Levées de fonds en monnaie virtuelle : l'AMF envisage un visa pour ICO

L'Autorité des marchés financiers vient d'ouvrir une consultation publique sur l'encadrement des Initial Coin Offerings (ICO), en plein essor et actuellement non régulées. Elle envisage trois options pour ce nouveau mode de financement des jeunes entreprises : pas de cadre, une extension de celui des prospectus d'introduction en Bourse, ou des autorisations au cas par cas.
Delphine Cuny
Les ICO sont des émissions de jetons (ou "tokens"), s'appuyant sur la technologie Blockhain, en vue de lever des fonds par offre au public. Depuis le début de l'année, plus de 200 Initial Coin Offerings ont permis de lever 3,2 milliards de dollars dans le monde. En France, trois opérations ont eu lieu dont récemment celle de DomRaider, qui a suscité la polémique.

L'effervescence autour des ICO, les Initial Coin Offerings, ces levées de fonds en monnaie virtuelle par émission de jetons échangeables en cryptomonnaies - ainsi appelées en référence aux IPO (Initial Public Offerings), les introductions en Bourse classiques - ne pouvait laisser indifférente l'Autorité des marchés financiers (AMF). Le gendarme de la Bourse vient d'ouvrir une consultation publique, jusqu'au 22 décembre, pour recueillir les avis et suggestions des acteurs du marché, émetteurs, conseils et investisseurs, sur les réponses notamment juridiques à apporter aux questions que soulève ce nouveau mode de financement, s'appuyant sur les technologies de registre distribué (Blockchain), en plein essor et actuellement sans aucun cadre réglementaire.

« Ce qu'on appelle l'écosystème Blockchain interpelle l'ensemble des autorités monétaires et financières », avait déclaré le nouveau président de l'AMF, Robert Ophèle, dans un discours début octobre. « Dans la mesure où il y a bien sollicitation de l'épargne publique, il importe toutefois de fixer la nature de ces opérations et l'éventuel cadre réglementaire adapté. »

Depuis le début de l'année, plus de 200 ICO ont eu lieu dans le monde et ont permis de lever quelque 3,2 milliards de dollars, selon CoinSchedule. En France, on recense trois opérations rendues publiques pour un montant estimé à 50 millions de dollars, dont celle de DomRaider, critiquée pour son manque de transparence au sein même de la communauté de passionnés de monnaies virtuelles et de technologie Blockchain. Cette startup spécialisée dans le « drop catching », la récupération de noms de domaine internet ayant expirés, avait indiqué vouloir lever 35 millions d'euros pour créer un réseau décentralisé d'enchères : elle a finalement communiqué sur la vente de 560 millions de jetons, sans préciser à quel prix et l'équivalent en euros.

Levées de fonds ICO oct 2017

[Les levées de fonds en ICO depuis le début de l'année : plus de 800 millions de dollars rien qu'en septembre. Crédits : CoinSchedule]

Bonnes pratiques, prospectus ou visa ?

Comme l'avait évoqué dans nos colonnes en septembre le directeur de la division FinTech, Innovation et Compétitivité de l'AMF, Franck Guiader, l'autorité ne penche pas pour un encadrement total et strict, même si elle émet de sérieux avertissements sur les « risques très spécifiques et pour partie imprévisibles » des ICO (perte en capital, volatilité, escroquerie, blanchiment, pas de garantie sur l'issue des projets financés).

L'AMF propose trois voies : le statu quo, c'est-à-dire pas de réglementation mais la définition de règles de bonnes pratiques, non contraignantes, notamment en termes d'informations des investisseurs; l'extension de la réglementation européenne s'appliquant au prospectus d'introduction en Bourse, qui ne serait pas forcément « compatible avec les exigences de souplesse et de rapidité des ICO »; ou enfin, l'adoption d'une législation nouvelle adaptée à ce mode de financement.

Il s'agirait dans ce cas de créer un régime d'autorisation préalable : l'initiateur d'une ICO formulerait une demande de commercialisation de ses "tokens" (jetons, qui donnent des droits très divers) et l'AMF délivrerait un visa attestant que le projet d'opération remplit certains critères (clarté de l'information, existence d'une société commerciale portant le projet, utilisation de la Blockchain de façon sécurisée, mécanisme de séquestre des fonds, attestation d'expert ou notation du projet, etc). Les ICO dépourvues de visa AMF seraient interdites en France. Ou bien, dans une version optionnelle, elles seraient autorisées avec une mise en garde obligatoire sur l'absence de visa. C'est ce schéma qui semble avoir la préférence de l'autorité et de l'écosystème. L'AMF commente ainsi dans sa consultation :

« L'AMF a noté que plusieurs initiateurs d'ICO venus présenter leur projet à l'AMF ont fait valoir qu'une réglementation des ICO de ce type serait susceptible d'attirer en France les projets les plus sérieux qui viendraient chercher la garantie du régulateur pour se démarquer des offres peu sérieuses voire frauduleuses, tandis que les offres n'ayant pas reçu de visa seraient de facto pénalisées sur le plan commercial. Ce dispositif associant un possible visa ou une mise en garde pourrait ainsi permettre d'assainir le marché des ICO et d'attirer les projets de bonne qualité en France. »

Delphine Cuny

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Commentaire 1
à écrit le 27/10/2017 à 12:37
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Plus c'est gros plus ça passe. Le but de la blockchain, c'est de se séparer de la réglementation des états. Et on va nous faire croire que ceux qui ont migré pour aller sur un système décentralisé vont être contents que les états tentent à nouveau de...

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