Avis de convocation... Emmanuel Macron a convié jeudi à Bergerac tous les grands capitaines de l'industrie d'armement français (Airbus, Dassault, Thales, Safran, MBDA, Nexter, Naval Group...) dans le cadre de ses discussions régulières sur l'économie de guerre, selon des sources concordantes. Pourquoi à Bergerac, l'une des trois sous-préfectures du département de la Dordogne, qui dispose toutefois d'un tout petit aéroport ? Parce que c'est sur ce site d'Eurenco, qui est le chimiste de l'industrie de l'armement, que le ministère des Armées a décidé en février 2023 de relancer en France la production de poudres destinées à propulser les fameux obus de 155 mm, dont l'Ukraine a tant besoin pour contenir les offensives des Russes. Très clairement, ce site est l'une des plus belles vitrines du ministère des Armées en matière d'économie de guerre et de souveraineté retrouvée.
Eurenco va refaire parler la poudre près de 20 ans après la décision de la France d'arrêter cette production (en 2007). Pour garder ses compétences et ses technologies dans cette filière clé pour les munitionnaires (Nexter, Rheinmetall, MBDA...), la société avait toutefois transféré cette production sur son site de Karlsgoka en Suède. En pleine pénurie mondiale de ce type de poudres propulsives, Eurenco s'est fixé comme objectif une production de 1200 tonnes de poudres par an à partir de 2025. Ce qui permettra à Nexter de fabriquer annuellement 95.000 obus « Made in France ».
Des dépenses de défense dans le viseur de Bercy
Vitrine ou pas, les grands capitaines d'industrie de l'armement traînent des pieds pour suivre jeudi Emmanuel Macron jusqu'à Bergerac... D'autant qu'ils n'ont guère apprécié d'avoir été stigmatisés le 19 janvier lors des vœux aux armées du président de la République. Il avait fustigé une « forme d'engourdissement satisfait », qui avait gagné l'industrie d'armement avant l'invasion de l'Ukraine. « Je demande à chaque patron d'être totalement concentré sur les enjeux de production et d'approvisionnement. Il ne faut plus jamais se satisfaire de délais de production qui s'étalent sur plusieurs années », avait-il martelé devant un parterre de hauts gradés et d'acteurs du secteur de la défense.
Cette opération de communication jeudi intervient au moment où les plus folles rumeurs courent sur l'exécution de la loi de programmation militaire (LPM). La LPM est dans le viseur de Bercy qui cherche à gagner la bataille du déficit à 3% du PIB. Militaires et industriels de l'armement sont déjà très inquiets. Car il aurait été demandé à la Direction générale de l'armement (DGA) de réduire, voire de couper, le robinet des dépenses de défense, explique-t-on à La Tribune. Le contexte s'y prête. Le déficit public a atteint 5,5% du produit intérieur brut (PIB) en 2023 (contre 4,8% en 2022 et 6,6% en 2021) alors que le gouvernement tablait sur un solde des comptes publics à 4,9% l'année dernière. Cela signifie que le déficit a gonflé de 18 milliards d'euros de plus que ce qui était prévu en loi de finances. La LPM va-t-elle servir de variable d'ajustement budgétaire au moment où le monde semble prêt à s'enflammer ?
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