Décarbonation : Le transport aérien pose des jalons en parallèle de la COP28

Si le secteur de l'aviation internationale n'est pas directement touché par la COP28, lui qui dépend d'une agence spécialisée, il a profité de cette séquence pour tenter d'avancer sur ses objectifs de décarbonation. En particulier sur le moyen terme, avec des objectifs intermédiaires qui vont constituer désormais le nerf de la guerre pour atteindre le zéro émission nette en 2050.
Léo Barnier
A l'ombre de la COP, l'OACI a adopté un objectif de réduction d'émissions grâce aux carburants durables pour 2030.
A l'ombre de la COP, l'OACI a adopté un objectif de réduction d'émissions grâce aux carburants durables pour 2030. (Crédits : Christinne Muschi)

Alors que la COP28 vient de s'achever aux Emirats Arabes Unis, avec la conclusion in extremis d'un accord pour une « transition » vers l'abandon des combustibles fossiles, le secteur de l'aviation a également travaillé de son côté pour afficher de nouveaux objectifs. Si l'objectif à long terme de zéro émission nette en 2050 a déjà été adopté, celui-ci a besoin d'engagements et de réalisations rapides pour montrer ses efforts de décarbonation. D'autant que le transport aérien international, comme le transport maritime, ne sont pas soumis à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et donc aux accords issus des COP alors qu'ils sont largement pointés du doigt pour leurs émissions de gaz à effet de serre.

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Objectif intermédiaire

Les engagements de décarbonation reposent essentiellement sur les agences spécialisées des Nations Unies, à savoir l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) et l'Organisation maritime internationale (OMI). Et c'est justement dans cette démarche de construire des étapes engageantes que les pays membres de l'OACI ont tenu leur troisième conférence sur l'aviation et les carburants alternatifs (CAAF/3), fin novembre à Dubaï juste avant l'ouverture de la COP.

Ils ont adopté un objectif global de 5% de réduction des émissions de CO2 de l'aviation internationale d'ici 2030 grâce à l'utilisation de carburants d'aviation durables (SAF), considérés comme les principaux contributeurs à l'objectif à long terme de zéro émission nette en 2050. Cela vient compléter le mécanisme de compensation et de réduction de carbone pour l'aviation internationale (Corsia) qui va débuter l'an prochain avec 126 pays volontaires.

Cette décision a été largement saluée par les parties prenantes du secteur, qui poussait pour l'adoption d'objectifs intermédiaires à l'échelle internationale, ou encore par des acteurs institutionnels comme la Commission européenne, même si elle comporte des nuances. Il ne s'agit pas d'une baisse absolue des émissions, mais d'une baisse comparée au niveau d'émission sans utilisation de SAF. De manière positive, cela doit conduire à une utilisation renforcée de ces carburants plus propres en plus des autres efforts faits pour renouveler les flottes ou optimiser les opérations, mais sur un plan négatif, les gains de CO2 pourront être effacés par la croissance du trafic. Enfin, cet accord concerne certes les vols internationaux, c'est-à-dire les plus polluants, mais n'affecte pas les liaisons domestiques.

L'OACI est d'ailleurs intervenue lors de la table ronde sur la transition énergétique de la COP28 pour présenter cet objectif, ainsi que « des étapes concrètes pour faciliter le financement » et clarifier le cadre réglementaire et politique pour développer la production de SAF à grande échelle, selon un communiqué. Salvatore Sciacchitano, président du Conseil de l'OACI, a ainsi déclaré que « l'adoption de ce cadre envoie un signal clair à la communauté internationale concernant le rôle de premier plan que l'OACI joue sans relâche dans la réduction des émissions de l'aviation internationale. L'OACI reste fermement résolue à mener les efforts du secteur pour appuyer l'objectif de température de l'Accord de Paris ».

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Les aéroports passent la cinquième

Derrière la CAAF/3, une autre initiative internationale a abouti à l'occasion de la COP28. L'Airports Council International (ACI), principale organisation représentant les aéroports, a lancé le niveau 5 de programme d'accréditation carbone des aéroports (ACA) avec 10 plateformes labellisées, principalement en Europe dont celle de Toulon en France. Ce nombre est amené à croître significativement l'an prochain à en croire Olivier Jankovec, directeur général de l'ACI Europe. Celui-ci a déclaré : « Le lancement du niveau 5 aujourd'hui marque un tournant décisif. L'établissement d'un cadre de référence pour les aéroports qui atteignent et maintiennent un bilan carbone net zéro pour les émissions qu'ils contrôlent reflète le fait que les aéroports commencent à tenir leurs engagements en matière de bilan net zéro. »

Ce niveau 5 oblige les lauréats à réduire leurs émissions d'au moins 90 % sur le « scope 1 » (émissions directes) et le « scope 2 » (émissions indirectes liées à l'énergie), et à maintenir cet équilibre autour du zéro émission nette, mais aussi à traiter de celles du scope 3 (émissions indirectes) de manière à atteindre le zéro émission nette d'ici 2050 ou avant. Cela s'accompagne d'obligations sur la mise en place d'un plan de gestion du carbone, sur la vérification de l'empreinte carbone ou encore l'établissement de partenariats avec l'ensemble de l'écosystème aéroportuaire.

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Des annonces toujours limitées par la réalité de la production

En parallèle de ces initiatives, des acteurs du secteur ont aussi profité de l'occasion pour se montrer à l'image du lancement du consortium de recherche Air-CRAFT pour « le développement, la production et la mise à l'échelle des technologies de SAF » aux Émirats arabes unis. Il compte huit partenaires dont les compagnies Emirates et Etihad Airways, les industriels américains Boeing et Honeywell, les sociétés étatiques émiriennes Masdar (énergies renouvelables), Enoc et Adnoc (pétrole), ainsi que diverses autorités et institutions locales. Ils ont ainsi l'ambition de produire 700 millions de litres de SAF d'ici 2030. Emirates a également effectué le vol de démonstration d'un Airbus A380 avec un de ses moteurs alimenté uniquement par du carburant durable.

Dans la même veine, Virgin Atlantic a réalisé un premier vol transatlantique avec 100 % de SAF, avec un Boeing 787 entre Londres et New York. La compagnie britannique en a profité pour enjoindre son gouvernement à avancer plus rapidement sur la création d'une filière de production locale.

Car c'est bien là que le bât blesse. Si ces annonces, ces engagements et ces objectifs semblent encourageants quant à la volonté du secteur de se décarboner, celui-ci reste confronté au manque inexorable de disponibilité sur les SAF, comme les récentes déclarations de Willie Walsh, directeur général de l'Association internationale du transport aérien (Iata), l'ont encore rappelé la semaine dernière.

Léo Barnier

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