Aéronautique : « Figeac Aéro lance un plan agressif pour se désendetter » (Jean-Claude Maillard, PDG)

INTERVIEW. Lourdement endetté depuis la crise sanitaire qui a fait plonger son chiffre d'affaires de 447 à 205 millions d'euros en un an, Figeac Aéro dévoile dans les colonnes de La Tribune un nouveau plan stratégique pour faire redécoller ses revenus et fortement réduire sa dette. Jean-Claude Maillard, PDG du groupe lotois qui s'est hissé au premier rang des sous-traitants aéronautiques européens avant la crise, entend surfer sur la forte hausse des cadences d'Airbus, mais aussi s'engager significativement sur de nouveaux marchés. Cette croissance passera par des investissements supplémentaires dans l'automatisation des usines françaises et américaines, mais aussi par une production accrue dans les pays low-cost.
Jean-Claude Maillard, PDG de Figeac Aero, compte hisser le sous-traitant aéronautique lotois pour atteindre près de 600 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2028.
Jean-Claude Maillard, PDG de Figeac Aero, compte hisser le sous-traitant aéronautique lotois pour atteindre près de 600 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2028. (Crédits : Rémi Benoit)

LA TRIBUNE - Figeac Aéro présente ce mercredi un nouveau plan stratégique, baptisé Pilot 28. Comment imaginez-vous le groupe à l'horizon 2028 ?

JEAN-CLAUDE MAILLARD - Figeac Aéro a aujourd'hui engrangé un carnet de commandes de plus de 3,7 milliards d'euros à dix ans. Nous devrions retrouver à peu près notre niveau d'avant crise dès mars 2025, avec entre 420 et 440 millions d'euros de chiffre d'affaires (contre 447 millions en mars 2020). Avec ce nouveau plan, nous voulons donner de la visibilité sur notre stratégie à moyen terme. Entre mars 2023 et mars 2028, notre chiffre d'affaires devrait progresser de près de 70% pour atteindre entre 550 et 600 millions d'euros, soit 30% de plus qu'avant le Covid. L'EBITDA (bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement, qui détermine la rentabilité de l'entreprise, ndlr) dépassera les 16% (contre 11% au premier semestre 2023). Surtout, c'est un plan agressif pour réduire fortement notre dette qui atteint aujourd'hui 287 millions d'euros. En cinq ans, notre ratio d'endettement (calculé à partir de la dette divisée par l'EBITDA) va passer de 7 à 2 ou 2,5, ce qui veut dire que notre société sera quasiment désendettée.

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La marche à franchir est importante. Quels sont les facteurs qui plaident en faveur d'une telle croissance ?

Les constructeurs aéronautiques ont atteint un niveau de commandes historique. Notre principal client Airbus, qui pèse environ 60% de notre activité, annonce des montées de cadences très importantes pour passer de 58 A320 produits par mois, à 75 en 2026 et un rythme de six à dix A350 par mois. Outre cette augmentation des cadences des programmes, nous prévoyons d'ici 2028 entre 80 et 100 millions de revenus générés par des affaires nouvelles qui vont venir continuer à doper notre chiffre d'affaires. Figeac Aéro travaille de longue date pour Dassault, Thales ou plus récemment Safran Electronics & Defense. Cette activité défense sera amenée à se renforcer.

Comment comptez-vous renforcer la productivité des usines ?

Malgré ses efforts pour réduire la dette, nous prévoyons un budget d'investissement malgré tout important de 40 millions d'euros dans les années à venir. Une partie de cette enveloppe servira à automatiser davantage et introduire de la robotisation sur nos usines françaises et américaines afin d'améliorer leur performance. Nous allons aussi investir dans du traitement de surface pour ne plus sous-traiter ces opérations. Cela va réduire l'empreinte carbone de cette activité puisque nous n'aurons plus besoin d'envoyer des pièces en Espagne, en Angleterre ou chez des sous-traitants américains. Et nous allons augmenter notre production dans les pays best-cost au Maroc, en Tunisie, en Roumanie ou au Mexique. Alors qu'aujourd'hui 32 % de notre chiffre d'affaires sont réalisés dans ces pays, cette part atteindra 35 à 40 % en 2028.

Allez-vous ouvrir de nouvelles usines dans les pays low-cost ?

Non, nous allons uniquement augmenter l'activité sur nos sites existants. Nous avons déjà largement assez de sites qui ne demandent qu'à grossir et à atteindre leur taille critique, notamment au Mexique et en Roumanie.

Combien de recrutements prévoyez-vous pour accompagner cette croissance d'activité ?

Figeac Aéro devrait recruter plus de 600 personnes en 2024, dont un peu moins de la moitié en France. Le groupe, qui emploie aujourd'hui 3.000 salariés (dont la moitié à l'étranger), en comptera 5.000 en 2028.

 L'inflation et les problèmes d'approvisionnement freinent-ils votre croissance ?

Les problèmes d'approvisionnement sont quasiment résorbés. L'inflation nous impacte en revanche encore beaucoup notamment au niveau des salaires. Elle ne freine pas la croissance de notre chiffre d'affaires puisque les prix de vente progressent aussi. Par contre, l'inflation perturbe les marges. C'est la raison pour laquelle nous avons annoncé une croissance de notre rentabilité relativement faible au regard de la progression attendue de notre activité.

Comment comptez-vous contribuer à la décarbonation de l'aviation ?

Nous avons deux axes de travail sur l'aéronautique décarbonée. Le premier est de répondre aux besoins des motoristes pour les nouvelles gammes de moteurs à hydrogène et électriques. Les pièces métalliques de ces moteurs seront fabriquées avec des formes et des techniques d'usinage légèrement différentes. Les pièces de structure des avions vont également évoluer et notre budget d'investissement contribuera à soutenir ces transformations. Le deuxième axe est de décarboner la production. Nos pièces ont aujourd'hui une empreinte carbone forte car elles sont fabriquées avec des matières premières venues des Etats-Unis ou d'Asie. Produire des pièces demande aussi beaucoup d'énergie souvent carbonée, surtout dans nos usines en Afrique du Nord. Et puis, si nous fabriquons une pièce à Figeac dans le Lot, il faudra parcourir plusieurs milliers de kilomètres pour la livrer à Boeing aux Etats-Unis. Nous voulons aussi réduire l'empreinte carbone de livraison des pièces.

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Etes-vous inquiet des problèmes rencontrés actuellement par Boeing (un appareil de la compagnie Alaska Airlines a perdu ce week-end une porte en plein vol) ? Vous fournissez notamment des pièces pour les moteurs de Safran qui équipent les Boeing 737 MAX.

Boeing représente aujourd'hui 15% de notre chiffre d'affaires. Je suis sûr que le problème rencontré sur la porte sera corrigé très rapidement puisqu'il ne s'agit pas d'une erreur de conception et d'un élément aussi grave que le problème du 737 MAX qui a cloué au sol la flotte pendant des années. Je ne suis pas inquiet. Il ne faut pas dramatiser ce qui s'est passé. La filière aéronautique est victime de son succès car elle fournit un mode de transport ultra sûr.

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Commentaires 2
à écrit le 10/01/2024 à 10:20
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Chez Figeac Aero, on est peut-être bon industriel mais sûrement assez mauvais financier, à en juger par la croissance échevelée sans avoir les cash-flows pour ça, l'endettement excessif inévitable, et la sanction boursière, avec le cours divisé par 4...

à écrit le 10/01/2024 à 7:33
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"mais aussi par une production accrue dans les pays low-cost" Bref la banale quête d'esclaves, on se demande comment cette quête peut être déclarée comme ça à haute voix sans douter du principe pourtant particulièrement exécrable. Nietzsche nous avai...

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