La Banque Postale : les assurances sauvent la banque

Frappée de plein fouet par le choc des taux sur ses activités de banque de détail en France, La Banque Postale tire son épingle du jeu grâce à la contribution de CNP Assurances. Le nouveau président du directoire, Stéphane Dedeyan, ne change pas la feuille de route, mais serre néanmoins les boulons à tous les étages pour redresser la profitabilité de la banque de détail.
La Banque Postale affiche une rentabilité de 7 % et un ratio de solvabilité de plus de 18%.
La Banque Postale affiche une rentabilité de 7 % et un ratio de solvabilité de plus de 18%. (Crédits : Hans Lucas/ Reuters)

Ce n'est pas un hasard si Stéphane Dedeyan, l'ex-directeur général de CNP Assurances, désormais complètement intégrée dans La Banque Postale, a été nommé, en octobre dernier, président du directoire du groupe bancaire (groupe La Poste), en remplacement de Philippe Heim, brutalement remercié l'été dernier.

C'est bien le métier assurance qui sauve la banque en 2023, en contribuant à la quasi-totalité de la hausse des revenus (à 7,2 milliards d'euros en croissance de 16,7%, avec un effet positif de la mise en place de la norme IFRS17) et en permettant surtout au groupe d'afficher un résultat net (part du groupe) de 995 millions d'euros. Sans compter le dividende de 2 milliards d'euros versé par CNP Assurances à La Banque Postale, « jeu normal de circulation du capital au sein d'un groupe ».

Car les activités bancaires ont généré, l'an dernier, 321 millions d'euros de pertes (retraité des activités d'assurance transférées), contre une perte de 76 millions d'euros en 2022, la différence s'expliquant presque intégralement par la baisse de 17% de la marge nette d'intérêt (MNI), soit un effet négatif de 348 millions d'euros au niveau groupe.

Un modèle moins dépendant de la marge nette d'intérêt

De fait, La Banque Postale a été affectée, comme toutes les banques (à l'exception de BNP Paribas) par le choc de taux,  compte tenu d'un actif (crédit immobilier) à taux fixe et d'un passif plus ou moins pénalisé par le poids de l'épargne réglementée dont les taux ont été revalorisés. Or, La Banque Postale est un distributeur historique (comme BPCE) du Livret A et la hausse des taux du livret contribue au tassement de la marge (avec un manque à gagner de l'ordre de 400 millions d'euros). « Nous allons rendre notre modèle moins dépendant de la marge nette d'intérêt », a promis Stéphane Dedeyan, lors de la présentation des résultats annuels.

Comment ? Tout simplement en accélérant l'équipement en produits financiers des quelque 20 millions de clients du groupe. Le potentiel est énorme sachant que le taux d'équipement moyen est actuellement inférieur à deux produits. Alors, que la Banque Postale soit considérée comme un assureur avec des activités bancaires, comme le fait l'agence de notation S&P, ou qu'elle soit une banque à forte composante assurance, « peu importe l'ordre des mots, l'important est d'accompagner nos clients », insiste le dirigeant.

Coup de frein sur le crédit immobilier

Officiellement, le plan stratégique présenté en mai 2021, à horizon 2025, est toujours d'actualité. Sauf que les choses ne sont plus tout à fait comme avant. Le directoire a été resserré sur les fonctions régaliennes. En clair, sur les cordons de la bourse. Par petites touches, le nouveau patron serre les boulons, tranche, réorganise et mise sur le développement commercial en souhaitant une meilleure réactivité avec le réseau des bureaux de poste. Ce qui ne se fera pas du jour au lendemain.

Plusieurs décisions étaient déjà dans les tuyaux à l'arrivée de Stéphane Dedeyan, comme celle de lever le pied sur le crédit immobilier, qui compte tenu de l'effet de latence, s'est traduite par une division par deux de la production au second semestre à 2,6 milliards d'euros, contre 5 milliards au premier semestre. Quitte à reperdre des parts de marché.

Réduction des investissements IT

C'est aussi le cas de la décision d'arrêter les activités de la jeune banque en ligne Ma French Bank, malgré son succès commercial (700.000 clients). Son horizon de rentabilité était devenu trop lointain, compte tenu des développements informatiques nécessaires et de revenus par compte insuffisants. Le coût de la cessation progressive (d'ici 2025) des activités a été provisionné à hauteur de 107 millions d'euros, avec comme scénario central, un reclassement en interne et la reprise du fonds de commerce par la Banque Postale. Toutefois, conformément à la loi Florange, le groupe a mandaté une banque conseil et ouvert une « data-room pour d'éventuels acquéreurs.

Autre inflexion, sans le dire, la mission de la « BFI » (banque de financement et d'investissement), un projet cher au précédent président, est bien ancrée sans équivoque dans les territoires, avec une ambition qui relève plus de la banque commerciale que de la banque d'investissement. Ce périmètre (20 % du résultat net du groupe) pourrait d'ailleurs réintégrer le périmètre de la bancassurance de détail en France dans la présentation des comptes.

Le tout s'accompagne par des efforts de rationalisation et de réduction des coûts. C'est là que le bât blesse car la base de coût « adressable » de La Banque Postale est forcément réduite par rapport aux autres banques : elle n'a pas en effet la maitrise de son réseau, qui relève de La Poste. Du coup, les économies de coûts sont à chercher ailleurs, notamment dans les dépenses IT.

Hausse des tarifs

Un premier programme de 125 millions d'euros a été déployé en 2023. Et un nouvel objectif de 200 millions d'euros d'économies en 2024 a été décidé, en jouant sur la baisse des recrutements et une baisse de 30% des budgets IT. Enfin, la direction compte sur l'amélioration du contexte de taux en 2024 pour soutenir le redressement des comptes. Le choc des taux est, il est vrai, désormais derrière et a priori largement absorbé.

« Le cap stratégique ne change pas, c'est plutôt le rythme de la mise en œuvre avec une opérationnalisation plus rigoureuse », résume Stéphane Dedeyan. Une rigueur qui s'applique aussi aux clients. Après un gel des tarifs en 2023, La Banque Postale applique des hausses vertigineuses sur certains services bancaires, comme les frais de tenue de compte (+21%) à 20,4 euros, le virement en agence (+25%) ou le retrait déplacé (+17%) ou la commission d'intervention (+15%). Certes, ces tarifs restent dans la moyenne du marché. Mais « la banque citoyenne » fait du coup un pas de côté.

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Commentaires 2
à écrit le 02/03/2024 à 13:39
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Titulaire d'un compte à la banque postale,j'ai recemment eu besoin de contacter des conseillers pour un virement international et j'ai pu constater leur incompétence.Mon conseiller financier attitré en bureau de poste est très difficilement joignable...

à écrit le 02/03/2024 à 4:17
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Obligé d'avoir un compte dans cette banque car détenteur d'une Assurance vie chez CNP(liquidée maintenant) j'ai pu constater à quel point elle était médiocre. L'application était lourde et peu conviviale. Leur seule force des bureaux de poste en no...

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