Comment Orpéa se réinvente en visant l'entreprise à mission

Dans la tourmente après les révélations du livre Les fossoyeurs, paru en janvier 2022, le groupe Orpea, leader des Ehpad et des cliniques, a dû se reconstruire. Changement de direction et d'actionnariat, mais aussi évolution de la culture d'entreprise, qui se diffuse à travers de nouveaux process. Invité à la conférence de La Tribune, « Partageons l'économie : RSE, ESG : l'entreprise responsable à l'heure des comptes », son nouveau directeur général, Laurent Guillot, a dressé un premier bilan et dessiné les contours d'une entreprise plus responsable.
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 #Partageonsleconomie - Piloté par la RSE ? L'entreprise, acteur responsable des enjeux sociétaux

Mais qu'est-il venu faire dans cette galère ? Pourquoi Laurent Guillot, ex-directeur adjoint de Saint-Gobain, a-t-il accepté de prendre les rênes d'Orpea, dont il est devenu le directeur général au 1er juillet dernier ? Fauché en pleine gloire par les révélations de Victor Castanet dans son livre Les fossoyeurs, sur la maltraitance envers les résidents et les salariés, voire les malversations financières au sein de certains établissements du groupe, le géant des Ehpad et des cliniques, avec un total de 350 établissements, au service de plus de 250 000 patients ou résidents par an, n'avait rien d'attrayant... Et pourtant. Au-delà du défi professionnel à relever - restructuration, reconstruction, relance -, « rejoindre un groupe dont l'utilité sociale est très forte, du fait du vieillissement de la population, et dont les activités sont des composantes clés du système de soin est une mission, celle de l'accompagnement des plus fragiles, qui a du sens », déclare-t-il sobrement.

Une fois en poste, il lui a fallu entamer la mue du groupe. Après un grand ménage dans les équipes de direction, dont une bonne partie a été invitée à partir, ce sera d'abord un nouveau tour de table faisant de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), aux côtés de CNP Assurances, de la MAIF et de MACSF (Mutuelle d'assurance du corps de santé français), l'actionnaire majoritaire. Une façon de sécuriser le sauvetage financier de l'entreprise.

Valeurs et capital humain

Puis, le DG s'est penché sur le capital humain et les 75 000 salariés du groupe. Pour cela, il a voulu travailler les valeurs de l'entreprise. Après un tel manque de sincérité de la part des équipes dirigeantes, comment, en effet, redonner confiance aux collaborateurs ? Et comment retrouver un esprit collectif ? « En passant, entre autres, du 'command and control' au 'trust and inspire' », répond-t-il. Autrement dit, la philosophie managériale, anciennement fondée sur une méthode que l'on pourrait qualifier de taylorisme - un comble pour une entreprise de service, et qui plus est, de service à la personne ! - fait désormais la part belle à la décentralisation de la prise de décision et à l'autonomie des collaborateurs, pour qu'ils puissent répondre au mieux et au plus vite aux besoins des patients et des résidents. Cette évolution s'accompagne de comités médicaux, mis en place dans les établissements, d'indicateurs de suivi et d'un meilleur dialogue social, là où il faisait cruellement défaut.

Le directeur général a voulu, lui aussi, faire sa part. Alors que la rémunération et le bonus de ses prédécesseurs étaient principalement axés sur des indicateurs financiers, il a spécifiquement demandé que le premier critère porte sur la bientraitance et l'accompagnement des personnes, résidents ou patients, et sur des indicateurs tels que le taux de turn-over du personnel. Des critères ESG, donc. Qui représentent 60 % de sa rémunération variable, le reste étant fondé sur des critères financiers. Il en est de même dans les établissements. Le bonus des directeurs, historiquement fixé à partir de critères financiers, l'est désormais majoritairement sur des données ayant trait aux soins, à l'accompagnement et à la sécurité. Un changement fondamental pour Orpea et même très en pointe, puisque si les parts variables, dans la rémunération des dirigeants des sociétés du CAC 40, incluent désormais des critères ESG, le poids de ces critères est plutôt de l'ordre de 12% par rapport à l'ensemble...

Plusieurs étapes ont donc été franchies ces derniers mois. « Si l'on peut dire qu'Orpea est sauvé, il nous reste encore à devenir une entreprise soutenable », relève Laurent Guillot. Ce qui passe par un retour de la confiance des familles - et des salariés. « Notre grand défi est de nous assurer que des soignants voudront rejoindre Orpea et y rester », admet d'ailleurs le nouveau DG. Mais déjà, les premiers signes d'amélioration se font jour. Les candidats sont au rendez-vous et les embauches ont repris à un rythme soutenu ces derniers mois. Avec en conséquence un ratio soignants/soignés en hausse.

Une fois les fondations reconstruites et le capital humain cultivé, pas question de s'arrêter en si bon chemin. La réflexion est déjà lancée sur la définition et la formulation d'une raison d'être pour le groupe. Orpea ira-t-il, dans la foulée, jusqu'à devenir entreprise à mission ? « Oui, mais il faut d'abord que l'entreprise soit prête et que les indicateurs, pour juger de la performance des managers de l'extérieur, le soient également. Avoir des indicateurs sur des sujets ESG ne faisait pas, jusqu'à présent, partie de la tradition d'Orpea... », tempère le DG. Le groupe devrait-il changer de nom ? « Le nom ne pourra être qu'un aboutissement, qui viendra après la définition des objectifs de l'entreprise », tranche-t-il, en précisant qu'il se méfie d'un « name washing » opportuniste, visant à faire oublier le passé. Même s'il veut clairement rompre avec les pratiques d'antan...

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Commentaire 1
à écrit le 19/07/2023 à 20:42
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Que du blabla en attendant beaucoup de salariés ne sont pour certains pas payés et pour d autres amputés d une partie de leurs salaires. Beaucoup d arrêts les salariés sont mal traités épuisés et ce sont les résidents qui du coup trinquent.

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