Euro : Mario Draghi quitte une BCE profondément divisée

Souvent dépeint comme un solitaire qui impose ses visions, Mario Draghi n'en reste pas moins crédité d'avoir sauvé l'euro en pleine crise de la dette. Mais au prix d'une politique de l'argent abondant et pas cher qui est très critiquée dans le nord de l'Europe, en Allemagne notamment.
Fin octobre, la Française Christine Lagarde succédera à Mario Draghi (en photo). Elle sera la première femme à occuper le poste au cœur du pilotage de la zone euro.
Fin octobre, la Française Christine Lagarde succédera à Mario Draghi (en photo). Elle sera la première femme à occuper le poste au cœur du pilotage de la zone euro. (Crédits : Reuters)

Mario Draghi, qui préside jeudi sa dernière réunion à la BCE, a à son actif d'avoir sorti la zone euro d'une crise sans précédent. Mais sa politique de "l'argent facile" laisse de profondes divisions.

Aucune décision n'est attendue lors du conclave du conseil des gouverneurs de l'institut monétaire. L'heure sera au bilan de l'Italien et au passage de témoin: fin octobre, c'est la Française Christine Lagarde qui lui succédera, première femme à occuper le poste au cœur du pilotage de la zone euro.

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Ce ne sera pas une "célébration joyeuse de ses réalisations" ni un tour d'honneur car "l'attention se portera sur les divisions grandissantes au sein du conseil des gouverneurs", estime Jack Allen-Reynolds, économiste chez Capital Economics.

Mario Draghi devrait être longuement interrogé jeudi sur le sujet. Au sein de l'instance de décision de la BCE, les conflits sur la politique à mener face aux difficultés de la zone euro "ont désormais éclaté en public", dit Dirk Schumacher, économiste chez Natixis.

Une situation qui risque de "saper l'efficacité de la BCE", ajoute-t-il, à un moment où celle-ci semble au bout de ses possibilités pour soutenir l'économie.

Euro sauvé

Souvent dépeint comme un solitaire qui impose ses visions, Mario Draghi n'en reste pas moins crédité d'avoir sauvé l'euro en pleine crise de la dette. Mais au prix d'une politique de l'argent abondant et pas cher qui est très critiquée dans le nord de l'Europe, en Allemagne notamment.

Ses détracteurs dénoncent un encouragement aux pays en déficit budgétaire à ne pas se réformer, ils redoutent des "bulles spéculatives", comme pour les prix de l'immobilier qui atteignent des sommets, et déplorent la "ruine" des épargnants du fait des taux d'intérêts très bas.

En outre, son efficacité est discutée: Mario Draghi part alors que la croissance en zone euro, après cinq années plutôt favorables et onze millions d'emplois créés, décélère de nouveau fortement. Le FMI a abaissé jeudi sa prévision à 1,2% cette année et 1,4% en 2020. Tous les pays ralentissent.

Lire aussi : Zone euro : Bruxelles revoit à la baisse les prévisions de croissance pour 2020

En huit années, sous l'impulsion de M. Draghi, la BCE aura pris des mesures encore inimaginables aux débuts de l'euro il y a 20 ans: baisse des taux jusqu'en territoire négatif, injections de liquidités via des rachats massifs d'actifs sur les marchés et prêts géants aux banques.

Conflit interne

En septembre, un conflit sans précédent a éclaté en interne sur l'ampleur du dispositif à adopter pour faire remonter l'inflation au niveau souhaité.

En cause: la relance d'un programme de rachats d'actifs. Il avait été mis en sommeil en décembre après avoir grossi le bilan de la BCE de 2.600 milliards d'euros dans le but de favoriser la croissance.

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Les tensions ont culminé lorsque des membres du conseil des gouverneurs d'Allemagne, des Pays-Bas et même de France ont émis des critiques publiques contre les choix de Mario Draghi. Une dirigeante allemande de la BCE a même claqué la porte de l'institut: les griefs contre le cap choisi par l'Italien sont particulièrement virulents en Allemagne, sur la question des épargnants notamment.

Lire aussi : La reprise des achats de dettes de la BCE critiquée par le gouverneur de la Banque de France

Christine Lagarde s'apprête donc à débarquer en terrain miné. Parviendra-t-elle à recoller les morceaux? À convaincre les différents membres de l'instance dirigeante de la BCE d'agir si la crise empire en zone euro?

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"Tout le monde s'accorde à reconnaître que les outils monétaires sont aujourd'hui trop sollicités", note Bruno Cavalier, économiste chez Oddo BHF. "Or, s'ils le sont, c'est que les outils budgétaires (des États) ne le sont pas assez", ajoute-t-il.

Problème: les pays ayant des marges de manœuvre budgétaires, comme l'Allemagne, rechignent à mettre la main au portefeuille pour soutenir la conjoncture.

Le contexte n'est en tout cas pas favorable pour Christine Lagarde: l'horizon économique de la zone reste assombri par les tensions commerciales internationales, sans parler du Brexit, souvent cité par Mario Draghi comme l'un des principaux risques pesant sur la conjoncture.

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Commentaires 11
à écrit le 23/10/2019 à 17:03
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La question qu'il faut se poser c'est: Où en serions nous si à la place de Draghi il y avait eu un "Jens Weidmann" ou un "Axel Alfred Weber" à la place de Draghi? Je suppose que je vais encore être censuré !!!

à écrit le 22/10/2019 à 13:20
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Munich 1939, un menuisier, Georg Johann Elser, échoue dans sa tentative de tuer Hitler. Quelle auraient été les conséquences pour le monde s'il avait réussi ? Pour les Allemands il aurait été à jamais un traitre. En vérité il aurait évité à l’All...

à écrit le 22/10/2019 à 13:02
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Sans l'economie et l'argent des allemandes et les demais pays nordics la France n'a acune change ni les moyennes de survivre, sans ou avec l'UE.

à écrit le 22/10/2019 à 9:48
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Mario obéit à Goldman Sachs, qui s'est fait des boules en platine sous son mandat, comme Macron à Soros, c'est pour cela que cela va "si bien"..

à écrit le 22/10/2019 à 8:10
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Où en seraient l'UE et l'Euro sans la politique accomodante de Draghi, tant critiqué par les Allemands ? et je parle de l'UE, pas de l'Allemagne.

à écrit le 21/10/2019 à 20:04
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Disons qu'il part en ayant arrosé le monde de la finance de deux mille milliards pourtant rien ne s'est passé, si ce n'est le rachat a tour de bras ou thésauriser mais l'économie est toujours malade docteur!!! Et au vue de la dame loin dans le monde...

à écrit le 21/10/2019 à 15:18
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Finalement merci à Draghi d’avoir mis hors de nuire les spéculateurs en tout genre adossés aux agences de notation et tous les animateurs de ce système financier qui tournent en rond et ne savent pas sortir de leur logique. Tous ces acteurs formatés ...

le 22/10/2019 à 7:55
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Il a été au service de son ex et futur employeur...Goldman Sachs. Il a arrosé la planete finance qui se gave sur le dos de l eco réelle. La bourse est un immense casino, la bulle immo est deconnectée des revenus du travail... et les politiques en p...

à écrit le 21/10/2019 à 14:44
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il est en train d'envoyer au tas toute l'europe on est dans une trappe a liquidite, et qu'est ce qu'il fait? des taux negatifs! il a rate ses cours de macroeconomie premiere annee ou quoi? le seul truc qu'il a fait c'est solvabiliser la france qui...

le 21/10/2019 à 16:30
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Vous avez la mémoire courte.Sans les mesures prises par Draghi,c'est pas l'Euro qui disparaissait,mais aussi l'Europe.Objectif non dissimulé de la finance anglo-saxonne.Jetez un oeil sur leur presse de l'époque.

à écrit le 21/10/2019 à 10:40
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La bce est aux ordres des banquiers allemands, Draghi n'a fait que ce qu'on lui a dit de faire et quand on voit que les allemands ne veulent plus mettre de fric dans cette UE au final on comprend bien mieux cette stratégie du chaos.

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