Airbus-Boeing : une bataille de titans autour des long-courriers

Alors que la bataille du moyen-courrier avait marqué le dernier Salon du Bourget, il y a deux ans (et continue encore), le match des long-courriers entre Airbus et Boeing monte en puissance cette année au Paris Air Show. Avec notamment le premier vol de l'A350 et le lancement du B787-10, une version allongée du B787, qui a reçu mardi 30 milliards de dollars de commandes, et le lancement plus tard dans l'année du nouveau B777X.
Le lancement de l'A350 XWB, en 2006, a permis à Airbus de revenir sur son concurrent, le B787-9, commercialisé depuis 2004, qui a rencontré des problèmes techniques cette année./ DR

Premier vol de l'A350-900 vendredi, lancement du B777-X cette année, déboires du B787-8 avec ses batteries lithium, lancement de la construction de sa version allongée (B787-9), et lancement commercial ce mardi d'une version plus longue encore (B787-10X de 300-330 sièges), enfin des commandes pour  l'A380 et du B747-8 (la version allongée du célèbre Jumbo), en difficulté commerciale depuis plusieurs mois :  à côté du  match des avions moyen-courriers qui bat son plein depuis deux ans grâce à des commandes exceptionnelles d'A320neo et de B737 MAX (les deux versions remotorisées des best-sellers d'Airbus et de Boeing), la bataille des deux géants sur les gros-porteurs long-courriers est au coeur de l'actualité du Salon du Bourget.

2.000 milliards de dollars sur 20 ans

Non pas qu'il n'y a pas de prise de commandes d'A320neo ou de B737 MAX (au contraire, elles sont très importantes avec celles de Lufthansa, Easyjet et Ryanair ce mercredi), mais parce que c'est aujourd'hui que les stratégies sur le long-courrier s'affinent, que certains projets prennent corps, comme l'A350-900 (il pourrait survoler le Bourget), que d'autres vont être dévoilés (B777-X) cette année ou encore que le doute s'est installé à propos de certains programmes récents, comme le B787, le B747-8, ou l'A380 même si ce dernier a reçu une bouffée d'oxygène avec la signature d'un protocole d'accord avec la société de leasing Doris pour 20 exemplaires, et que son rival a reçu une commande de Korean Air pour 5 jumbos supplémentaires.

Signe de la tension qui règne entre les deux rivaux, les stratégies longcourriers d'Airbus et de Boeing ont fait récemment l'objet d'une joute verbale entre les dirigeants des deux groupes juste avant le Salon. L'enjeu est de taille : la demande d'avions long-courriers s'élève à près de 10 000 au cours des vingt prochaines années, un marché évalué à près de 2 000 milliards de dollars.

Mardi, Boeing a frappé un grand coup en lançant son B787-10 avec 102 commandes à la clé, d'une valeur de 30 milliards de dollars au prix catalogue. Ce mercredi, Air France-KLM devrait signer sa commande de 25 A350 (+35 options).

Boeing domine le long-courrier,

Boeing a toujours eu le leadership sur le long-courrier. « Entre 2 000 et 2012, la part de marché du constructeur américain a été de 60 % environ en termes de commandes brutes, contre 40 % pour Airbus », explique Yan Derocles, analyste chez Oddo Securities. Il doit cet avantage au lancement, en 2004, du 787 - un biréacteur de moyenne capacité bourré de nouvelles technologies qui a enregistré près de 1 000 commandes -, mais aussi au succès du B777, notamment sa version densifiée à très long rayon d'action, le B777-300ER (un biréacteur de 365 sièges lancé au début des années 2 000), qui règne en maître sur le segment de marché des gros-porteurs de plus de 350 sièges.

En effet, à partir du moment où le prix du baril a commencé son irrésistible ascension en 2004, son rival à l'époque, l'A340-600, a été pénalisé - comme toute la famille A340 par ses quatre moteurs, plus gourmands en kérosène. Le lancement de l'A350 XWB, fin 2006, et la deuxième vie de l'A330 (un biréacteur lancé au début des années 1990), lequel a profité des déboires du B787, ont permis à Airbus de revenir sur Boeing. Au cours des cinq dernières années, l'avionneur européen est même passé devant en termes de prises de commandes long-courriers.

Une rude compétition entre deux biréacteurs

« À l'avenir, Boeing conservera son avantage, mais pas de telles parts de marché. Au cours des quatre à cinq prochaines années, par exemple, la part de marché sera plutôt de l'ordre de 55-45 en faveur de Boeing en termes de livraisons, estime Yan Derocles. En fait, à moyen terme, tout dépendra du succès de l'A350-1000 [350 sièges] », précise-t-il. Sa mise en service, en 2017, vise à casser le monopole du Boeing 777-300 sur les appareils de 350-400 sièges. « La consommation de carburant de l'A350-1 000 sera de 25 % inférieure à celle du B777 », rappelle le patron d'Airbus, Fabrice Brégier, qui vise 50% du marché.

Mais l'A350-1.000 devra lutter contre un autre appareil. Boeing va en effet lancer cette année le B777-X, un dérivé du B777-300 équipé de nouveaux moteurs et d'une nouvelle aile en composite. Sa mise en service est prévue à l'horizon 2020. Le match est très ouvert. « Les deux avions seront très performants », explique-t-on au sein d'une compagnie aérienne. Si l'on en croit les deux avionneurs, les performances seront très proches. Boeing assure que la consommation de carburant du B777X sera inférieure de 20% par rapport à celle du B777-300 ER. Sur le coeur du marché des long-courriers (250-400 sièges, hors très gros porteurs de type), Boeing va proposer une gamme d'avions plus large que celle d'Airbus. L'A350-900 (314 sièges) va se mesurer au B787-10, l'A350-800 (290 sièges) avec B787-9, tandis que l'A350-1000 (350 places) sera attaqué par le B7778X (365 sièges) et par le B7779X (plus gros et sans équivalent). Sur le segment 220-270 sièges, l'A330 continuera malgré son âge à contrarier le B787-8, mais aussi à satisfaire un bon nombre de compagnies sur le segment des 300 sièges (A330-300), notamment pour celles qui ont des besoins immédiats.

Le débat des quadriréacteurs

Cette bataille entre ces biréacteurs est d'autant plus importante qu'elle impactera le marché des très gros-porteurs de type A380 et B747-8 à quatre moteurs, les privant d'une partie du marché du renouvellement des flottes de B747-400. Le phénomène s'est déjà produit avec le B777-300ER.

Aussi, plusieurs observateurs s'interrogent sur l'avenir des très gros-porteurs long-courriers quadriréacteurs. Leurs mauvaises ventes aujourd'hui sont-elles structurelles ou conjoncturelles, ces avions, en particulier l'A380, étant conçus pour accompagner la croissance ? Or celle-ci n'est pas au rendez-vous depuis la mise en service de l'avion, en 2007... Pour Airbus, le retour de la croissance, la multiplication des routes à plusieurs millions de passagers et les contraintes aéroportuaires rendront l'A380 indispensable.

 

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Commentaires 5
à écrit le 19/06/2013 à 10:30
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A380 ont toujours la pein de pénétrer dans les aéroports aux USA. C'est une discrimination résignée par les indigènes locaux ou une organisation plus structurée par les américans? Avec A350 il est possible qu'il n'a moins de problème car leur il est ...

à écrit le 19/06/2013 à 10:27
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Je suis de votre avis sauf avis contraire de grands spécialistes. Si c'etait le cas la copie ne vaut pas l'original. J'ai l'impression que chez Airbus on est le roi des soldes.

à écrit le 19/06/2013 à 10:12
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Petite question aux "spécialistes", peut-on dire / affirmer que Boeing a toujours eu une longueur d'avance sur Airbus? Car de nombreux appareils imaginés par Boeing ont été repris quelques années après par Airbus. Le premier Jumbo (B747) et 30 ans p...

le 19/06/2013 à 11:04
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Tout à fait, tous les appareils d'airbus n'ont été fait que pour "contrer" les appareils de Boeing. Je vous rappelle que quand airbus à lancé le 380, Boeing a parié sur le 787 et quand chez airbus ils ont remarqué que le 787 se vendait très bien, ils...

le 19/06/2013 à 11:06
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La question ne peut pas se poser en ces termes. Il est certain que Boeing a eu de l'avance dans la conception de certains produits et du mythique 747. Mais Airbus a aussi une histoire propre héritée de l'aviation européenne et les succès viennent aus...

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