Pourquoi Apple pourrait bien devoir rembourser 13 milliards d'euros à l'Irlande

En 2020, Apple avait échappé à un rattrapage fiscal de 13 milliards d'euros que la Commission européenne lui réclamait. Invité à se prononcer sur ce litige, un magistrat de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) estime ce jeudi qu'il doit être rejugé. Cette cour de dernière instance, qui peut ne pas suivre cet avis, doit rendre sa décision dans les prochains mois.
Ces 13 milliards d'euros correspondent aux bénéfices tirés d'un traitement fiscal favorable entre 2003 et 2014 en Irlande, où Apple avait rapatrié l'ensemble de ses revenus engrangés en Europe (ainsi qu'en Afrique, au Moyen-Orient et en Inde).
Ces 13 milliards d'euros correspondent aux bénéfices tirés d'un traitement fiscal favorable entre 2003 et 2014 en Irlande, où Apple avait rapatrié l'ensemble de ses revenus engrangés en Europe (ainsi qu'en Afrique, au Moyen-Orient et en Inde). (Crédits : MIKE SEGAR)

Nouvel épisode dans le feuilleton qui oppose Apple et la Commission européenne. Pour rappel, l'affaire remonte à 2016, lorsque Bruxelles a ordonné au géant américain de rembourser 13 milliards d'euros à l'Irlande. Cette somme correspond aux bénéfices tirés d'un traitement fiscal favorable entre 2003 et 2014 dans ce pays où Apple avait rapatrié l'ensemble de ses revenus engrangés en Europe (ainsi qu'en Afrique, au Moyen-Orient et en Inde). La Commission européenne l'avait alors considéré comme un rabais fiscal assimilable à une aide d'État illégale. Un avis que n'avait pas partagé le tribunal de l'UE, annulant cette décision en 2020.

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Bruxelles avait alors formé un pourvoi auprès de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), cour de dernière instance, qui s'est exprimée ce jeudi 9 novembre. Dans un avis non-contraignant, mais généralement suivi par les juges, l'avocat général de la CJUE a recommandé que soit rejugé ce litige, remettant en cause la victoire obtenue par le géant américain en première instance.

« Dans ses conclusions, l'avocat général Giovanni Pitruzzella propose à la Cour d'annuler l'arrêt et de renvoyer l'affaire devant le tribunal afin que celui-ci se prononce à nouveau sur le fond », a annoncé la CJUE.

Apple n'a pas commenté cet avis. Le géant américain a seulement rappelé ce jeudi le jugement de première instance qui lui était favorable. « La décision du tribunal était très claire : Apple n'a bénéficié d'aucun avantage sélectif ni d'aucune aide d'État, et nous pensons que cette décision doit être confirmée », a estimé le groupe dans un communiqué.

Le gouvernement irlandais s'est aussi exprimé, par la voix de son ministre des Finances. « La position de l'Irlande a toujours été, et reste, que le montant correct de l'impôt irlandais a été payé et que l'Irlande n'a fourni aucune aide d'État à Apple. Nous attendons maintenant l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne sur cette question », a fait savoir Michael McGrath. Quant à la Commission européenne, elle a rappelé qu'elle ne commentait pas les affaires judiciaires en cours.

Plusieurs options s'offrent désormais à la CJUE. Elle peut confirmer ou annuler tout ou partie de la décision de première instance, ou encore décider de renvoyer l'affaire devant le tribunal de l'UE, comme l'a recommandé l'avocat général. Sa décision est attendue dans les prochains mois.

Aides d'État ou pas aides d'État

Dans le détail, la CJUE ne se prononce pas sur le fond ce jeudi, mais seulement sur les questions de droit. Et justement, selon l'avocat général, « le tribunal a commis plusieurs erreurs de droit ». A ce titre, il est donc « nécessaire » qu'il « effectue une nouvelle appréciation », précise la Cour.

C'est aussi ce qu'avait dénoncé l'avocat de l'exécutif européen, Paul-John Loewenthal, lors d'une audition devant la cour en mai. Il avait fustigé une « violation de la procédure » et « de nombreuses autres erreurs juridiques » de la part du tribunal de l'UE. Il avait estimé que la filiale irlandaise d'Apple avait réglé un taux d'imposition effectif sur ses bénéfices européens « allant de 1% en 2003 à 0,005% en 2014 ». Le professionnel du droit avait alors cité la direction d'Apple qui avait qualifié elle-même devant le Sénat américain les avantages fiscaux accordés par Dublin d'« incitations à l'investissement équivalant à des aides d'État ».

L'avocat d'Apple, Daniel Beard, avait de son côté martelé que la firme américaine n'avait obtenu « aucun traitement de faveur » en Irlande et qu'il n'y avait « pas eu d'aide d'État ». Le groupe américain a payé en Irlande les impôts dus sur ses bénéfices générés en Irlande, conformément aux règles fiscales du pays, avait ainsi affirmé l'avocat de l'entreprise américaine.

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Les difficultés de la Commission européenne face aux multinationales

Le litige avec Apple n'est pas la seule bataille de Bruxelles face à des multinationales dans plusieurs dossiers fiscaux du même type. Le constructeur automobile Fiat (groupe Stellantis) a notamment obtenu en novembre 2022 de la CJUE l'annulation d'une décision de Bruxelles qui lui réclamait de rembourser 30 millions d'euros d'avantages fiscaux au Luxembourg.

En mai 2021, c'est Amazon qui avait validé les rabais fiscaux obtenus au Luxembourg, évalués à 250 millions d'euros. En 2019, la chaîne américaine de cafés Starbucks avait aussi gagné contre Bruxelles qui lui avait imposé de rembourser 30 millions d'euros aux Pays-Bas.

(Avec AFP)

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