Scandale Wirecard : les superviseurs pointés du doigt dans cette affaire de fraude

Le scandale financier qui éclabousse la société allemande de paiements en ligne Wirecard met en lumière les graves lacunes des autorités de supervision, ayant permis au groupe de gonfler son bilan avec des comptes présumés fictifs.
(Crédits : MICHAEL DALDER)

>> Article mis en ligne le 23/06/2020 à 15:18 | Mise à jour le 24/06/2020 à 12:28

L'affaire, qui ternit la réputation de sérieux de l'économie allemande, est "un désastre complet" et une "honte" pour le pays, a reconnu le patron du superviseur financier allemand Bafin, Felix Hufeld.

"De nombreuses institutions privées et publiques, dont la mienne, n'étaient pas suffisamment efficaces pour empêcher que cela se produise", a-t-il reconnu, refusant toutefois de porter seul le chapeau.

Dans la presse allemande, les commentaires sur la faillite des organismes de contrôle ne sont guère plus amènes.

"Il est clair que l'ensemble du système financier allemand s'est couvert de honte", s'étrangle mardi le quotidien Süddeutsche Zeitung.

"Entre le superviseur du secteur (Bafin), les agences de notation, les auditeurs, les banques et les sociétés d'investissement, qui ont brûlé des milliards de fonds confiés par des épargnants privés (...) les contrôleurs ont failli à leur tâche", ajoute-t-il.

Les critiques sont d'autant plus vives que la presse n'a cessé dès 2015 d'émettre des doutes sur le modèle économique du prestataire de paiement en ligne bavarois.

Une enquête du Financial Times début de 2019 a mis le doigt sur les soupçons de fraude chez Wirecard en Asie. Mais là encore sans conséquences du côté des superviseurs.

Jusqu'ici, le Bafin s'était borné à enquêter sur les affirmations de Wirecard affirmant être la proie de spéculateurs, agissant main dans la main avec des journalistes, et sur des accusations de manipulation de cours.

"Investisseurs institutionnels, petits porteurs, superviseurs, qui a vraiment compris ce que Wirecard faisait?", s'interroge le quotidien FAZ.

Cette situation fait se demander si l'autorité de surveillance dispose réellement "des compétences nécessaires", dénonce mardi un petit épargnant cité par le journal.

Les soupçons de l'an dernier semblent se confirmer aujourd'hui et l'Allemagne découvre abasourdie l'ampleur d'une fraude rappelant le scandale du groupe énergétique Enron aux Etats-Unis au début des années 2000: il avait dû mettre la clé sous la porte après avoir maquillé ses comptes.

Le sort de Wirecard entre les mains des banques

Après les affaires du Dieselgate chez Volkswagen et les malversations chez Deutsche Bank, la chute de Wirecard, leader dans le segment en plein boom des paiements électroniques, jette une ombre sur la réputation de sérieux et de solidité de l'Allemagne.

Wirecard a admis lundi qu'une somme de 1,9 milliard d'euros, inscrite à son bilan et censée se trouver sur des comptes appartenant à des banques aux Philippines, n'existait "très probablement" pas.

Non seulement les comptes de l'année 2019 n'ont toujours pas été certifiés mais aussi ceux du passé vont aussi en souffrir, a prévenu l'entreprise.

Pour les actionnaires de Wirecard les pertes sont déjà immenses. Le titre a perdu près de 90% de sa valeur entre jeudi et lundi. Divers cabinets d'avocats, dont certains déjà présents aux côtés d'actionnaires floués de Volkswagen au moment du Dieselgate, se mettent déjà en ordre de bataille judiciaire.

Dans leur viseur, la société Wirecard et ses dirigeants, mais aussi les commissaires aux comptes d'EY, qui ont approuvé sans sourciller les états financiers jusqu'à l'année 2018 comprise. Pareille polémique avait déjà dans le passé frappé le réseau mondial Arthur Andersen après la faillite retentissante du groupe d'énergie américain Enron.

L'agence de notation Moody's s'est quant à elle résolue à supprimer la note de crédit de Wirecard, faute d'informations fiables pour évaluer sa solvabilité.

Quant aux banques qui ont accompagné l'ascension fulgurante de Wirecard durant la décennie 2010, la plupart font profil bas. Elles vont devoir décider de couper ou pas le robinet du crédit, ce qui priverait l'entreprise de 2 milliards de financement et précipiterait sa faillite.

L'ex-PDG, arrêté, va être libéré sous caution

Markus Braun, l'ancien président de la société financière Wirecard va être libéré contre une caution de 5 millions d'euros après avoir été arrêté, a annoncé mardi la justice allemande.

Markus Braun, qui avait démissionné de son poste vendredi, s'était livré de lui-même aux autorités après le lancement d'un mandat d'arrêt à son encontre pour avoir "gonflé" artificiellement le bilan de l'entreprise allemande de services de paiement en ligne, en vue de le rendre "plus attractif pour les investisseurs et les clients", selon le parquet de Munich.

Présenté dans la journée à un juge, "l'accusé sera libéré dès que la caution aura été entièrement versée", a expliqué cette même source dans un communiqué distinct.

Les enquêteurs soupçonnent M. Braun d'avoir agi avec d'"autres auteurs" au siège de l'entreprise bavaroise. Le parquet de Munich enquêtait déjà sur l'ensemble du directoire de la fintech depuis début juin, en partant d'informations erronées données au printemps aux investisseurs pour les rassurer sur les risques de fraude. Les dernières découvertes sur les comptes présumés fictifs en Asie n'ont fait qu'amplifier les soupçons.

Wirecard "est tenue de clarifier" les choses et "de remédier à tous les griefs", a déclaré le ministre de l'Economie, Peter Altmaier, dans une interview mardi au média t-online, dans une Allemagne qui découvre abasourdie l'ampleur de la fraude.

En Bourse, ce scandale a conduit depuis jeudi dernier à un sauve-qui-peut des investisseurs, le cours de l'action perdant près de 90% de sa valeur jusqu'à lundi. L'action remontait mardi en matinée de près de 16%, à 16,7 euros.

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Commentaires 4
à écrit le 24/06/2020 à 9:11
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LOL ! Trois articles en deux jours sur ce sujet, qui m’intéresse particulièrement vu que mêlant deux thèmes obscurantistes dont je parle régulièrement majeurs que sont la finance et L’Allemagne, et pas un seul de mes commentaires validés, là c'es...

à écrit le 24/06/2020 à 4:58
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L'histoire bafouille, elle se repete sans cesse. Le petit porteur y laisse sa sueur, tant pis pour lui.

à écrit le 23/06/2020 à 18:19
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Est-ce le premier d'une longue liste? Affaire à suivre...

le 24/06/2020 à 8:31
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C’est le dernier d’une liste qui s’allonge

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