, FMI)

Dans ce contexte dégradé, le Fonds monétaire international (FMI) a révisé légèrement à la baisse ses dernières prévisions de croissance par rapport à janvier. La croissance planétaire du produit intérieur brut (PIB) devrait ralentir à 2,8% en 2023 et 3% en 2024, contre respectivement 2,9% et 3% lors de la dernière mise à jour du Fonds en janvier. En 2022, la croissance mondiale avait bondi de 3,4% dans le sillage de la reprise post-Covid.

« Au premier abord, l'économie mondiale paraît prête pour une reprise progressive depuis les terribles chocs de la pandémie et de la guerre en Ukraine. La Chine a rebondi fortement depuis la réouverture de son économie. Les perturbations sur les chaînes logistiques retombent, tandis que les bouleversements sur les marchés de l'énergie et de l'alimentaire s'apaisent [...]. Derrière ces apparences, les turbulences sont toujours là et la situation est vraiment fragile », a souligné le chef économiste du Fonds, le Français Pierre-Olivier Gourinchas dans un avant-propos.

La Chine tire la croissance mondiale

L'économie chinoise devrait pousser la croissance mondiale vers le haut cette année, avec un PIB attendu à 5,3% et 5,1% en 2024. Le Fonds n'a pas révisé ses chiffres pour le géant asiatique. Plus de trois ans après le début de la pandémie, l'activité chinoise a retrouvé des couleurs en 2022. La fin des mesures de restrictions sanitaires a provoqué un bond de la consommation dans plusieurs secteurs, le retour des déplacements à l'intérieur de la Chine et une envolée des réservations de voyages à l'étranger après plusieurs années de paralysie.

Lire aussiChine: l'inflation sous la barre de 1% en mars impactée par la faible croissance

Pour rappel, cette reprise est en grande partie provoquée par « un effet décalage ». En effet, la Chine est l'un des derniers grands pays sur la planète à avoir assoupli ses mesures prophylactiques, alors que les autres grandes économies avaient déjà largement ouvert leurs frontières et levé les mesures de contrôle.

A l'international, la réouverture des ports chinois a dopé la puissance commerciale asiatique. Mais les tensions sur l'immobilier chinois sont encore bien présentes. La baisse des ventes de propriétés et de l'investissement dans l'immobilier ont mis un coup de frein à l'activité l'année dernière, indiquent les économistes du Fonds dans leur bulletin. Quant à l'inflation, elle devrait frôler les 2% cette année et l'année prochaine selon les dernières modélisations.

Aux Etats-Unis, la croissance freine

L'économie américaine, elle, en revanche, marque le pas. Après une croissance du PIB de 2,1% en 2022, elle devrait ralentir à 1,6% en 2023 et 1,1% en 2024. L'institution de Washington a révisé à la hausse ses projections pour cette année de 0,2 point et de 0,1 point pour l'année prochaine.

Après avoir atteint un pic à l'été 2022 (8%), l'inflation est bien redescendue sous l'effet notamment de la politique monétaire restrictive de la Réserve Fédérale (Fed). L'indice des prix à la consommation pourrait ainsi retomber à 4,5% en 2023 et 2,3% en 2024. En revanche, le chômage pourrait remonter au cours des mois à venir. Le taux de chômage au sens du Bureau international du Travail (BIT) pourrait atteindre 3,8% de la population activité en 2023 et 4,9% en 2024 après 3,6% en 2022.

Lire aussiJoe Biden veut croire que le marché de l'emploi résistera aux effets de la lutte contre l'inflation

En zone euro, l'économie marque le pas aussi

Sans surprise, l'économie de la zone euro est toujours empêtrée dans une croissance molle. L'activité devrait augmenter légèrement de 0,8% en 2023 et 1,4% en 2024 après 3,5% en 2022. Le FMI a très légèrement revu à la hausse son chiffre pour cette année (+0,1 point), mais il a dégradé sa projection pour 2024 (-0,2 point).  Après une descente vertigineuse en 2020 et un rebond en grande partie mécanique en 2021, la croissance de la zone euro a été profondément heurtée par la guerre en Ukraine. L'onde de choc s'est propagée dans la plupart des pays de l'union monétaire, dépendants de l'énergie russe. En Allemagne, l'économie devrait plonger en récession à -0,1% en 2023 avant de rebondir progressivement en 2024 à 1,1%.

De son côté, l'économie française limite les dégâts avec une croissance à 0,7% en 2023 et 1,3% en 2024 après 2,6% en 2022. Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, s'est félicité de ses chiffres lors d'une réunion avec des journalistes ce mardi 11 avril avant de s'envoler aux Etats-Unis pour les réunions de printemps du FMI et la Banque mondiale. « Dans un contexte mondial difficile, la France tire son épingle du jeu », a-t-il affirmé. Il reste que pour l'instant, la croissance des deux premiers trimestres proche de zéro n'augure rien de favorable pour la seconde moitié de l'année.

L'inflation devrait rester à un niveau élevé à 5% en 2023 avant de redescendre à 2,5% l'année prochaine. Sur le front de l'emploi, le taux de chômage pourrait légèrement grimper à 7,4% cette année contre 7,3% l'année prochaine. Dans l'Europe du Sud, la croissance en Espagne (1,5% contre 5,5% en 2022) et en Italie (0,7% contre 3,7% en 2022) marque également le pas par rapport à 2022.

Au Royaume-Uni, l'économie s'enfonce

Au Royaume-Uni, l'économie s'enfonce fait grise mine. Le Fonds table désormais sur une récession de -0,3% en 2023, avant un rebond de 1% en 2024. Les économistes ont revu favorablement leurs chiffres de croissance pour les deux années. L'économie britannique reste toutefois engluée dans de profondes difficultés.

Après avoir frôlé les 10% l'année dernière, l'indice des prix à la consommation pourrait rester à un niveau élevé cette année à 6,8%, soit l'inflation la plus élevée en Europe occidentale. Les conjoncturistes font le pari d'une remontée du chômage passant de 3,7% en 2022 à 4,2% en 2023 et 4,7% en 2024.

L'inflation marque le pas, mais devrait rester à un niveau élevé

Depuis la mi-2022, l'inflation globale a commencé à ralentir. « La chute des prix des produits pétroliers et de l'énergie aux Etats-Unis, en Europe et en Amérique Latine a contribué à ce ralentissement », expliquent les experts du FMI. En première ligne dans ce conflit, l'Europe est frappée de plein fouet par l'envolée des prix. Malgré un coup de frein sur les marchés de l'énergie, les prix de l'alimentaire s'affolent toujours autant. L'indice des prix à la consommation pourrait encore grimper à 5,3% en 2023, avant de redescendre à 2,9% l'année prochaine.

En France, le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, anticipe une baisse de l'inflation d'ici l'été 2023. « L'inflation ne doit pas s'installer dans le paysage économique mondial », a-t-il insisté avant son déplacement de l'autre côté de l'Atlantique. Dernièrement, le locataire de Bercy a envoyé un courrier aux industriels et à l'agroalimentaire pour accélérer les négociations avec la grande distribution.« Les marges des entreprises ne doivent pas servir l'inflation », a-t-il tancé. Aux Etats-Unis, l'inflation devrait nourrir les débats entre les grands argentiers de la planète.

Grégoire Normand
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.