
L'Union Européenne va-t-elle faire un pas vers la Turquie ? Ce jeudi, les chefs de la diplomatie des 27 Etats membres de l'Union européenne se réunissent pour discuter d'un possible renforcement de leurs relations avec la Turquie...sans pour autant lui offrir une perspective crédible d'adhésion à l'UE.
Cela reste néanmoins la priorité d'Ankara, comme l'a rappelé la semaine dernière le nouveau ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan à Josep Borell, le chef de la diplomatie de l'UE, en marge d'un sommet de l'Asean à Jakarta. Ankara veut « relancer les négociations pour l'adhésion et placer la question en haut de leur approche politique avec nous, c'est une bonne nouvelle », s'est ainsi félicité Joseph Borell avant que les échanges ne commencent. Selon lui, le fait que l'Ukraine obtienne en l'an dernier le statut de candidat à l'adhésion « a créé une nouvelle dynamique dans le voisinage de l'UE, accélérant le processus dans tous les Balkans », où plusieurs pays sont également candidats, « et tôt ou tard la Turquie entrera dans le jeu ».
Feu vert pour l'adhésion de la Suède à l'OTAN
Le débat sur l'adhésion de la Turquie à l'UE est une question de longue date, récemment replacée sous le feu des projecteurs lors du dernier sommet de l'OTAN. Le président turc y a créé la surprise à Vilnius (Lituanie) la semaine dernière en posant ses conditions pour le processus d'adhésion de la Suède dans l'alliance Atlantique.
« Ouvrez d'abord la voie à l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne et, ensuite, nous ouvrirons la voie à la Suède, tout comme nous avons ouvert la voie à la Finlande », a déclaré Erdogan à la veille de l'ouverture du sommet.
Il a finalement levé son veto tout en signifiant qu'il n'y aurait pas de ratification avant le mois d'octobre. En contrepartie, les Européens ont ouvert la voie à un réchauffement des liens avec Ankara. Charles Michel, président du Conseil européen, avait évoqué dans un tweet leur volonté commune de « redynamiser » les relations Turquie-UE, après sa rencontre avec Erdogan.
De son côté, la Suède a annoncé qu'elle allait « soutenir activement » les efforts visant à redynamiser le processus d'adhésion de la Turquie, tout en contribuant à la modernisation de l'union douanière et à la libéralisation des visas, selon le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg.
Des relations qui restent compliquées
Depuis plusieurs années, les négociations pour l'adhésion de la Turquie à l'UE sont à l'arrêt. En 2018, l'UE les avait, en effet, jugées « au point mort » en raison de décisions d'Ankara contraires aux intérêts des Vingt-sept et d'« un recul continu et préoccupant de l'état de droit et des droits fondamentaux ».
Le processus d'adhésion de la Turquie a débuté dès 1987, lorsque la Turquie a déposé sa candidature à la Communauté économique européenne, puis douze ans plus tard en 1999, à l'Union européenne. Mais les négociations entamées en 2005 ont été plombées par une série de problèmes épineux et le manque d'entrain de pays clés de l'UE. Les relations s'étaient fortement tendues après la tentative manquée de putsch de juillet 2016 et la répression touchant opposants et journalistes qui a suivi.
« Le processus reste au fond du bac à glaçons, car des chapitres essentiels des discussions comme l'Etat de droit et les droits de l'homme n'ont pas été mis en œuvre et sont loin de l'être. (...) Il ne faut pas être naïf, il n'y aura pas de cadeaux », a déclaré Annalena Baerbock, ministre fédérale allemande des Affaires Étrangères.
Un désaccord au sujet de Chypre
Le différend qui oppose la Turquie et l'UE à propos de l'île de Chypre est également un point de crispation entre le pays et le Vieux continent. Depuis l'invasion de son tiers nord par la Turquie en 1974, l'île est divisée entre la République de Chypre (membre de l'UE) qui exerce son autorité au sud, et la République turque de Chypre-Nord (RTCN) autoproclamée en 1983 et uniquement reconnue par Ankara. « C'est de toute évidence l'un des principaux points de désaccord (...) ce sera un des sujets de discussions » jeudi, a confirmé un responsable européen.
« Pour Chypre, l'avenir des relations UE-Turquie a un passé très spécifique (...). Nous espérons une reprise rapide de négociations substantielles pour résoudre la question chypriote », a déclaré, de son côté, le ministre chypriote Constantinos Kombos, réclamant que les liens avec Ankara soient « proportionnés et soumis à conditions ».
Une relation ambiguë
Toujours est-il que les crises géopolitiques que connaît actuellement l'Europe font de la Turquie un partenaire incontournable pour l'UE. Après la crise migratoire de 2015, les pays de l'Union européenne avaient conclu avec Ankara un accord visant à juguler les arrivées de migrants vers l'Europe, moyennant une contrepartie financière de 6 milliards d'euros, dont une partie doit encore être fournie.
En outre, dans le cadre de l'invasion de l'Ukraine, la Turquie s'est imposée dans les négociations entre l'Ukraine et la Russie, aux côtés de l'ONU pour l'exportation de céréales depuis les ports ukrainiens. Un accord avait ainsi été trouvé en juillet 2022. Renouvelé à plusieurs reprises, il a finalement expiré le 17 juillet dernier du fait du refus de Moscou de le prolonger. Mais Ankara est, en parallèle, accusée de contourner les sanctions occidentales contre Moscou à la suite de l'invasion de l'Ukraine.
(Avec AFP)
Sujets les + commentés