eVTOL : Volocopter va jouer très gros en 2024

La PME allemande Volocopter va lancer en 2024 un service commercial à Paris lors des Jeux olympiques, puis à Rome. Puis, son directeur général Dirk Hoke prévoit en 2025 l'ouverture de nouveaux services au Japon (Osaka) et en Arabie Saoudite (Neom).
« Nous commençons à Paris avec un service réduit parce que les autorités veulent y aller progressivement », explique Dirk Hoke.
« Nous commençons à Paris avec un service réduit parce que les autorités veulent y aller progressivement », explique Dirk Hoke. (Crédits : Volocopter)

Pour Volocopter, 2023 et 2024 sont des années cruciales qui vont confirmer les grandes ambitions de cette entreprise allemande spécialisée dans la mobilité aérienne urbaine à propulsion électrique basée au sud de Francfort à Bruchsal. Car 2024 sera (ou pas) l'année de l'envol de Volocopter qui souhaite profiter de la vitrine des Jeux olympiques à Paris pour définitivement décoller et montrer au monde entier son savoir-faire dans les taxis volants électriques à décollage et atterrissage verticaux avec son engin VoloCity (deux places, dont une pour le pilote, soit une charge utile de 250/320 kg max). Bien sûr, on sera encore loin du ballet aérien des fameux « Spinners » dans « Blade Runner », le film de Ridley Scott (1982), mais on pourrait s'y rapprocher un tout petit peu dans le ciel de Paris, ou plus précisément de ses environs (Le Bourget, Versailles)...

Dans un entretien accordé à La Tribune à l'occasion du salon aéronautique du Bourget, le directeur général et ancien patron d'Airbus Defence & Space, le directeur général de Volocopter Dirk Hoke détaille les ambitions de Volocopter dans le monde et en France où il souhaite implanter une usine d'assemblage. La région Ile-de-France de Valérie Pécresse mais aussi Toulouse et Bordeaux sont en compétition pour accueillir le futur site. Il souhaite également associer les fleurons de l'industrie aéronautique française comme Dassault Aviation, Safran et Thales à son projet innovant. « Pour une Europe forte, on a besoin d'un axe franco-allemand », explique-t-il.

« Il est important de lancer notre service commercial le plus vite possible. Nous participons activement à la décarbonation du transport aérien dès 2024, pas dans les années 2035 ou 2050 », assure Dirk Hoke (...) « Une fois qu'on aura la certification, les vertiports (aéroport d'eVTOL, ndlr) vont se multiplier et les eVTOL seront de plus en plus nombreux à voler ».

La France, terre d'accueil pour Volocopter ?

Volocopter vise les Jeux olympiques à Paris pour lancer le top départ de ses activités commerciales, voire juste après en cas de retard, souligne Dirk Hoke. « Il y a toujours des risques, avertit-il. Nous pourrions avoir quelques semaines de retard mais cela ne nous empêchera pas de réaliser des démonstrations pendant les Jeux olympiques. Et après on lancerait la phase commerciale ». Les routes sont déjà définies : Aéroport de Roissy Charles de Gaulle/Aéroport du Bourget où sera installé le village des médias ; Versailles/héliport de Balard à Paris ; Balard/gare d'Austerlitz sur un vertiport installé sur la Seine). Le prix de la course, qui devrait être subventionné dans un premier temps, ne sera pas inabordable pour les personnes pressées ou à l'aise financièrement. « Nous sommes encore en train d'étudier les tarifs. Cela dépendra du trajet mais pour près de 20 kilomètres, le prix de la course devrait être compris dans une fourchette de 200 à 250 euros », avance le directeur général de Volocopter.

« Nous commençons à Paris avec un service réduit parce que les autorités veulent y aller progressivement », explique-t-il. La Direction générale de l'aviation civile (DGAC) veut notamment procéder « étape par étape ». Avant le lancement d'une route plus lucrative entre l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle et Paris, la DGAC souhaite « dérisquer les routes sélectionnées et également attendre la réaction de la population et du monde politique » par rapport à la mise en service de cette nouvelle forme de mobilité aérienne, qui pourrait provoquer des réactions d'opposition, notamment en raison d'un éventuel problème de bruit.

Après six mois de service, la DGAC effectuera un bilan de ce nouveau service de mobilité aérienne et décidera quelle sera la prochaine étape. « Nous avons réalisé beaucoup d'efforts pour réduire le bruit en multipliant les essais afin de démontrer l'acceptabilité de nos machines », assure Dirk Hoke. Quant à la sûreté, il affirme que les appareils de Volocopter sont « 100 à 1000 fois plus sûrs qu'un hélicoptère. Le VoloCity a 18 moteurs. Cela veut dire que si on en perd un ou deux, on peut assurer un atterrissage sans problème. Pour survoler une ville, c'est un atout super important ». Pour lancer son activité commerciale en 2024, Volocopter a créé fin janvier sa propre compagnie aérienne pour assurer les services de taxis volants. « Nous allons opérer nos appareils au début pour limiter au maximum les risques, souligne-t-il. Nous avons quand même mis dix ans de notre vie pour développer cet eVTOL ».

Dirk Hoke est également en train de créer une filiale en France pour recruter les pilotes, qui vont assurer les vols qui vont débuter l'an prochain. « Nous allons commencer à embaucher des pilotes vers la fin de l'année pour qu'ils soient prêts à l'été 2024. On a estimé qu'ils avaient besoin de six mois de formation et d'entrainement », précise Dirk Hoke. Il estime avoir besoin de 1,5 à 2 pilotes par appareil lors de la phase de lancement du service commercial, le VoloCity ne volera à Paris qu'avec la lumière du jour... Ainsi, Volocopter n'aura besoin que de cinq appareils pour les JO.

« Une fois l'acceptabilité acquise, on augmentera le nombre de machines », souligne le patron opérationnel de Volocopter. En ce moment, le troisième VoloCity (MSN 3), qui sera identique à ceux qui voleront en 2024 à Paris, est sur le point d'être terminé sur la chaîne d'assemblage de Bruchsal. Il commencera d'ailleurs à voler dès la mi-juillet. En accord avec l'agence européenne pour la sécurité aérienne (EASA), Volocopter, qui a déjà effectué plus de 1.500 vols d'essai, prévoit de réaliser avec MSN 3 au moins 200 heures de vols d'essais.

Sur le plan industriel, Dirk Hoke pousse pour que Volocopter puisse s'installer en France, pas seulement en opérant des vols, mais en nouant également des coopérations avec les industriels français. Il a d'ailleurs lancé des discussions avec le PDG de Dassault Aviation, Eric Trappier, portant sur la maintenance de ses appareils, qu'il pourrait confier à Dassault Falcon Services. « J'aimerai le faire avec une société française », insiste-t-il. Il souhaite également travailler avec Thales pour diversifier l'approvisionnement en matière de composants pour limiter ses dépendances aux marchés asiatiques et américains.

Il a déjà concrétisé une coopération avec le groupe Safran. Ainsi, lors du salon du Bourget, Volocopter et Safran Electrical & Power, l'un des leaders mondiaux des systèmes électriques aéronautiques, ont signé un accord pour développer ensemble une prochaine génération de systèmes propulsifs dédiés aux eVTOL. Par ailleurs, Dirk Hoke est en train de discuter avec plusieurs sociétés françaises pour la production de batteries plus performantes que les actuelles. Le partenariat avec Safran inclut également le domaine des batteries.

Enfin, le directeur général de Volocopter, qui a pu discuter avec le ministre de l'Industrie Roland Lescure et celui des Transports Clément Beaune, tente de convaincre avec le soutien de son partenaire français ADP, le gouvernement français et les autorités locales de soutenir financièrement Volocopter. « Nous sommes en train de discuter pour trouver des investissements en France, explique-t-il. Pour accélérer la construction de l'usine, j'ai besoin d'investissements pour nous installer. Les autorités françaises sont en train de regarder avec nous comment France 2030 et d'autres investisseurs peuvent nous aider pour accélérer notre projet d'usine ».

Rome, Osaka et la ville futuriste saoudienne Neom, qui a investi fin 2022 dans Volocopter. Outre Paris, la PME allemande souhaite lancer un service commercial dans ces trois villes déjà identifiées. Après Paris, Volocopter lancera un service très réduit à Rome fin 2024, puis ce sera au tour d'Osaka de mettre en place des routes pour les taxis volants au moment de l'exposition universelle prévue à partir du 13 avril 2025. Volocopter prévoit d'effectuer à Osaka des vols d'essai en 2023. Enfin, Neom est pour Volocopter un formidable terrain de jeu. « C'est une ville géniale pour nous, c'est une ville faite sur mesure pour les nouvelles technologies », estime Dirk Hoke. Volocopter, qui a déjà réalisé en juin des vols d'essai en Arabie Saoudite, ambitionne en 2025 d'ouvrir des services pour le transport de cargos et le transport de passagers.

Une montée en puissance progressive

Volocopter, qui fabrique également des planeurs et des drones en parallèle, et les investisseurs, qui lui ont fait confiance, vont devoir s'armer de patience avant de voir l'activité de taxis volants décoller vraiment sur le plan financier. D'autant que l'actuelle version de VoloCity, qui ne peut emporter qu'un seul passager sans bagage (ou presque) ne sera pas rentable. « Ce n'est pas encore le bon business case », convient Dirk Hoke. Mais la société allemande vise une augmentation du chiffre d'affaires et de la profitabilité dès 2026 avec le lancement d'une nouvelle version de taxi volant, qui pourra embarquer quatre personnes, dont le pilote, plus quelques bagages volumineux. « Avec trois passagers, les opérations seront profitables », assure-t-il.

La dernière levée de fonds de 182 millions de dollars permet à Volocopter, qui a collecté 250 millions d'euros environ depuis le lancement de son eVTOL, d'être financé « jusqu'à la fin d'année, voire un peu plus », explique Dirk Hoke. Il compte faire une nouvelle levée de l'ordre de 250 millions environ pour atteindre la somme 500 millions d'euros et tenir jusqu'à « mi-25 ». Cet argent va permettre à Volocopter de lancer ses services à Paris et Rome en 2024. Seule incertitude pour la PME allemande, la performance des futures batteries, qui permettront ou pas de développer rapidement le marché des eVTOL. « L'optimisation de la densité des batteries et l'amélioration de l'efficacité du système propulsif sont les plus puissants leviers de performance pour les avions légers tels que les eVTOL », estime Dirk Hoke, qui a comme objectif ultime : faire voler un eVTOL sans pilote. Mais ça, ce n'est pas pour tout de suite...

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Commentaire 1
à écrit le 06/07/2023 à 7:06
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Étrange de valider le transport d'humains avant celui de marchandises qui semblerait bien plus pertinent dans un premier temps, le lobby doit être plus gros je suppose. Ah ben oui c'est allemand suis-je bête...

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