Dans la jungle des marchés financiers, "il faut des lions et des antilopes"

Si le régulateur et les politiques appellent à la fin des discussions sur Solvabilité 2 et au passage à l'action, les assureurs, eux, font savoir que certaines questions méritent encore d'être débattues. Passage en revue des déclarations "choc" des barons de l'assurance européenne, lancées mardi lors du séminaire consacré à Solvabilité 2.
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Henri de Castries, PDG d'Axa

-Nous sommes dans un scepticisme constructif. Nous sommes depuis le début favorables à Solvabilité 2, mais le diable est dans les détails et nous ne pouvons pas nous contenter d'indications bienveillantes.

-Il est difficile de construire une maison lorsque les plans ne sont pas arrêtés. En situation de pression, on pourrait s'apercevoir de défauts de construction majeurs.

-Pardon de mettre les pieds dans le plat avec brutalité, mais mon niveau de crainte n'est pas tout à fait de zéro !

-Si le régulateur ne veut aucun risque, nous n'aurons aucun produit. Et l'Europe risque de mourir guérie de défauts supposés.

-Nous sommes comme Saint Thomas, nous croirons quand nous aurons vu.

-Nous ne sommes pas allés au bout de la logique sur certains sujets et l'on nous demande de remplir maintenant des objectifs contradictoires, mais nous ne sommes pas des magiciens !

- On confond la stabilité et l'uniformité. Pour qu'un marché financier soit équilibré, il faut qu'il y ait des horizons de gestion différents, des business model différents et des appétits pour le risque différents. De la même manière, il y a un équilibre naturel à l'extérieur parce qu'il y a une diversité dans les plantes et les animaux, et que les uns bouffent les autres et réciproquement ! Je vais prendre un exemple simple : si vous ne laissez que des lions dans la jungle, la jungle est déséquilibrée. Si vous ne laissez que des antilopes, la jungle est déséquilibrée. Donc il faut des lions et des antilopes ! Nous, on a une réglementation financière qui aboutit à ramener tout le monde sur les mêmes modèles.

-Nous sommes dans la situation du scientifique qui se demande si l'expérience à laquelle il se livre influe sur l'environnement dans lequel il l'a faite...

Bernard Spitz, président de la Fédération française des sociétés d'assurance

-Les assureurs sont prêts à appliquer Solvabilité 2 dans les délais impartis. Yes, we can !

-Dans la période récente, les autorités européennes ont avancé, mais de notre point de vue, pas dans la bonne direction. Elles ont encore renforcé de 30 à 40% les exigences liées au risque de rachat massif ; elles ont durci les critères d'éligibilité des dettes hybrides ; et elles n'ont fait que de timides progrès sur le sujet crucial de la pro-cyclicité.

- Si les assureurs sont prêts, l'économie européenne, elle, serait-elle prête à vivre les conséquences de Solvabilité 2 sur son financement ? En d'autres termes : pourrait-elle se permettre d'adopter des règles prudentielles dont l'effet automatique serait d'augmenter la volatilité d'un marché déjà instable ? Serait-elle prête à voir augmenter le coût du financement de ses projets d'infrastructures ? Serait-elle prête à trouver ailleurs que chez les assureurs, les financements obligataires dont ces entreprises ont besoin ?

Michel Barnier, commissaire européen au marché intérieur

- Voilà 10 ans que nous travaillons ensemble - la Commission, l'industrie, les Etats membres, le Parlement européen - sur cette réforme. Pour votre profession, sa mise en œuvre nécessitera des efforts à court terme, mais c'est surtout une chance à moyen et long terme. [...] Pour que Solvabilité II produise rapidement les bénéfices attendus, nous devons en limiter les coûts à court terme.

- L'objectif ici n'est pas de forcer les assureurs à investir dans telle ou telle classe d'actifs risqués, potentiellement au détriment de la protection des assurés. A l'inverse, si les assureurs adoptaient des politiques d'investissements trop prudentes, cela risquerait in fine de porter préjudice aux intérêts des assurés qui verraient les garanties offertes réduites.

Burkhard Balz, député européen et rapporteur de la directive Omnibus 2

-Nous avons décidé d'une application réelle en 2014 pour donner aux assureurs et à leurs autorités de tutelle assez de temps pour se préparer. Il va falloir veiller à ce que la transition vers cette nouvelle ère de réglementation soit un atterrissage en douceur

Gabriel Bernardino, président de l'EIOPA (autorité européenne des assurances)

-Au sujet de l'instauration d'une « prime contra-cyclique » pour atténuer la volatilité dans les bilans des assureurs : « Nous nous berçons d'illusions si nous pensons obtenir une formule qui nous permette de prévoir l'avenir. Il n'y a pas de système parfait et nous n'essaierons pas d'avoir une formule magique ».

Karel Van Hulle, chef de l'unité assurances à la Commission européenne

-Il est maintenant important de passer à l'action. Le mieux est souvent l'ennemi du bien. On ne devrait pas essayer de trouver de nouvelles solutions fantastiques au dernier moment.

Danièle Nouy, secrétaire générale de l'ACP (autorité de contrôle prudentiel)

-On a toujours envie de faire plus, mieux, de discuter encore, mais il arrive un moment où il faut y aller !

Yoshihiro Kawai, secrétaire général de l'association internationale des superviseurs d'assurance (IAIS)

-Il faut une terminologie commune en matière de contrôle, car les différences créent des vulnérabilités et de l'incertitude. Nous devons avoir plus de convergences au niveau mondial. Beaucoup de compagnies exercent hors de France et hors d'Europe. L'Europe doit coopérer avec nous pour qu'on évite les décalages.

Alex Wynaendts, PDG d'Aegon

-Pour les sociétés européennes qui ont des ambitions mondiales, il va falloir trouver rapidement des solutions d'équivalence.

Jérôme Grivet, DG de Crédit Agricole Assurances

-Les marchés de l'assurance sont mondiaux, et malheureusement, les réformes prudentielles se font par grandes zones, sont régionalisées.

-L'évolution non convergente de Solvabilité 2 et de la réglementation comptable est une source de complexité et de dysfonctionnements supplémentaires.

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