Accès au cash dans les territoires : les pouvoirs publics se mobilisent

Le gouvernement a mis en chantier, avec la Banque de France, une politique nationale de la gestion des espèces afin de garantir l'égal accès dans les territoires à des points de retrait. Une cartographie est en cours, alors que le paiement en cash devrait chuter de 20% à 25% d'ici à 2025.
Delphine Cuny
Des distributeurs automatiques dans une agence Société Générale à Lille.
Des distributeurs automatiques dans une agence Société Générale à Lille. (Crédits : SG)

« La Banque de France n'abandonnera jamais les espèces » avait affirmé le 12 mars dernier le gouverneur de l'institution, François Villeroy de Galhau. « Le libre choix des Français du moyen de paiement est un élément central de la confiance dans la monnaie » avait-il justifié, à l'heure où cette prise de position peut paraître passéiste aux tenants du tout-numérique. Cette préoccupation est visiblement partagée par l'ensemble des pouvoirs publics : lors d'une audition au Sénat, devant la commission des finances, ce mercredi 27 mars, le directeur général des services à l'économie et du réseau de la Banque de France, Erick Lacourrège, a révélé qu'un travail a commencé en vue d'élaborer « une politique nationale de gestion des espèces, qui soit concertée le mieux possible pour assurer la continuité des moyens de paiement sur le territoire. »

« L'illusion est grande de penser que l'on se dirige vers une société sans cash. La réalité est que, dans notre horizon de vie à tous, le cash continuera à être utilisé » a prédit Erick Lacourrège. « Il n'y a jamais eu autant de billets et de pièces en circulation qu'aujourd'hui » a-t-il rappelé.

A fin 2018, les émissions nettes d'espèces (le solde entre les billets et pièces mis sur le marché et ceux retirés de la circulation chaque année) ont en effet augmenté de 7,5% en France (de 5% en zone euro). Si la détention d'espèces mises de côté augmente, leur utilisation comme moyens de paiement est « en baisse très significative » a-t-il reconnu, souvent cantonnée aux petits montants (7,50 euros en moyenne et 28% des paiements en magasin en valeur en 2016).

« D'après nos projections à 2025, on peut s'attendre à un reflux du paiement en espèces de 20% à 25% par rapport à la situation actuelle. C'est très significatif » a relevé Erick Lacourrège.

Lire aussi : "Le cash finira par disparaître. La question est : quand ?" (Banque de France)

Baisse du nombre de DAB

Pendant ce temps, s'ajustant à la baisse de fréquentation et à l'environnement de taux d'intérêt très bas qui pince leurs marges, les banques suppriment guichets et caisses, ferment et regroupent des agences. Société Générale n'aura plus que 1.700 agences en 2020, comme BNP Paribas, LCL un peu moins. Seules les banques mutualistes conservent des réseaux très denses. La Banque de France va discuter avec chaque réseau bancaire de sa trajectoire à moyen terme, 2020-2025, en termes d'espèces.

« On s'est rendu compte à la Banque de France que l'on se trouve dans une situation où si on laisse faire les stratégies individuelles de tous les acteurs, on risque des points de rupture dans les territoires, notamment les plus difficiles à desservir » a estimé le représentant de la Banque de France.

Dans un contexte de crise des "Gilets jaunes", où l'inégal accès aux services dans les territoires est apparu comme un problème crucial, l'institution mène « une étude fine de l'implantation du réseau de distribution des espèces, qui ne sera pas limitée aux distributeurs », qui sera terminée d'ici à la fin du printemps. La France comptait à fin 2018 quelque 54.786 distributeurs automatiques de billets (en baisse d'un millier environ), ce qui représente environ 815 DAB par million d'habitants, ce qui est proche de la moyenne européenne à fin 2017 (846 selon la BCE), mais inférieur à l'Allemagne, l'Espagne, l'Autriche ou même au Royaume-Uni. Un nombre qui n'est pas forcément également réparti sur le territoire.

« Les premiers constats montrent qu'il n'y a pas aujourd'hui de problème massif d'accès aux espèces » a cependant considéré Jérôme Reboul de la direction générale du Trésor. « En nombre de distributeurs de billets, nous sommes aujourd'hui au niveau de 2008. A l'époque, personne ne disait qu'il y avait un problème d'accès aux espèces » a fait valoir le sous-directeur des banques et des financements d'intérêt général.

Selon le gouverneur de la Banque de France, interviewé dans le Dauphiné Libéré, « près de 99% de la population française vit dans une commune où il y a un DAB sur place, ou un DAB à moins d'un quart d'heure de son domicile ».

Identifier les déserts du cash

Jérôme Reboul a estimé que l'accès au cash n'est « plus du tout un problème de DAB : il y a des modalités alternatives d'accès, comme le compte Nickel » (filiale de BNP Paribas), compte sans banque à souscrire chez le buraliste, « ou le Point Vert », des relais chez des commerçants partenaires du Crédit Agricole pour réaliser des retraits. « Le gouvernement est décidé à accompagner l'ensemble des solutions alternatives, c'est sans doute une des réponses possibles. » Il a aussi évoqué le cash-back, la possibilité de retirer de l'argent chez un commerçant au moment d'un achat, qui peine semble-t-il à décoller.

La Confédération des buralistes a justement mis en avant les 1,2 million de comptes Nickel ouverts.

« Avec nos 24.500 buralistes, notre maillage peut être une des réponses. Nous pouvons être une alternative au distributeur » a déclaré la secrétaire générale de la Confédération, Sophie Lejeune. « Les Français viennent déposer en moyenne 5.800 euros par mois chez les buralistes et retirent environ 1.000 euros par mois. »

Un autre acteurs a voulu mettre en avant son rôle dans l'égalité d'accès au cash dans les territoires.

« La Poste représente le réseau le plus étendu d'accès aux espèces en France, avec plus de 17.000 points de contact et un réseau de 7.700 DAB » a ainsi fait valoir le secrétaire général de la Banque Postale, Tony Blanco. Tout en insistant : « il n'apparaît pas nécessaire d'imposer une mission de service public ou des contraintes supplémentaires en matière de distributeur de billets. »

Une proposition de loi du sénateur Eric Gold sur la désertification bancaire en septembre dernier prévoyait un renforcement des obligations de la Poste afin que « seuls 10 % de la population d'un département puisse se trouver éloignée de plus de cinq kilomètres et de plus de vingt minutes de trajet automobile. » Amendée, elle a été adoptée en novembre puis renvoyée en commission.

Le coût d'installation d'un distributeur est de 90.000 euros et les coûts d'exploitation et maintenance de 14.000 euros par an, a rappelé Tony Blanco.

« Les déserts ne sont pas toujours là où on le croit » a toutefois souligné le secrétaire général de la Banque Postale, pointant des problèmes dans « nombre de zones périurbaines en particulier les quartiers prioritaires de la Ville. »

Delphine Cuny

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Commentaires 4
à écrit le 28/03/2019 à 14:22
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" Les Français viennent déposer en moyenne 5.800 euros par mois chez les buralistes et retirent environ 1.000 euros par mois." Phrase ambiguë qui laisse penser que chaque détenteur de compte Nickel dépose 5.800 euros par mois. Pas franchement le p...

à écrit le 28/03/2019 à 10:32
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"« Il n'y a jamais eu autant de billets et de pièces en circulation qu'aujourd'hui »" ET pourtant le plan de l'UERSS, empire prévu pour durer mille ans, est bel et bien de supprimer le cash maintenant que les paradis fiscaux permettent aux grands...

le 28/03/2019 à 15:00
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@lachcor Par contre toi, ta dévotion dans les commentaires envers LREM fait peur : Le rapport action publique 2022 (dit «rapport CAP22»), avait été commandé en octobre 2017. Un groupe d’une trentaine d’experts étant chargé d’imaginer une vas...

le 29/03/2019 à 9:14
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@ multipseudos: "Ton anti-européanisme primaire t"empêche de réfléchir correctement. C'est dommage, tu passes beaucoup de temps à écrire des posts qui maintenant m'amusent tellement ils ne sont le reflet que de ta névrose....Toute névrose se soign...

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