Financement participatif : les collectivités s’y risquent à petits pas

Autorisées depuis 2015 à recourir au financement participatif, les collectivités locales exploitent peu cette possibilité qui pourrait pourtant contribuer utilement au « réarmement civique » qu'Emmanuel Macron a appelé de ses voeux.
Visuel de la campagne de financement participatif lancé, la semaine dernière par la Région Normandie
Visuel de la campagne de financement participatif lancé, la semaine dernière par la Région Normandie (Crédits : Région Normandie)

« Grâce à la force du collectif, nous pouvons initier des changements ». Ce matin-là, Mona Aoun, présidente de KissKissBankBank, est d'humeur entraînante. A la tête de la plateforme de financement participatif de la Banque Postale, elle vient de lancer avec le patron de la Région Normandie une campagne de crowdfunding  sur le thème de la transition. Devant la presse, elle explique qu'il s'agit d'amener les citoyens à donner une partie de leurs bas de laine pour faire éclore ici des voies vertes, là des jardins partagés, ailleurs des énergies renouvelables... « Les particuliers vont pouvoir financer des projets écologiquement vertueux portés par des associations ou des petites collectivités qui ne sont pas éligibles aux subventions publiques », vante-t-elle.

A ses côtés, Hervé Morin n'est pas moins enthousiaste. Il promet d'engager un euro d'argent public pour chaque euro versé par les donateurs. « Cela va permettre aux Normands de s'impliquer dans des projets porteurs de sens. Je suis convaincu que cette initiative va trouver un formidable écho ! ». « Un formidable écho », c'est aussi ce qu'espéraient susciter les élus de Brest Métropole en lançant un emprunt citoyen pour financer une partie de la dette contractée pour l'extension du tramway. Pari gagné. Clôturée depuis quelques jours, l'opération s'est révélée un franc succès avec près d'un million d'euros collecté auprès des finistériens. Au point que la métropole envisage déjà de rééditer l'expérience pour d'autres projets.

Un levier méconnu des élus

Malgré l'élan que manifestent Normands et Bretons, force est de constater que des initiatives comme les leurs restent peu courantes. Bien que les collectivités (ou leurs satellites) soient autorisées à recourir au financement participatif depuis 2015, elles ne s'y risquent que timidement. Qu'on en juge. KissKissBankBank, qui se présente comme le « premier opérateur de crowdfunding pour les acteurs publics », n'a collecté que 3 millions d'euros de dons pour leur compte en l'espace de... onze ans. Autant dire une goutte d'eau dans l'océan du mécénat. « En dépit d'un taux de succès tout proche de 100%, on en est encore à faire connaître ce mode de financement aux élus », se désole Mona Aoun.

Même constat au sein de la plateforme Villyz. Cette jeune société parisienne, fondée par d'anciens fonctionnaires de la Banque de France, s'est spécialisée dans l'emprunt citoyen. En clair, elle aide des communes s'endetter auprès de leurs administrés pour financer « des projets d'intérêt général ». Mais avec seulement cinq opérations bouclées en deux ans (dont celle de Brest Métropole), elle aussi se trouve confrontée à la frilosité ou à la méconnaissance des élus et/ou de leurs services. « Il existe un formidable champ de mobilisation de l'épargne citoyenne mais le défi va être d'amener les collectivités à s'approprier cet  outil nouveau pour elles », reconnaît son président Arthur Moraglia.

« Donner la possibilité d'agir sur le réél »

Ceux qui se sont essayé au crowdfunding ne le regrettent pourtant pas. Dans le Cher par exemple, l'agence de développement « Tourisme et Territoires », bras armé du Conseil départemental, s'étonne presque d'avoir réussi à collecter quelque 100.000 euros de dons auprès de 1.500 habitants pour soutenir des projets de gites, de randonnées ou de jeux de piste. « Cela a suscité un engouement incroyable », rapporte sa directrice adjointe, Fanny Piederriere. Le mécanisme rend plus visible l'action publique, juge pour sa part la métropole de Rouen : l'une des premières collectivités à s'être jetée à l'eau avec KissKissBankBank.  Il multiplie « les chances d'appropriation par la population des actions projetées sur le territoire », écrit-elle.

Les plateformes spécialisées ne s'y trompent d'ailleurs pas. Plus encore que la capacité du financement participatif à lever des fonds sonnants et trébuchants, c'est d'abord ses effets stimulants sur la mobilisation des citoyens qu'elles mettent en avant. « Quand ils prêtent leur épargne pour construire un cabinet médical par exemple, cela les réengage au bénéfice de leur ville ou de leur village. En ce sens, c'est un outil de plus dans la boite des outils de la démocratie participative », soutient Arthur Moraglia chez Villyz.

Même tonalité chez Mona Aoun pour qui le  crowdfunding peut aider à retisser des liens entre les élus et leurs administrés. « Parce qu'il porte un discours très concret, c'est un mode d'échange plus direct avec la population. Dans un contexte de crise climatique, c'est aussi lui donner la possibilité d'agir sur le réel », souligne t-elle. Une forme de réarmement civique en somme.

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Commentaires 2
à écrit le 25/01/2024 à 8:22
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Lier "argent" et "changement" c'est comme lier "télévision" et "intelligence". Ce n'est pas possible je peux vous prouver cela sans hésitation, une vérité tout simplement. L'argent génère par principe fondateur du conservatisme.

à écrit le 24/01/2024 à 16:34
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On paie des impôts et ensuite les collectivités font du participatif? c'est quoi l'histoire? ou est l'argent qui leur était attribué ? comme la tva, qui glisse sur la sécu histoire de faire des exonérer les entreprises amies de la macroni? C'e...

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