La flat-tax sur les plus-values en crypto-monnaie dans le projet de loi de finances 2019

Le député Éric Woerth (LR) a déposé un amendement au projet de loi de finances 2019 appliquant le prélèvement forfaitaire unique (PFU) aux ventes de bitcoins et autres crypto-actifs. Les acteurs du secteur se plaignent depuis des mois d'une fiscalité peu claire et punitive.
Delphine Cuny
« Aujourd'hui, pas moins de trois régimes sont possibles pour les profits tirés de la cession d'unités de bitcoin par des particuliers » relève Éric Woerth dans la présentation de son amendement sur la fiscalité des crypto-actifs.
« Aujourd'hui, pas moins de trois régimes sont possibles pour les profits tirés de la cession d'unités de bitcoin par des particuliers » relève Éric Woerth dans la présentation de son amendement sur la fiscalité des crypto-actifs. (Crédits : JM)

[Article mis à jour le 10/10 à 8h]

Des mois que les acteurs de la communauté Bitcoin et Blockchain réclament une clarification de la fiscalité des plus-values engrangées sur les crypto-monnaies, qualifiée de « punitive ». Éric Woerth est peut-être en passe d'exaucer leur vœu : le député (LR) de l'Oise, président de la commission des finances et d'une mission d'information sur les monnaies virtuelles, a déposé ce lundi 8 octobre un amendement au projet de loi de finances 2019 qui vise à « définir le régime fiscal applicable aux crypto-actifs, qui n'est actuellement pas prévu par la loi » explique l'exposé des motifs. Il leur serait appliqué la fameuse flat-tax du programme d'Emmanuel Macron, en vigueur sur les revenus du capital depuis le 1er janvier 2018.

Le texte propose d'ajouter au code général des impôts que le prélèvement forfaitaire unique (PFU) soit appliqué « au gain net retiré de la cession d'un actif numérique visé à l'article L. 549‑25 du code monétaire et financier, directement ou par le biais d'un prestataire de services sur actifs numériques. »

L'ex-ministre relève qu'aujourd'hui « pas moins de trois régimes sont possibles pour les profits tirés de la cession d'unités de "bitcoin" par des particuliers » : soit le barème progressif de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC) s'il s'agit d'une activité « occasionnelle », soit selon le régime d'imposition des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) si l'activité est régulière, ou bien encore le régime des plus-values de cession de biens meubles (comme un véhicule, du mobilier, une créance, etc).

Jusqu'à 70% d'impôt sur la plus-value

Une décision du Conseil d'État en avril dernier avait annulé partiellement une instruction de la direction des finances publiques de 2014. Une clarification semblait donc urgente, alors que la France se targue d'être pionnière dans la réglementation sur les ICO (Initial Coin Offerings), les levées de fonds en crypto-actifs, avec la création d'un visa optionnel de l'Autorité des marchés financiers (AMF) instauré dans la loi Pacte.

Lire aussi : Loi Pacte : le cadre juridique des levées de fonds en ICO adopté

Un régime proche de la flat-tax « ce serait simple, clair et acceptable » estimait en mai dernier dans nos colonnes Eric Larchevêque, le cofondateur de la Maison du Bitcoin (rebaptisée depuis Coinhouse) et de la startup Ledger (coffre pour crypto-monnaies). Il avait jugé « la fiscalité sur les crypto-actifs est confiscatoire : on peut se retrouver à payer 70% d'impôt sur la plus-value » avait-il relevé. D'autres membres de la communauté crypto voudraient aller encore plus loin : en juin dernier, William O'Rorke, le fondateur du cabinet d'avocats Blockchain Legal, avait plaidé pour un « taux incitatif de 20% » pour devenir un « pays attractif » à côté de certains comme la Belgique ou le Portugal où les gains sont exemptés. D'autres encore parlent même d'un taux aligné sur la fiscalité de l'or, soit 11,5%.

Interrogé, Alexandre Stachtchenchko, le cofondateur de Blockchain Partner et président de l'association professionnelle La ChainTech, se montre plutôt satisfait.

« Le PFU appliqué aux ventes de crypto-actifs est le minimum aujourd'hui pour être simplement traité comme n'importe quel citoyen qui vendrait un actif financier » nous confie-t-il. « C'est une demande claire et récurrente de l'écosystème dans son ensemble et qui permettrait de débloquer un certain nombre de choses, avec en premier lieu la sortie d'un capital qui permettrait d'irriguer les projets blockchain français, une rentrée d'argent dans les caisses de l'Etat, ou encore un afflux d'investisseurs et entrepreneurs étrangers qui verraient dans la position française une position stable et relativement accueillante dans un pays référence. »

En effet, « la France doit être le leader européen de la Blockchain », s'est fixé comme ambition Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie et des Finances. L'écosystème "crypto" ne désespère pas d'obtenir d'autres aménagements de l'administration fiscale, notamment pour les détenteurs de crypto-monnaies de longue date.

« En France, avec une fiscalité sur les plus-values des crypto-monnaies entre 35% et 67%, on se tire une balle dans le pied, on ne favorise pas les acteurs locaux. En Allemagne, les plus-values ne sont pas taxées si les crypto-actifs sont détenus depuis plus d'un an » observe Pierre Noizat, le fondateur de la plateforme d'échanges Paymium, qui mène une ICO pour son nouveau projet de plateforme, Blockchain.io.

Le député (LREM) Pierre Person, rapporteur de la mission sur les monnaies virtuelles, avait déclaré à plusieurs occasions lors de rencontres avec des acteurs du secteur, et plus récemment au magazine Capital, que l'on s'orientait vers un régime de flat-tax.

« Il convient que le législateur se saisisse de cette situation, afin de clarifier et simplifier le régime fiscal applicable à l'ensemble des crypto-actifs, tels que définis lors de la discussion du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE). Le régime du prélèvement forfaitaire unique (PFU) semble pleinement adapté à la nature et aux caractéristiques des crypto-actifs » fait valoir Éric Woerth dans l'exposé des motifs de son amendement.

Bercy y serait plutôt favorable. Cette proposition est conforme à la philosophie du forfait généralisé et sans doute plus facilement acceptable, socialement et politiquement, qu'une ristourne fiscale par rapport à d'autres actifs comme les actions d'une entreprise ou l'assurance vie.

Delphine Cuny

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Commentaires 4
à écrit le 20/10/2018 à 4:35
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Souci constant d'en savoir plus. Merci.

à écrit le 10/10/2018 à 3:52
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La taxe de 11.5% sur l'or frappe le montant entier de la vente, pas la seule plus-value. Sur la plus-value c'est 36.5% si elle est calculable. Intégrées au PFU les crypto seront ainsi moins taxées que l'or.

à écrit le 09/10/2018 à 18:17
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Qu on nous explique pourquoi un tel régime de faveur pour un « investissement «  s assimilant à la mafia ( aucun contrôle sur l origine des fonds plutôt douteux) et pour une activité sans réalité économique speculative et enrichissant la communauté...

le 10/10/2018 à 3:19
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Il faudrait arrêter de ressasser les mêmes arguments depuis 2013.... Si vous n'avez pas encore compris pourquoi les actifs numériques représentent une avancée considérable, il faut vous documenter rapidement et avancer! Vous faisiez surement pa...

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