[Article publié le lundi 8 janvier 2023 à 15h54 et mis à jour à 18h50] Les dominos continuent à tomber en cascade pour Boeing et son 737 MAX, après la perte d'une porte en plein vol vendredi dernier. Après l'adoption rapide de mesures de sécurité par les autorités américaines et européennes, qui a conduit à immobiliser une large partie des 737 MAX 9 - le modèle concerné par l'incident -, les conséquences financières se font désormais sentir avec l'ouverture des bourses, ce lundi.
Les premières secousses ont d'abord été observées en Europe, décalage horaire oblige. À la mi-journée, l'action du constructeur américain à la Bourse de Francfort avait dévissé de 8,5% après un recul continu tout au long de la matinée. Le titre a tout de même repris un peu du poil de la bête dans l'après-midi en regagnant quasiment trois points.
Mais c'est la réaction des investisseurs américains qui était la plus attendue. Et elle s'est montrée sèche. Dès les premières minutes suivant l'ouverture, le titre de Boeing a perdu environ 9% à la Bourse de New York. A la mi-journée, la perte était encore de près de 7%.
Comme l'indiquaient ce matin l'AFP et Reuters, les échanges électroniques avant l'ouverture de Wall Street avaient déjà donné la tendance avec un recul du titre de Boeing de 8,4% à 14h30 (heure de Paris). Un peu plus tôt, il avait même frôlé les 9% de baisse, ce qui représentait une perte de plus de 21 dollars par action par rapport aux 249 dollars à la clôture vendredi. Reuters estimait alors que la valorisation du constructeur aéronautique pourrait perdre environ 12,5 milliards de dollars si ce recul se maintenait à l'ouverture du marché. Cette valorisation était de 150,6 milliards de dollars vendredi.
Un niveau encore élevé
L'action reste néanmoins à l'un de ses plus hauts niveaux depuis la survenue de la crise sanitaire en 2020, où son cours s'était effondré de 70% en quelques semaines. Elle est ainsi cotée à près de 228 dollars après sa chute à l'ouverture ce lundi.
Le titre a ainsi connu une belle remontée sur les deux derniers mois de l'année, après avoir connu une longue chute entre fin août et fin octobre jusqu'à tomber sous la barre des 180 dollars. Cette dégringolade avait été provoquée par les diverses annonces négatives de Boeing, depuis la découverte d'une malfaçon de la part d'un de ses principaux sous-traitants, Spirit Aerosystems, sur la cloison de pressurisation de certains avions, jusqu'à l'abandon de son objectif de 400 à 450 livraisons de 737 MAX sur l'année 2023 en raison de ce même problème de production, en passant par un mois de septembre catastrophique en termes de livraisons.
Cela vient s'ajouter à la longue liste des déboires du 737 MAX. Après les deux accidents mortels survenus en 2018 et 2019, l'avion a longtemps été interdit de vol. Depuis, les problèmes de production n'ont cessé de se multiplier. Ce qui ne l'empêche pas de connaître un véritable succès commercial avec 7.500 exemplaires commandés, dont près de 700 en 2023.
Déterminer les causes
Plus que le cours de bourse, toute la question pour Boeing est désormais de connaître la nature des causes qui ont engendré cette décompression explosive à bord du vol 1282 d'Alaska Airlines. S'il s'agit d'un problème de maintenance - qui arriverait certes seulement trois mois après la livraison de l'avion à Alaska Airlines - la responsabilité irait plutôt du côté de la compagnie. S'il s'agit d'un problème de qualité de production, auquel le 737 MAX semble abonné, les conséquences seraient plus importantes pour Boeing, qui devra s'assurer que ce type d'événement ne se reproduira pas sur d'autres appareils en service à travers le monde.
C'est notamment pour cela que l'Administration fédérale de l'aviation américaine (FAA) s'est empressée de clouer la flotte au sol avec l'émission d'une directive de navigabilité d'urgence (EAD) pour une inspection immédiate. Une mesure reprise depuis par les autres autorités à travers le monde, dont l'Agence européenne pour la sécurité aérienne (AESA).
Enfin, s'il s'agit d'un problème de conception, ce serait alors le pire dénouement pour Boeing. En effet, ce dernier devra trouver une solution pour garantir l'intégrité de son avion. Un scénario catastrophe pour le constructeur américain après l'affaire du MCAS, le système d'augmentation des caractéristiques de manœuvre à l'origine de deux crashes mortels de 737 MAX en 2018 et 2019.
C'est ce que doit déterminer l'enquête du NTSB (Conseil national de la sécurité des transports, agence en charge des enquêtes aux Etats-Unis).
Le NTSB a pied d'œuvre
Lors d'une conférence de presse le 7 janvier, sa présidente, Jennifer Homendy, a précisé qu'il s'agissait d'un « plug », que l'on pourrait traduire par bouchon. C'est-à-dire un panneau qui permet de condamner une issue de secours, lorsque celle-ci n'est pas activée. En effet, les Boeing 737 MAX 9 sont dotés d'une issue de secours optionnelle : celle-ci est activée - avec la mise en place d'une porte - pour les cabines configurées avec une haute densité pour permettre l'évacuation des passagers dans le délai réglementaire de 90 secondes. Dans les configurations classiques, comme celle d'Alaska, qui ne nécessite pas l'activation de cette issue de secours, un bouchon est mis en place.
Seuls les appareils dotés d'un bouchon sont pour l'instant concernés par l'AED de la FAA, et les directives subséquentes prises par les autres autorités de sécurité aérienne. L'EASA a d'ailleurs précisé qu'aucun avion en Europe n'était concerné.
Ce bouchon est fixé au fuselage par deux charnières et douze éléments d'ancrage (12 « stop fitting » sur le bouchon qui s'assemblent avec 12 « stop pad » sur le cadre de l'issue de secours). Ces éléments sont censés éviter que le panneau puisse être poussé vers l'extérieur de l'avion, a expliqué Jennifer Homendy. Après avoir examiné visuellement le cadre sur site, la patronne du NTSB affirme que ses enquêteurs ont identifié les éléments qui devaient être envoyés en laboratoire pour des examens approfondis. D'autres composants pourraient néanmoins suivre. Ils vont également étudier ce lundi la porte restée intacte sur le flanc droit de l'appareil, ainsi que le bouchon de porte qui a été retrouvé hier par un enseignant dans son jardin.
L'agence Reuters a indiqué que, selon ses sources, Spirit AeroSystems avait fabriqué et installé le bouchon de porte incriminé. C'est-à-dire le même équipementier responsable des défauts de qualité pour la production de la cloison de pressurisation de certains avions, dévoilés l'été dernier.
D'autres éléments à l'étude
L'enquête ne se limite pas à cet élément pour autant. Un autre groupe du NTSB, spécialisé dans l'examen des systèmes, s'est penché sur le voyant de défaillance du système de pressurisation automatique qui s'est allumé lors de trois vols précédents, le 7 décembre, le 3 et le 4 janvier. Jennifer Homendy a indiqué que les pilotes de ces vols ont appliqué la procédure face à cet événement sans plus de difficulté, que le problème a été pris en compte par la maintenance (même si un examen additionnel était prévu sans avoir pu être réalisé avant le vol) et qu'Alaska Airlines avait décidé de ne pas faire voler cet avion vers Hawaï pour permettre un déroutement rapide vers un aéroport en cas de problème.
Aucune corrélation n'est aujourd'hui établie entre ce problème, qualifié de « bénin » par Jennifer Homendy, et la perte du bouchon de porte, mais le NTSB veut s'en assurer avant de tirer une éventuelle conclusion. Toute la documentation depuis la livraison de l'appareil en octobre dernier sera aussi étudiée, comme les impacts de la décompression explosive sur l'intérieur de la cabine.
En attendant, Boeing doit affronter les méandres de la bourse, tandis que les compagnies doivent composer avec l'arrêt des vols. Selon l'AFP, qui s'est appuyé sur les données du site spécialisé FlightAware, cela a causé l'annulation de plus de mille vols depuis samedi. Alaska Airlines et United Airlines sont les plus touchées.
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