La migros - la loupe des horlogers - sur l'œil, Sandrine, quarante ans de métier, assemble à l'aide d'une pince et d'un petit tournevis dynamométrique un calibre, la partie interne d'une montre, « celle qui génère le mouvement ». De loin, on dirait des paillettes argentées. De près, on distingue des microvis qui brillent dans la lumière de cette belle journée d'octobre, entrant par les immenses baies vitrées de l'atelier de fabrication de la maison Pequignet. C'est ici, entre un pan de forêt jurassienne et un grand champ où paissent des vaches insensibles au temps qui s'écoule, que la marque fondée en 1973 par Émile Pequignet ressuscite la montre made in France.
Un made in France qui avait quasiment disparu depuis les années 1970, au point qu'aujourd'hui 98 % des montres vendues dans l'Hexagone sont fabriquées à l'étranger. C'est peu dire que Peguignet, seule manufacture de haute horlogerie française, fait figure de résistante. Elle produit chaque année de A à Z dans ses ateliers de Morteau près de 3 000 garde-temps, et surtout conçoit et fabrique en interne ses propres mécanismes. Tel le Calibre Royal lancé en 2011, qui a nécessité six années de recherche et signé le renouveau de la maison. « Le calibre pour une montre, c'est comme le moteur d'une voiture, explique Julien, ingénieur de formation au bureau d'études de haute horlogerie de la PME - le seul existant en France. À l'heure actuelle, nous sommes les seuls à fabriquer nos propres moteurs. La plupart des marques de montres françaises ont recours à des mouvements fabriqués en Suisse ou en Asie... »
Mais l'heure a peut-être de nouveau sonné pour l'horlogerie française. Ce savoir-faire est en effet l'une des cinq activités industrielles que les pouvoirs publics souhaitent voir relocaliser en France avec le jouet, le textile, la chaussure et le vélo. « Les planètes sont alignées pour qu'on y parvienne, explique Guillaume Adam, secrétaire général de France Horlogerie (70 entreprises de fabrication de montres françaises, de composants et d'horlogerie de gros volume). D'abord parce que la demande est là depuis le Covid : 35 % des Français sont prêts à payer 5 à 10 % plus cher pour une montre made in France. Ensuite parce que de plus en plus de marques françaises achètent un calibre fabriqué par Pequignet et en font un argument marketing fort. » C'est le cas par exemple des montres de luxe Pierre Lannier ou Apose.
Pour autant, une montre 100 % française n'est pour l'heure qu'une chimère car certains composants essentiels - comme le spiral, un ressort qui sert à battre la mesure - ne sont plus fabriqués en France depuis près de trente ans. Chez Pequignet, on jure se fournir le plus localement possible - dans l'Arc jurassien qui va de Besançon à la Suisse frontalière - pour les quelque 350 pièces que compte une montre. « L'intégralité des composants des trois mouvements est sourcée à moins de 80 kilomètres de Morteau, précise Dani Royer, le directeur des opérations, et 72 % de ces composants sont français. » La maison mortuacienne compte bien également réintégrer en son sein d'autres savoir-faire quand c'est possible, comme l'explique son président, Hugues Souparis : « Nous sommes sur le point d'y parvenir avec les cadrans... On l'ignore, mais en France on ne fabrique plus de cadrans alors que c'est la première chose qu'on voit sur une montre, non ? »
La filière française en chiffres
au savoir-faire reconnu à l'international
en Franche-Comté (dont 90 % travaillent dans des entreprises suisses) des emplois dans la filière horlogère en France sont situés en Bourgogne-Franche-Comté Le rang de la France dans le classement des pays exportateurs de montres
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