
2022 aura donc été une année faste pour les actionnaires du CAC 40 : le retour aux actionnaires s'est élevé à plus de 80 milliards d'euros l'an dernier, selon les données compilées par la lettre Vernimmen, contre 69,4 milliards en 2021, soit une progression de 15 %. Cette distribution reflète les excellents résultats des entreprises du CAC 40 en 2021, soit près de 160 milliards d'euros de résultat net, un millésime hors norme, porté par la reprise de l'activité mondiale post-Covid.
Le champion 2022 est TotalEnergies, qui multiplie par deux son retour aux actionnaires à 13,3 milliards d'euros, contre 7,1 milliards un an plus tôt. Si le montant du dividende est stable d'une année sur l'autre, c'est son programme de rachat d'actions de 6,4 milliards qui fait la différence. Le groupe de luxe LMVH fait également le plein à la fois des profits (12 milliards d'euros) et du versement à ses actionnaires, pour un montant total de 7,1 milliards, dont plus de 2 milliards en rachat d'actions. Sur la troisième marche du podium se trouve Sanofi, déjà à cette place en 2021, avec 4,6 milliards d'euros de retour aux actionnaires, dont près de 500 millions en rachat d'actions.
Un top 3 qui concentre 30 % des montants redistribués
Au total, les trois premiers groupes redistribuant leurs résultats représentent 31% du total pour l'ensemble du CAC 40, contre 34% en 2021. Le retour aux actionnaires devient donc un peu moins « inégalitaire », mais il est vrai que les chiffres 2021 avait été quelque peu gonflés par le gigantesque programme de rachat d'actions mené par L'Oréal en 2021 (10 milliards d'euros) dans le cadre du rachat d'une fraction de son capital (4%) auprès de Nestlé. Avec BNP Paribas, Stellantis, Axa et Crédit Agricole, la barre des 50 % du capital redistribué est atteint.
La lettre Vernimmen, spécialisée dans la finance d'entreprise et qui suit l'évolution des dividendes depuis près de 20 ans, note également le grand retour des groupes financiers, comme BNP Paribas, Axa ou Crédit Agricole, dans le peloton de tête, après, il est vrai, avoir été bridé par le régulateur lors de la crise du Covid-19. L'autre fait saillant est la forte progression des rachats d'action, soit un total de 23,7 milliards d'euros, qui représente 1,1% de la capitalisation boursière moyenne du CAC 40.
Un taux de distribution relativement bas
Pourtant, plusieurs études empiriques montrent que le rachat d'actions ne fait pas mécaniquement monter le prix des actions, comme l'avancent pourtant de nombreux observateurs des marchés. Selon les données de Vernimmen recueillies sur dix ans, sur les 14 sociétés du CAC 40 qui procèdent le plus à des rachats d'actions, la moitié superforme l'indice tandis que l'autre moitié le sous-performe. A ce jeu, c'est bien L'Oréal qui monte sur le podium sur les rachats d'actions entre 2012 et 2021... et superforme l'indice sur la période. « Cette performance s'explique davantage par une hausse de 60 des profits que par les rachats d'actions », souligne la lettre financière.
Au total, le taux de distribution des entreprises est de 55 %, en prenant en compte les rachats d'actions (39% pour les seuls dividendes), contre... 109% en 2021, année atypique car les entreprises ont souhaité maintenir peu ou prou leurs versements aux actionnaires malgré la baisse des résultats 2020, année de confinement. « Ces taux sont parmi les bas que nous avons observés et s'expliquent par la viscosité du dividende qui, en phase haute de la conjoncture, croit moins vite que les résultats », explique la lettre. Et les résultats 2021 des entreprises du CAC 40 ont été excellents, ce qui permet à la Bourse de Paris de revendiquer la première place en Europe, y compris la place de Londres, en termes de capitalisation.
Pas de création de richesse
Les montants devraient être moindres au titre de l'exercice 2022, même si les entreprises du CAC 40 ont fait globalement preuve d'une grande résilience malgré la guerre, la crise de l'énergie, l'inflation et la forte remontée des taux d'intérêt. D'ailleurs, la performance de l'indice CAC 40, dividendes réinvestis, n'est en recul que de 7 % en décembre 2022 par rapport à son record historique de décembre 2021.
Reste que les montants affichés au titre des dividendes ou des rachats d'actions ne cessent d'alimenter la polémique, surtout en cette période de débat sur le partage de la valeur. Les auteurs de la lettre, Pascal Quiry et Yann Le Fur, tous deux professeurs de finance, rappellent chaque année que les « dividendes et rachat d'actions n'ont jamais enrichi les actionnaires puisque la valeur de leurs actions baisse mécaniquement du même montant dès le versement du dividende et que la valeur des capitaux propres baisse également du même montant que le rachat d'actions ».
Et, pour faire bonne figure, les deux auteurs notent également que l'emploi dans les entreprises du CAC 40 a également franchi la barre des 5 millions de salariés en 2021, en hausse de 5,5% !
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