[Article publié le vendredi 12 avril 2024 à 07H13 et mis à jour à 10H22] C'est bien la Chine qui était au centre des échanges entre les dirigeants américain, japonais et philippin, réunis lors d'un sommet inédit, jeudi, aux Etats-Unis. Et plus particulièrement le « comportement dangereux et agressif de la république populaire de Chine en mer de Chine méridionale » qui suscite une « vive inquiétude », ont-ils déclaré dans un communiqué commun, se disant notamment « préoccupés par la militarisation des territoires gagnés et par les revendications maritimes illégales » dans cette région stratégique.
Les tensions ne font que s'intensifier entre Manille et Pékin depuis la fin de l'année 2023 marquée par une série d'incidents survenus près de récifs disputés en mer de Chine méridionale. Les autorités chinoises revendiquent la quasi-totalité des îles de ces eaux, quand d'autres pays riverains - comme les Philippines, mais aussi le Vietnam, la Malaisie et Brunei - ont des prétentions concurrentes, qui se chevauchent parfois. Encore le mois dernier, deux collisions entre des navires chinois et philippins ont eu lieu près de l'atoll Second Thomas, nommé Ren'ai par la Chine. Et, le 7 mars dernier, le chef de la diplomatie chinoise, Wang Yi, a assuré que son pays « défendr[a] [ses] droits légitimes conformément à la loi » dans cette zone.
Renforcement des liens en matière de sécurité maritime
Face à Pékin, Manille peut néanmoins compter sur le soutien américain, comme l'a réaffirmé le président Joe Biden. Ce dernier s'est engagé, jeudi, à défendre les Philippines en cas « d'attaque » en mer de Chine méridionale. Le chef d'Etat américain a ainsi déclaré que « toute attaque contre un avion, un navire ou les forces armées philippines [dans cette zone, ndlr] déclencherait la mise en oeuvre du traité de défense mutuelle » qui lie Washington et Manille.
« L'engagement des Etats-Unis pour la sécurité du Japon et des Philippines est inébranlable », a-t-il insisté, évoquant l'objectif partagé d'une zone Asie-Pacifique « libre, ouverte, prospère et sûre », l'expression désormais habituelle des Américains pour évoquer les projets jugés au contraire dangereux et agressifs par la Chine.
Concrètement, Joe Biden - qui entreprend de tisser un réseau serré d'alliances en Asie-Pacifique afin de faire face aux ambitions stratégiques chinoises - a annoncé que les Etats-Unis, les Philippines et le Japon allaient « approfondir leurs liens en matière de sécurité maritime » et a également promis une coopération économique et technologique plus étroite, notamment pour développer de grands projets d'infrastructure aux Philippines.
De son côté, le chef d'Etat philippin, Ferdinand Marcos, a salué une rencontre « historique », dans de courtes remarques en présence de la presse. « La rencontre d'aujourd'hui nous donne l'occasion de définir l'avenir que nous voulons et les moyens de l'atteindre ensemble », a-t-il ajouté.
Le Premier ministre japonais, Fumio Kishida, avait, lui, dénoncé, plus tôt dans la journée, les actions militaires de la Chine qui « représentent un défi sans précédent, et le plus grand défi stratégique pas seulement pour la paix et la sécurité du Japon, mais pour la paix et la sécurité de l'ensemble de la communauté internationale ». Celui-ci a été reçu, mercredi, par le chef d'Etat américain lors d'une visite fastueuse, prélude à cette rencontre trilatérale avec Ferdinand Marcos, le fils et homonyme de l'ancien dictateur des Philippines, arrivé au pouvoir en juin 2022.
La Chine « diffamée » par le Japon et les Etats-Unis
À l'issue de cette rencontre, les autorités chinoises n'ont pas manqué de manifester leur mécontentement, en particulier suite à l'annonce d'une coopération militaire accrue entre les Etats-Unis et le Japon. Les armées américaine et japonaise vont ainsi œuvrer ensemble pour plus « d'interopérabilité », tandis que les Etats-Unis s'engagent à soutenir certains projets militaires japonais, sur le plan matériel et technologique. Joe Biden a néanmoins assuré que cette collaboration militaire était « purement défensive ».
« Les Etats-Unis et le Japon, au mépris des graves préoccupations de la Chine, ont diffamé et attaqué la Chine sur Taïwan et les questions maritimes », a dénoncé Mao Ning, une porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères. « Ils se sont immiscés de manière éhontée dans les affaires intérieures de la Chine, en violation grave des normes fondamentales qui régissent les relations internationales », a-t-elle ajouté.
Ce vendredi encore, Pékin a répliqué aux annonces conjointes des Etats-Unis, des Philippines et du Japon. Défendant ses actions « légitimes, légales et irréprochables » « dans les mers de Chine orientale et méridionale », la porte-parole du ministère a déclaré que « la Chine s'oppose fermement à tout comportement qui provoque et planifie des conflits et porte atteinte à la sécurité et aux intérêts stratégiques d'autres pays ». « Nous nous opposons fermement à la constitution dans la région de petites cliques fermées qui excluent les autres », a-t-elle ajouté.
« Bien entendu, le Japon et les Philippines peuvent tout à fait développer des relations normales avec les autres pays. Mais ils ne doivent pas introduire dans la région (une logique de) confrontation entre camps, et encore moins s'engager dans une coopération trilatérale qui se fasse au détriment des intérêts des autres pays », a insisté Mao Ning.
Le Japon vante les mérites du leadership américain Jeudi, lors d'une prise de parole devant le Congrès américain, le Premier ministre japonais a assuré que son pays était déterminé à faire davantage pour partager les responsabilités avec son allié, les Etats-Unis, dont il a fait l'éloge du leadership mondial. « Alors que nous nous rencontrons ici aujourd'hui, je perçois chez certains Américains un sentiment de doute quant à leur rôle dans le monde », a déclaré Fumio Kishida en s'adressant en anglais devant les deux chambres du Congrès réunies en session spéciale. « L'ordre international que les Etats-Unis se sont efforcés de construire pendant des générations est confronté à de nouveaux défis, des défis émanant de ceux qui ont des valeurs et des principes très différents des nôtres », a-t-il affirmé. Le chef d'Etat a, pour autant, dit comprendre « l'épuisement d'être le pays qui a défendu l'ordre international presque à lui seul », mais, a-t-il ajouté, « le leadership des Etats-Unis est indispensable ». « Sans le soutien des Etats-Unis, combien de temps faudra-t-il avant que les espoirs de l'Ukraine ne s'effondrent sous les assauts de Moscou ? », a-t-il lancé, alors qu'une enveloppe de 60 milliards de dollars pour Kiev, réclamée par le président démocrate Joe Biden, est bloquée au Congrès américain depuis des mois. « Sans la présence des Etats-Unis, combien de temps avant que l'Indo-Pacifique ne soit confronté à des réalités encore plus dures ? », a-t-il plaidé.
(Avec AFP)