Le changement climatique reste, pour la seconde année consécutive, en tête des préoccupations des experts et des opinions publiques dans le monde entier (y compris aux Etats-Unis), selon la dixième édition du « Futur Risk Report » d'AXA, publiée ce vendredi. « Nous avons toujours eu tendance à courir après le juste prix de la couverture des catastrophes naturelles car, depuis cinq ans, nous avons systématiquement sous-estimé les risques dans nos modèles », reconnaît Frédéric de Courtois, directeur général adjoint d'AXA.
En France, il y a même urgence à sauver le régime public privé « catastrophes naturelles », déficitaire depuis 2015. Le constat est d'ailleurs partagé par les politiques, les assureurs et bien sûr, par la Caisse centrale de réassurance (CCR), un établissement public qui joue le rôle de réassureur du régime. Dans son dernier rapport sur le climat, la CCR propose même d'augmenter le taux de la surprime, qui est resté inchangé depuis les tempêtes Lothar et Martin en décembre 1999, d'environ 60 %. Et ce, le plus rapidement possible.
Gagner 1,2 milliard de primes par an
Selon ses estimations, le réassureur public estime en effet que la facture des sinistres « Cat Nat » pourrait croître de 40 % à l'horizon 2050, voire de 60 % pour tenir compte des nouveaux enjeux de couverture pour les assurés. Il chiffre ainsi le niveau de primes nécessaire pour équilibrer le système à 3,2 milliards d'euros par an, contre environ 2 milliards d'euros aujourd'hui, supportés à 55% par les particuliers et à 45% par les entreprises. Dans un premier temps, il propose de faire passer ce taux de surprime de 12% à 19% du montant des garanties dommages sur les contrats habitation et biens professionnels, et de 6% à 13 % pour les contrats sur l'automobile.
« Quand nous disons aujourd'hui, cela veut dire le plus vite possible, car il y un élément important de calendrier à respecter, notamment pour prévenir suffisamment en amont les assureurs afin qu'ils puissent ajuster leurs tarifs », avance Edouard Vieillefond, directeur général de CCR. Dans une deuxième phase, la CCR propose une nouvelle augmentation afin de d'engranger 500 millions d'euros supplémentaires par ans, et faire ainsi passer le taux de surprime de 19 % à 22% sur les contrats habitation et de 13% à 16% pour les contrats auto. Cette hausse pourrait s'étaler dans le temps, d'ici 2050, sous une forme d'indexation, par exemple. Mais, au total, il s'agit bien d'une hausse de dix points de pourcentage du taux de surprime.
Bercy doit trancher
Sauver le régime « Cat Nat », oui, mais à quel prix ? C'est à cette question que Bercy doit répondre, car la décision de relever ce taux lui revient, sous la forme d'un arrêté. « Il y a une certaine unanimité pour dire que la hausse doit intervenir assez rapidement, au plus tard le 1er avril 2024, mais les débats existent toujours sur la hauteur de la marche et le rythme de l'augmentation », nous confie un assureur.
L'exercice s'annonce d'autant plus délicat que les assureurs n'ont pas l'intention de jouer à nouveau la modération tarifaire en 2024. Certes, Bercy tente d'appeler à une nouvelle modération tarifaire, sans mettre de pression aussi forte que l'année dernière, reconnaissant même que les assureurs ont joué le jeu de l'accord de septembre 2022 (limite à 2 % des hausses de tarifs en 2023), malgré un environnement particulièrement défavorable.
Comme a pu le rappeler le ministre Bruno Le Maire début septembre, il appelle ainsi les assureurs « à poursuivre leurs efforts de modération tarifaire », mais dans un contexte où « la multiplication des sinistres liés au réchauffement climatique exerce cependant en effet une pression grandissante sur les coûts ». « Les primes ne pourront donc en moyenne pas rester à un niveau stable, mais devront voir leur hausse limitée autant que possible », résume donc Bercy.
Pour France Assureurs, l'accord de modération de 2022 portait de toute façon sur 2022 et 2023 et, en aucun cas, sur le renouvellement des contrats pour 2024.
Rattrapage
« Dans tous les domaines, l'habitation, la santé ou l'automobile, le constat est le même : nous n'avons pas pris les évolutions de tarifs techniquement nécessaires par rapport aux sinistres que nous avons connu en 2022. Les assureurs ont donc besoin de réajuster les tarifs et cette hausse pourrait se faire autour de l'inflation. C'est une trajectoire sur laquelle nous serons tous collectivement car tous les assureurs ont subi la même fréquence et intensité de sinistres et la même inflation », souligne un grand assureur de la place, résumant assez bien le sentiment de toute la profession.
Des hausses sont donc à prévoir sur tous les types de contrats, des hausses qui vont donc se télescoper avec la hausse de la surprime « Cat Nat ». La décision ne sera donc pas simple pour le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, toujours focalisé dans sa lutte contre les hausses de prix.
1,5 euro de plus chaque mois
« L'augmentation de la surprime que nous proposons représente environ 1,5 euro de plus par mois en moyenne sur un contrat habitation, c'est finalement peu au regard de l'immense utilité sociale et économique du régime Cat Nat », souligne Edouard Vieillefond.
Reste que facialement, la hausse, notamment sur les contrats habitation, pourrait presque doubler, et dépasser les 10%. Toutefois, les assureurs auront une marge de manœuvre pour différer l'augmentation des autres dommages, comme la TGN (Tempête neige grêle) ou d'autres lignes du contrat. Il y un rattrapage à faire mais les assureurs peuvent bien se concentrer dans un premier temps sur la surprime « Cat Nat » avant d'envisager de nouvelles augmentations dans le temps.
« Nous sommes conscients du contexte social tendu mais je ne vois pas d'acteurs aujourd'hui qui soient dans une situation de jouer à nouveau la stabilité des tarifs. Il faut cependant être très attentifs aux incidents de paiement et à ce que la non assurance ne devienne pas un sujet », commente auprès de La Tribune un assureur de la place.
Sujets les + commentés