
La crise de la zone euro des années 2010 est encore dans toutes les mémoires. Et le durcissement des conditions monétaires opérées par la Banque centrale européenne ravive les craintes de nombreux hommes politiques et économistes. Dans l'optique de juguler l'inflation trop élevée, les taux directeurs de la BCE sont aujourd'hui au plus haut depuis 1999, entre 4% et 4,75%, se répercutant sur les taux des obligations des Etats européens.
C'est fort de ce contexte que Luis de Guindos, vice-président de la BCE, a mis en garde ce lundi les Etats membres sur la viabilité de leur dette.
« Des coûts de financement plus élevés et des politiques budgétaires moins prudentes pourraient raviver les inquiétudes quant à la viabilité de la dette souveraine, en particulier dans les pays où les niveaux d'endettement sont déjà élevés », a-t-il averti, dans un discours prononcé à Francfort.
La dette italienne regardée de près
Et pour cause, suivant les taux directeurs, le taux d'intérêt à 10 ans de l'obligation du Trésor français a atteint 3,26% en novembre, quand il s'affichait en dessous de 0 avant janvier 2022. Une véritable épine dans le pied pour l'Hexagone dont la dette représente 111,8% du Produit intérieur brut. Fin septembre, le président de la Cour des comptes Pierre Moscovici avait notamment pointé du doigt la lourdeur de la charge de la dette. « L'État principalement, et les administrations publiques en général, s'apprêtent à verser 57 milliards d'intérêts en 2024 et ce montant atteindrait 84 milliards en 2027 », avait-il précisé.
Mais la crainte de la BCE est surtout de voir arriver une divergence de dynamique entre les taux directeurs des différents Etats. La gardienne de l'euro est donc particulièrement attentive aux « spreads », qui représentent les écarts de rendement entre l'emprunt allemand, qui fait référence, et ceux d'autres pays en zone euro. En effet, alors que leurs taux à 10 ans étaient tous les deux en dessous de 1% en 2021, le taux italien a atteint 4,52% en novembre, quand celui de l'Allemagne ne s'est établi qu'à 2,69%. Pour de nombreux experts à la BCE, c'est aujourd'hui l'Italie, dirigée par la cheffe du gouvernement Giorgia Meloni, qui inquiète compte tenu de son énorme dette publique équivalent à 144% de son PIB en 2022.
La hausse des taux inquiète
Cette fragmentation des taux d'endettement rappelle la situation qu'a vécu le Vieux continent entre 2010 et 2012. Durant cette période, l'Europe a été confrontée à une crise de la dette partie de Grèce, surendettée et incapable de se refinancer sur les marchés, avant de se propager à d'autres pays. L'épisode avait fait craindre un risque d'implosion de la zone euro.
Aujourd'hui toutefois, les « spreads » sur les marchés des obligations d'État sont « restés contenus », a rassuré le vice-président de la BCE ce lundi. Et pour cause, de nombreux gouvernements ont en effet obtenu des « financements bon marché sur des échéances plus longues pendant la période de faibles taux d'intérêt ».
Mais quand sera-t-il dans le futur ? Luis de Guindos a en effet réaffirmé que la BCE maintiendra ses taux élevés « pendant suffisamment longtemps de façon à contribuer substantiellement » à atteindre un objectif de 2% environ d'inflation. Dès lors, les Etats devraient être amenés à renouveler leurs lignes de dettes à des taux très élevés.
La BCE tient à rassurer les marchés
Luis de Guindo a également assuré que, dans le même temps, la politique budgétaire en zone euro devrait viser à rendre l'économie « plus productive et à réduire progressivement la dette publique élevée », a-t-il martelé.
Enfin, en cas de tensions sur le marché de la dette, la BCE dispose dans son arsenal d'un « Instrument de protection de la transmission » (TPI). Celui-ci lui permet d'acheter des obligations d'Etat dont les rendements augmenteraient trop vite par rapport à ceux de l'Allemagne. Plus précisément, ce mécanisme permettrait à l'institution de Francfort de vendre des obligations d'Etat allemand pour acheter des obligations italiennes en cas de trop grosse divergence entre les taux des deux Etats.
(Avec AFP)
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