Colère des agriculteurs  : les syndicats maintiennent la pression sur Bruxelles, la FNSEA se réunit en congrès

Abandon des jachères obligatoires, haies, contrôles... Les Vingt-Sept ont approuvé mardi une révision de la PAC détricotant ses règles environnementales et discutent de pistes pour doper les revenus des agriculteurs, alors que des centaines de tracteurs défilent à nouveau à Bruxelles.
Depuis le début de l'année, partout, en Europe, comme ici en Grèce, les agriculteurs manifestent avec leurs tracteurs (Photo d'illustration).
Depuis le début de l'année, partout, en Europe, comme ici en Grèce, les agriculteurs manifestent avec leurs tracteurs (Photo d'illustration). (Crédits : LOUISA GOULIAMAKI)

[Article publié le mardi 26 mars 2024 à 07h00 et mis à jour à 13h20] Comme un air de déjà-vu. Alors que les ministres de l'Agriculture de l'UE ont approuvé ce mardi à Bruxelles une révision des règles de la PAC (politique agricole commune) afin de répondre aux demandes des agriculteurs, le syndicat wallon Fugea et la coordination agricole alternative internationale Via Campesina ont fait défiler les 300 tracteurs dans les rues de Bruxelles.

« Les propositions sont insuffisantes pour s'attaquer aux causes profondes » du malaise agricole, indiquent les deux organisations dans un communiqué, dénonçant « des réponses inadéquates aux revendications sur les revenus des agriculteurs », les « pratiques déloyales » de l'industrie agro-alimentaire et réclamant « la fin aux accords de libre-échange ».

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Après une suspension temporaire pour 2023, puis 2024, Bruxelles propose notamment de supprimer complètement l'obligation de laisser au moins 4% des terres arables en jachères ou surfaces non-productives (haies, bosquets, mares...) - critère devenu un épouvantail pour le secteur.

« Nous ne les avons pas oubliés ! Aujourd'hui on s'attaque à la PAC pour apporter plus de flexibilité, des réponses qui permettront d'augmenter leurs revenus » a déclaré le ministre belge David Clarinval, dont le pays assure la présidence tournante de l'UE.

Les exploitations de moins de 10 hectares exemptés de contrôles

Les législations environnementales de l'UE entrant en vigueur après 2025 n'auraient plus à être traduites dans la PAC. Et en cas d'épisodes climatiques extrêmes, les Etats seraient libres d'introduire des dérogations pour éviter que les agriculteurs encourent des pénalités. Enfin, la Commission propose d'exempter de contrôles et pénalités liés aux règles environnementales les exploitations de moins de 10 hectares.

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L'accord récent pour reconduire l'exemption de droits de douane à l'Ukraine tout en plafonnant certains produits agricoles n'est pas officiellement à l'agenda de la réunion ministérielle ce mardi. Relevant des ministres du Commerce, il devrait être examiné mercredi au niveau des ambassadeurs des Vingt-Sept.

Les ONG environnementales « consternées »

Le Copa-Cogeca, organisation des syndicats agricoles majoritaires européens, a salué dans une lettre aux ministres « un pas dans la bonne direction (...) apportant plus de flexibilité et prenant en compte les spécificités locales », tout en réclamant « des éclaircissements et ajustements ». Il se félicite par ailleurs du blocage depuis plusieurs semaines, au niveau des Etats membres, de la législation « restauration de la nature » visant à réparer les écosystèmes abîmés y compris en milieu rural, qu'il juge « mal conçue, mal financée » et insuffisamment évaluée.

A l'inverse, dans une lettre commune, 16 ONG environnementales, dont WWF, Greenpeace ou ClientEarth, ont appelé lundi la Commission à « retirer sa proposition législative », un « retour en arrière » susceptible de dégrader les écosystèmes et « ne faisant ainsi que saper les emplois que la PAC est censée soutenir à long terme ». Surtout, elles se disent « consternées » qu'une telle proposition législative ait été élaborée « en moins de trois semaines (...) sans analyse d'impact préalable ni consultations significatives des parties prenantes » à rebours des règles de l'UE. Selon une source diplomatique, la majorité qualifiée requise existe déjà parmi les Etats, pour un texte « sans changement substantiel » par rapport aux propositions.

Le congrès de la FNSEA s'annonce tendu

C'est dans ce contexte que le syndicat agricole FNSEA se réunit à Dunkerque de mardi à jeudi pour un congrès qui s'annonce tendu après deux mois de crise agricole. L'occasion d'un état des lieux des revendications satisfaites devant des troupes qui en veulent davantage. S'il veut éviter de nouvelles manifestations, le gouvernement doit dire « quand et comment » il mettra en œuvre la soixantaine d'engagements qu'il a pris depuis le début de la crise, piochés dans les revendications de la FNSEA, a souligné son patron, Arnaud Rousseau. C'est aussi la condition pour que le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, attendu sur place jeudi, reçoive un accueil cordial, a-t-il prévenu.

La semaine dernière, le ministère a publié sur son site une page permettant de suivre l'avancée de ses 67 engagements, soulignant que la profession avait obtenu un nombre « inédit » de réponses à leurs revendications. L'exécutif a promis plus de 400 millions d'euros d'aides d'urgence, une nouvelle loi pour protéger le revenu des agriculteurs, de porter l'agriculture au rang d'un « intérêt général majeur »... Il s'est aussi engagé à alléger les contraintes, notamment environnementales, au prix de concessions décriées par les ONG et des scientifiques sur les pesticides.

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« On n'a jamais obtenu autant de choses dans le cadre d'un mouvement » donc, sur le papier, « la tête de la FNSEA est en situation de force, » remarque le céréalier Damien Greffin, patron du syndicat en Ile-de-France et membre du bureau de la FNSEA. Mais « nos agriculteurs sont remontés comme des pendules ». Ils veulent constater les retombées dans leurs fermes et « font preuve d'une forme de détermination qui nous dépasse ».

(Avec AFP)

Commentaires 7
à écrit le 26/03/2024 à 14:05
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La fnsea a amené les agriculteurs dans une impasse et met en causse aujourd'hui l'état et l'UE alors que la situation actuelle leur incombe en grande partie .Depuis des décennies le syndicat a poussé ses adhérents à investir s'agrandir et s'endetter...

à écrit le 26/03/2024 à 12:26
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La FNSEA n'est pas un syndicat, elle est un lobby au service de l'agrobusiness. Elle se sert des problèmes des agriculteurs pour imposer son modèle économique. Les premiers impactés sont les agriculteurs exploitant des surfaces faibles et moyennes. A...

à écrit le 26/03/2024 à 10:36
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Exempter de contrôles les petits exploitants, pourquoi pas ! Une porte ouverte pour les très petites entreprises, les auto- entreprises et prioriser les contrôles des grandes entreprises qui externalisent leur siège social.

à écrit le 26/03/2024 à 10:36
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Chers agriculteurs, on ne produit pas de l'alimentaire avec du chimique, la Nature doit être la règle et le chimique l'exception un peu comme les antibiotiques et autres médocs pour les humains.

à écrit le 26/03/2024 à 9:40
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Il faut interdire la FNSEA, la FDSEA et la Coordination rurale dont les adhérents polluent les sols, épuisent les nappes phréatiques, maltraitent les animaux et nous empoisonnent avec leurs produits pourris ! Ces individus votent majoritairement extr...

à écrit le 26/03/2024 à 8:48
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tout ce tohu bohu montre bien qu'il y a un vrai problème : trop de produits chimiques dans les champs ?

à écrit le 26/03/2024 à 7:21
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"devant des troupes qui en veulent davantage" On les comprend, eux aussi ont du apprendre le salaire du patron de la FNSEA et veulent eux aussi gagner 180000 balles par mois non mais ! Et on ne sait toujours pas combien touchent les patrons de la CNJ...

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