Risques climatiques : les banques ne sont pas à la hauteur de l'enjeu, selon la BCE

La Banque centrale européenne a appelé lundi les grandes banques de la zone euro à adapter « d’urgence » leur modèle d'activités face aux risques environnementaux, après avoir constaté d’importants retards en la matière. L’institution leur avait déjà demandé de procéder à une auto-évaluation de leurs pratiques face aux défis du changement climatique, avant un test de résistance prévu l'année prochaine.
Marine Godelier
Aucune banque supervisée par la BCE n'est proche de répondre à toutes ses attentes en matière de risques climatiques et environnementaux, avertit l’institution.
Aucune banque supervisée par la BCE n'est proche de répondre à toutes ses attentes en matière de risques climatiques et environnementaux, avertit l’institution. (Crédits : KAI PFAFFENBACH)

Loin des grandes promesses de la COP26, qui s'est achevée samedi dernier à Glasgow, la réalité rattrape les banques européennes. Pour cause, si plusieurs d'entre elles se sont engagées à sortir des hydrocarbures non conventionnels ou à stopper les financements du charbon, leur portefeuille reste très carboné. Trop carboné, selon la Banque centrale européenne (BCE), qui appelle ce lundi la plupart des prêteurs qu'elle supervise à modifier leurs stratégies commerciales « pour tenir compte du changement climatique » et des risques qu'il implique.

Car malgré la mise en place de « mesures initiales », aucune d'entre elles « n'est proche de répondre à toutes les attentes de la BCE » en la matière (exposées dans un guide publié en novembre 2020), fait valoir l'institution de Francfort. En effet, alors qu'environ 112 institutions bancaires, représentant des actifs combinés de 24.000 milliards d'euros,  « envisagent de fixer des objectifs d'exclusion pour certains segments du marché », seule « une poignée d'entre elles mentionnent qu'elles envisagent activement d'orienter leurs portefeuilles sur une trajectoire compatible avec les objectifs de l'accord de Paris de 2015 », écrit le membre néerlandais du directoire de la BCE, Frank Elderson dans un article publié sur le blog de la BCE.

« Si une chose ressort clairement des attentes prudentielles que nous avons émises, c'est que nous attendons des banques qu'elles gèrent en fin de compte les risques climatiques et environnementaux (C&E) de la même manière que tout autre risque important auquel elles sont confrontées », ajoute-t-il.

Plans inadéquats

Preuve que le sujet gagne en importance, c'est la toute première fois que la BCE évalue à grande échelle la manière dont les banques européennes adaptent leurs pratiques pour gérer les risques climatiques et environnementaux. Mais si la prise de conscience avance dans le secteur, le compte n'y est pas encore : la moitié des 112 banques évaluées ne s'attendent toujours pas à ce que ces risques aient un « impact significatif » sur leur profil de risque dans les trois à cinq ans. Et autant « n'ont pas prévu d'actions concrètes » pour les intégrer dans leurs stratégies commerciales, quand moins d'un cinquième ont développé des indicateurs de risque clés à surveiller.

« En général, les banques se sont efforcées de répondre aux attentes de la BCE concernant les organes de direction, l'appétit pour le risque et la gestion du risque opérationnel. Cependant, elles sont à la traîne dans des domaines tels que le reporting interne, la gestion des risques de marché et de liquidité, et les tests de résistance », précise la BCE dans un communiqué.

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Par ailleurs, si presque toutes ont élaboré des plans pour améliorer leurs pratiques, la qualité de celles-ci « varie considérablement, et les progrès sont trop lents », relève l'institution. « Seul un tiers des banques ont mis en place des plans qui sont au moins largement adéquats, et la moitié n'auront pas achevé la mise en œuvre de leurs plans d'ici à la fin de 2022 », peut-on lire.

La BCE a cependant identifié quelques bonnes pratiques : deux tiers des banques enregistrent des « progrès significatifs » quant à l'intégration des risques liés au climat dans leur gestion du risque de crédit. Et ce, grâce à des mesures telles que des procédures de due diligence renforcées, ou de nouveaux critères de suppression progressive pour limiter les activités de financement fortement exposées aux risques liés au climat. De même, elles « commencent à évaluer les certifications des labels énergétiques lors de l'évaluation des garanties immobilières », bien que la plupart n'incluent pas encore les résultats dans leurs pratiques de prêt et de suivi, affirme la BCE.

Renforcement des exigences

L'appel intervient quelques mois seulement avant la tenue du plus grand test de résistance climatique à ce jour. En effet, le superviseur examinera dès l'année prochaine l'intensité carbone des portefeuilles de prêts et des opérations de négociation, ainsi que la capacité du secteur à faire face aux retombées physiques du changement climatique sur la valeur des actifs.

Et les conséquences pourraient être de taille : les banques qui obtiendront de mauvais résultats pourraient être confrontées à des exigences de fonds propres plus élevées, ce qui éroderait leur capacité à restituer leurs bénéfices aux actionnaires. Tout cela au milieu d'avertissements de plus en plus graves sur le retard du monde dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre, alors que près de 80% des énergies consommées restent d'origine fossile. De quoi accroître un peu plus la pression sur les gouvernements et les entreprises, pour qu'ils mettent en œuvre des plans climatiques plus ambitieux.

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Marine Godelier

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Commentaires 10
à écrit le 23/11/2021 à 16:53
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ça pose aucun problème de prendre les 80 milliards par mois, mais pour ce qui concerne le climat, ce sont les derniers qui bougerons ! l'actionnariat et la logique de prêt des banques privées, le quantitativising, et autres ne changerons pas la visio...

à écrit le 23/11/2021 à 9:15
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Les banques ne sont là que pour nous prendre notre fric il est bien évident que si elles pensaient de temps en temps à autre chose cela soulagerait un peu tous les exploités du monde. Et si les zombies financiers pouvaient se trouver un hobby, une oc...

le 23/11/2021 à 12:52
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le responsabilite 1ere et a imputer au etats qui delegue leur pouvoir au banque et quand les peuple revendique leur liberte pour cela ils invoquent ils pensent nation sans oublier le sacro seins fric

le 23/11/2021 à 13:16
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“Lorsqu’un gouvernement est dépendant des banquiers pour l’argent, ce sont ces derniers, et non les dirigeants du gouvernement qui contrôlent la situation, puisque la main qui donne est au-dessus de la main qui reçoit. [...] L’argent n’a pas de patri...

à écrit le 23/11/2021 à 9:12
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que madame LAGARDE fasse avant tout son boulot de banquier !!!!!!!!!avec ses taux négatifs avec une inflation a 2,6 elle est en cireuse de pompe envers celui qui l'a faite nommer a son poste !!!!!!! peut etre veut elle etre premier ministre ?

à écrit le 23/11/2021 à 4:16
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La vraie question est : Cette chouette est elle a sa place ? La reponse est, non.

à écrit le 22/11/2021 à 23:11
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Du même avis.. Tout ce que les politiques ne savent pas faire deviendrait de la responsabilité des banques? Laissez nos banques travailler avec leurs clients, dont les entreprises, en lieu et place de toujours venir leur chercher des noises; nous avo...

à écrit le 22/11/2021 à 21:26
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Avant de leur demander d'agir, il faudrait peut être arrêter de les saigner ces banques en trafiquant les taux d'intérêt à la baisse

à écrit le 22/11/2021 à 20:50
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Pareil que Lapin, on ne voit pas le rapport entre les banques et l'écologie, chacun son métier. Et sinon, si l'Europe s'occupait de bannir les cryptomonnaies ? C'est peut-être ce qu'il y a de plus urgent du point de vue écologique

à écrit le 22/11/2021 à 18:22
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C'est dans quel accord quel traité que la bce est aussi en charge du climat et des petites fleurs?

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