Boeing inquiet par la constitution d'équipementiers géants dans l'aéronautique

L'avionneur américain Boeing étudiera de près le projet de rachat de Rockwell Collins par United Technologies, maison mère du motoriste Pratt & Whitney.
Fabrice Gliszczynski

Si les avionneurs ont toujours favorisé la consolidation au sein des fournisseurs aéronautiques pour qu'ils deviennent des partenaires plus solides, il ne faut pas non plus qu'ils deviennent trop gros. Quelques heures après l'annonce du rachat de Rockwell Collins par United Technologies, Boeing est sorti de sa réserve en publiant un communiqué pour annoncer qu'il étudierait de près ce projet qui va donner naissance à un géant de plus de 60 milliards de dollars de chiffre d'affaires, représentant ainsi les 2/3 de Boeing.

"Nous avons l'intention de regarder de près la fusion proposée entre United Technologies et Rockwell Collins", écrit Boeing dans un communiqué. "Jusqu'à ce que nous obtenions plus de détails, nous doutons que ce soit dans le meilleur intérêt de - ou que cela ajouterait de la valeur pour - nos clients et le secteur."

Compétitivité

Boeing a précisé que son intérêt, et celui de ses clients, employés et actionnaires, était d'assurer la santé et la compétitivité à long terme de la chaîne d'approvisionnement de l'industrie aéronautique.

"Si nous constatons que cet accord n'est pas conforme à ces intérêts, nous aurions l'intention d'exercer nos droits contractuels et d'adopter les mesures réglementaires appropriées afin de protéger nos intérêts", affirme le groupe.

"De plus, les deux sociétés sont des fournisseurs importants de Boeing et d'autres (constructeurs d'avions) et en période de production record dans le secteur, leur grande priorité devrait être de respecter leurs engagements de coûts, de calendrier de livraison et de qualité, pour leurs clients et les nôtres."

L'entité aéronautique d'UTC sera spécialisée dans l'avionique, les intérieurs pour cabines, les moteurs d'avions, les cockpits, les systèmes de ventilation et tous les appareils mécaniques utilisés dans l'aviation.

Course à la taille

 L'accord de fusion entre UTC et Rockwell Collins s'inscrit dans une course à la taille à laquelle participe les équipementiers depuis plusieurs trimestres. Cette course à la taille constitue une réponse à la baisse des prix imposée par les avionneurs. Si celle-ci ne date pas d'hier, l'environnement aéronautique accentue aujourd'hui cette tendance qui pousse les équipementiers à se regrouper rapidement. Avec l'absence de nouveaux programmes d'avions et de la faiblesse du prix du carburant qui n'incite pas les compagnies aériennes à commander des appareils neufs, les constructeurs d'avions cherchent davantage à se différencier par une baisse des prix des avions. Ne voulant pas sacrifier leurs marges, ils accentuent la pression sur les prix des achats commandés aux équipementiers, lesquels n'ont pas d'autres choix que de se regrouper pour pouvoir absorber la baisse des prix.

Cette course à la taille permet également aux équipementiers concernés d'anticiper la pression sur les prix que ne manqueront de tenter d'imposer dans les négociations les avionneurs quand ils lanceront de nouveaux programmes. Certes, la taille ne fait pas tout, mais elle a beaucoup de sens quand elle permet à un équipementier d'être incontournable sur certains "packages" sur lesquels il est difficile de les court-circuiter.

La concurrence des avionneurs dans les services

La création de ce nouveau géant parmi les fournisseurs de pièces aéronautiques survient à un moment où Boeing et Airbus s'emploient à développer les services aux opérateurs (qui englobe la maintenance des appareils et des réacteurs -réparation et révision-, la modification des cabines, la connectivité des avions, la gestion des systèmes de navigation aérienne, les services d'ingénierie et de traitement des données d'information, la formation...), qui constituent le gagne-pain à des bénéfices de leurs fournisseurs. Pour capter ce marché, Boeing a annoncé en juillet la mise en place de Boeing Global Services (BGS), une division spécifique, qui vise un chiffre d'affaires de 50 milliards de dollars par an dans les cinq à dix prochaines années.Une décision qui a fait tiquer la direction d'UTC.

"Si d'un coup nous perdons la maintenance, je n'ai plus vraiment d'affaires", avait déclaré fin juillet Gregory Hayes. Pour compenser ce manque-à-gagner, "nous allons devoir repenser la façon dont nous fixons les prix des produits", avait-il indiqué.

Quel avenir pour Honeywell?

Avec cette opération se pose déjà l'avenir d'Honeywell, le numéro 2 du secteur des équipementiers, devant Safran, qui avait tenté sans succès l'an dernier de mettr la main sur UTC. Alors que des rumeurs ont récemment fait état d'une vente, certains observateurs estiment que, dans cette hypothèse, seul General Electric est capable de lui mettre lui mettre la main dessus. Cela lui assurerait une belle complémentarité avec son activité de moteurs d'avion. Pour autant, une telle opération n'est pas évidente dans l'immédiat du fait du changement de management chez GE. Quant à Safran, Honeywell semble bien trop gros pour lancer une offensive. D'autant plus que le groupe français a comme priorité de réussir l'exécution du rachat de Zodiac.

Fabrice Gliszczynski

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Commentaires 4
à écrit le 07/09/2017 à 9:09
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A terme cela annonce à terme des coopérations entre les fabricants internationaux, et cela ne concerne pas nécessairement Airbus.

à écrit le 06/09/2017 à 16:17
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Boeing est surtout inquiet pour ses marges et ses dividendes qui vont migrer vers les actionnaires de United Technology qui va etre en position d'augmenter ses prix...

à écrit le 06/09/2017 à 9:36
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De regroupement en regroupement, de rachat en rachat, la finalité est que d'ici un certain temps, il n'y aura plus que deux groupes pour chaque spécialité, et après, un des deux groupes essaiera de racheter son concurrent ou de provoquer un conflit a...

le 06/09/2017 à 13:10
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Que ce soit l'aéronautique , l'automobile , le secteur médical , l'agro alimentaire ... Avec le monopole on est mettre de tout . On fixe les prix , le reste on s'en fou !!!

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