Chère, très chère contribution française à l'OTAN. Avec l'adoption en 2021 de l'Agenda OTAN 2030 et la trajectoire budgétaire décidée au sommet de Madrid en 2022, la contribution française pourrait atteindre environ 830 millions d'euros en 2030 (contre 203 millions en 2022 sur un budget OTAN de 2,6 milliards), dont 770 millions prélevés sur le budget du ministère des Armées, en 2030 en euros constants, selon un rapport de la Cour des comptes intitulé « La participation de la France à l'OTAN : une contribution croissante ». La France se situe au quatrième rang (10,49%) des contributeurs de l'OTAN derrière les États-Unis, qui ont beaucoup baissé leur contribution, et l'Allemagne (16,34 % chacun) et le Royaume-Uni (11,28 %).
« Pour la France, le financement des budgets militaires et d'investissement par le programme budgétaire 178 (Préparation des forces, ndlr) pourrait atteindre 770 millions d'euros en 2030 et celui du budget civil par le programme budgétaire 105 (action extérieure de l'État du ministère des Affaires étrangères, ndlr) un montant de 63 millions d'euros en 2030. Ces chiffres exprimés en euros 2022 ne prennent pas en compte l'inflation à venir », a expliqué la Cour des comptes dans son rapport publié mercredi.
Cette hausse vertigineuse de plus de 300% en huit ans va donc impacter le budget du ministère des Armées dans les prochaines années, et peser forcément un peu plus chaque année sur sa construction. Car si jusqu'ici la contribution française à l'OTAN représentait en quelque sorte l'épaisseur du trait, ce ne sera plus le cas à l'avenir. En 2024, les contributions de la France à l'OTAN vont s'élever à 302 millions d'euros, selon les chiffres du ministère des Armées.
Maîtrise des dépenses civiles de l'OTAN ?
Cette volonté politique des États membres de l'OTAN s'est traduite au sommet de Madrid de 2022 par une trajectoire budgétaire ambitieuse à horizon 2030, prévoyant une croissance annuelle de 10 % des budgets civils et militaires en termes réels et de 25 % du budget d'investissement. Ainsi, si la hausse de 10 % par an du budget civil de l'OTAN se poursuit jusqu'en 2030, la contribution française, à travers le programme 105, pourrait passer de 27 millions d'euros en 2022 à 63 millions en 2030, hors effet de l'inflation d'ici à 2030, selon la Cour des comptes. Plus des deux tiers du budget civil de l'OTAN (289 millions d'euros en 2022) concernent les dépenses de personnel, pensions incluses, pour les rémunérations d'environ 1.200 agents travaillant au secrétariat international de l'Alliance, principalement au siège à Bruxelles.
La Cour recommande d'ailleurs « de veiller à la maîtrise de la masse salariale du personnel du secrétariat international de l'Alliance, dans un contexte inflationniste ». Selon les Sages de la rue Cambin, la masse salariale « risque de croître fortement » sous les effets conjugués de l'augmentation des effectifs, des ajustements salariaux décidés pour compenser l'inflation et de la hausse des dépenses de pensions. Ainsi, les dépenses des pensions, qui représentent 18% du budget civil de l'OTAN, sont passées de 31,6 millions d'euros en 2012 à 53,1 millions en 2022 (+ 68 % en dix an). Mais se pose à la France cette problématique : « Il est difficile de poursuivre dans ce cadre des objectifs contradictoires : promouvoir la modération salariale à l'OTAN d'une part, être plus souple en la matière pour les autres organisations internationales basées en France d'autre part », explique la Cour des comptes.
Explosion des budgets militaires
S'agissant du volet militaire, si la trajectoire était confirmée, le budget militaire pourrait atteindre 3,34 milliards d'euros en 2030 (contre 1,56 milliards en 2022) tandis que le plafond du budget d'investissement atteindrait 4,71 milliards d'euros (contre 790 millions en 2022). L'évolution des budgets militaires et d'investissement de l'OTAN entre 2019 et 2022 a déjà mis en évidence une tendance à l'augmentation globale de ces budgets (+ 12 % pour le budget militaire, + 13 % pour le budget d'investissement). Elle est donc appelée à « se poursuivre et à s'accentuer sous l'effet des décisions prises au titre de l'Agenda OTAN 2030 adopté lors du sommet de Bruxelles en 2021 et au titre de la trajectoire budgétaire adoptée par les États au sommet de Madrid en 2022 », souligne la Cour des comptes.
Le budget militaire de l'Alliance couvre le coût d'exploitation et de maintenance de la structure de commandement de l'OTAN. Cela concerne le commandement intégré de l'Alliance, avec les deux commandants de niveau stratégique (SACEUR et SACT), les états-majors, leurs systèmes d'information ainsi que des capacités communes, dont « certaines ont un poids budgétaire important » (20 avions radars AWACS basés en Allemagne et au Royaume-Uni et cinq drones Global Hawk basés en Italie), souligne la Cour. Le budget militaire comprend aussi des dépenses liées aux opérations et aux missions conduites par l'Alliance comme l'Afghanistan. Ces dépenses ont diminué de 82 % entre 2019 (274 millions d'euros) et 2022 (48 millions), sous l'effet notamment de la fin de l'intervention de l'OTAN en Afghanistan en 2021. Enfin, le budget d'investissement couvre les achats dans des capacités militaires utilisés de façon permanente par l'OTAN et des investissements conjoncturels liés aux besoins des opérations et des missions.
En 2021, la contribution française (192,6 millions d'euros) comprend 63,7 millions d'euros pour le budget d'investissement (74 millions en 2022) et 128,9 millions pour le
budget militaire, dont notamment 79,2 millions pour les structures de commandement intégré et 26,8 millions pour les opérations. L'augmentation probable du budget
militaire et du budget d'investissement de l'OTAN devra être pris en compte dans les travaux de préparation des budgets de la défense sur la période 2024-2030. La
contribution financée par le programme 178 pourrait passer de 193 millions en 2022 à environ 770 millions en 2030, hors effet de l'inflation. « Soit une augmentation très significative qui ne pourra pas être gérée en ajustement annuel de la programmation militaire sans risque d'effet d'éviction », estime la Cour des comptes.
Comment limiter la facture
Comme l'avait recommandé la Cour dans son rapport de 2012, des contributions en nature sont proposées par la France, ce qui permet de limiter la contribution financière à certaines lignes budgétaires. Ainsi, la France limite sa contribution financière en mettant à disposition ses propres avions radars AWACS (E3F). De même, elle a proposé de mettre à disposition de l'OTAN ses drones REAPER. Cette proposition est en cours d'examen par l'état-major Allied Command Operations (ACO). « La prise en compte de ces apports en nature explique que la contribution financière du ministère des Armées reste en dessous de ce que donnerait la stricte application de la clé de répartition allouée à la France », explique la Cour.
Dans le même ordre d'idée, comme l'avait également recommandé la Cour dans son rapport de 2012, l'homologation de centres d'excellence français par l'OTAN est également une voie poursuivie, ce qui permet de bénéficier en retour de financements de l'Alliance. Ainsi, le centre d'analyse et de simulation pour la préparation aux opérations aériennes (CASPOA) de Lyon Mont Verdun avait été homologué en 2007. Depuis, le comité militaire de l'OTAN a accepté l'offre française d'héberger le centre d'excellence spatial de l'OTAN : il sera installé au sein du commandement de l'espace (CDE) à Toulouse et son homologation devrait aboutir au début du second semestre 2023.
En outre, comme le souligne la Cour, le ministère des Armées et le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères sont confrontés à un double défi : bénéficier du meilleur retour possible sur investissement de l'augmentation des budgets communs de l'Alliance décidée au sommet de Madrid et renforcer le positionnement de la France dans les postes clés des structures militaires et civiles de l'OTAN. En outre, la Cour des comptes recommande à la France de renforcer la présence de la France dans les structures dirigeantes de l'Alliance, qui n'est pas à son optimum. Elle préconise enfin à la France de participer davantage, dès la phase de conception, aux programmes d'armement et de recherche dans le cadre de l'OTAN. Un objectif crucial pour éviter à la France de se voir imposer des normes et des équipements militaires qui ne seraient pas adaptés à ses besoins capacitaires.
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