Quand le CNES reconnait la réussite de SpaceX

Pour le directeur des lanceurs au CNES Jean-Marc Astorg, le pari technique et économique de SpaceX est en passe d'être réussi. Il demande à l'Europe de foncer sur la réutilisation.
Michel Cabirol
Le lancement inaugural de Falcon Heavy a été une réussite, selon le directeur des lanceurs au CNES Jean-Marc Astorg
Le lancement inaugural de Falcon Heavy a été "une réussite", selon le directeur des lanceurs au CNES Jean-Marc Astorg (Crédits : SpaceX)

"Elon Musk a ouvert une nouvelle voie dans le monde des lanceurs, c'est celle de la réutilisation d'éléments de fusées dans le but de réduire les coûts". A qui reviennent de tels propos ? A une groupie du milliardaire d'origine sud-africaine? Non, beaucoup mieux que cela, au directeur des lanceurs au Centre national d'études spatiales (CNES), Jean-Marc Astorg. C'est l'une des toutes premières fois où un responsable européen reconnait publiquement la réussite technique, voire économique de la réutilisation telle qu'elle est pratiquée par l'opérateur américain SpaceX.

"SpaceX a limité la récupération au 1er étage ce qui simplifie beaucoup les choses en utilisant la technique dite du "toss back", explique-t-il dans une interview publiée sur le site d'information grand public du CNES SpaceGate. Cela consiste à rallumer les moteurs pour freiner et se poser en douceur. C'est une solution qui était décrite dans les livres depuis les années 1970".

En passe de démontrer l'intérêt économique de la réutilisation

Dans cette interview, Jean-Marc Astorg reconnait ainsi "le mérite" d'Elon Musk "d'avoir démontré" que la réutilisation "était techniquement faisable et il est en passe de démontrer aussi l'intérêt économique de cette réutilisation". Et de rappeler que les premiers étages des fusées Falcon 9 "sont récupérés presque systématiquement depuis 2015".

Longtemps en Europe, les responsables politiques, industriels et institutionnels de la filière spatiale ont fait la fine bouche sur la réussite technique de SpaceX au moment des premiers succès de SpaceX quand il récupérait les premiers étages de Falcon 9. Seul Bruno Le Maire avait critiqué les choix de la filière spatiale européenne. Surtout, ils ont toujours émis des doutes de l'intérêt économique de cette pratique. Il est vrai que Elon Musk n'a jamais publié les coûts de remise en vol du premier étage de Falcon 9. Mais Jean-Marc Astorg balaie aujourd'hui les certitudes officielles.

Falcon Heavy, une réussite inaugurale

Après le lancement de Falcon Heavy début février, Jean-Marc Astorg estime que "ce lancement inaugural était une réussite" pour tout ce qui concerne "le fonctionnement global de la fusée et la mise en orbite". En revanche, selon le directeur des lanceurs au CNES, "il reste du travail pour la récupération du corps central. C'est un paramètre important car c'est ce qui va permettre de démontrer l'intérêt économique de cette fusée Falcon Heavy". Deux boosters latéraux sont bien revenus sur la terre ferme, non loin du pas de tir, mais le corps central, lui, n'a pas été récupéré sur une barge en mer comme prévu. L'objectif d'Elon Musk était également de récupérer la plus grande partie du lanceur.

Pour Jean-Marc Astorg, "le Big Falcon Rocket est un projet ambitieux de SpaceX pour aller sur Mars mais aussi pour transporter des passagers de façon extrêmement rapide sur Terre de point à point (New-York/Tokyo en une heure)". Il estime que "pour que le projet soit économiquement viable, SpaceX doit pouvoir récupérer le 1er et le 2e étage de la fusée". Or, le deuxième étage ira dans l'espace et atteindra donc les 27.000 km/h en orbite. "Il y a un vrai débat, explique-t-il, car autant on peut imaginer facilement la récupération du 1er étage (qui ne quittera pas l'atmosphère terrestre, NDLR), pour le 2e c'est une autre paire de manches. Il faudra lui faire effectuer des manœuvres de rentrée atmosphérique et aussi l'équiper avec des protections thermiques, du matériel coûteux. On verra si les promesses économiques sont tenues".

"Ce qu'on doit faire maintenant, c'est foncer !"

Face à la réussite de SpaceX, Jean-Marc Astorg préconise à l'Europe de "foncer". Le CNES a des projets pour rattraper le temps perdu même si, souligne-t-il, "nous ne misons pas tout sur la récupération". "Au CNES, nous avons bien plus qu'un projet en ce qui concerne la réutilisation, nous avons une véritable feuille de route sur laquelle nous travaillons avec ArianeGroup (l'opérateur des lancements d'Ariane, ndlr), l'ESA (l'agence spatiale européenne) et nos partenaires européens, pour étudier une famille de lanceurs deux fois moins chers que la future Ariane 6 et dont la réutilisation sera un facteur de réduction des coûts". En filigrane, le directeur des lanceurs au CNES semblerait estimer que la version Ariane 6, qui va arriver en 2020 sur le marché, est déjà hors du coup.

Au-delà d'Ariane 6, la nouvelle famille de lanceurs européens Ariane Next nécessite l'arrivée d'un nouveau moteur. En partenariat avec l'ESA et d'ArianeGroup, le CNES développe le moteur Prometheus, qui sera dix fois moins cher que l'actuel Vulcain d'Ariane 5 et qui sera conçu pour être réutilisable. "Prometheus est la pierre angulaire de nos lanceurs du futur, ce qu'on a appelé la génération Ariane Next", assure Jean-Marc Astorg.

Pour ce qui est de la récupération d'étages, le CNES et l'Onera travaillent avec l'Allemagne (DLR) et le Japon (JAXA) sur le programme Callisto, un tout petit véhicule spatial qui aura pour mission en 2020 de revenir sur terre à partir d'un lancement du Centre Spatial guyanais. Ensuite, le CNES travaille sur Thémis, un véhicule dix fois plus gros que Callisto qui pourrait être testé en 2025 avec le moteur Promotheus. "On verra ensuite si on applique cette technologie de réutilisation à Ariane 6 ou plus tard à Ariane Next", explique Jean-Marc Astorg. Pour conclure, il estime que la "feuille de route est donc claire, cohérente et partagée par nos partenaires européens". En espérant que le retard ne soit pas irrattrapable.

Michel Cabirol

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Commentaires 32
à écrit le 06/03/2018 à 22:41
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Mais faut pas s'énerver comme ça mon bichon, tout le monde y peut pas être aussi intelligent que toi. Si l'explication du Monsieur elle est pas passée, peut être qu'y a une raison. Allez, ça ira mieux la prochaine fois. PS: si l'adieu pouvait être...

le 07/03/2018 à 10:55
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Je partage votre avis que certains contributeurs de ce site ne se complaisent que dans la critique, la dénonciation d'un monde corrompu ou d'incompétents alors que tout simplement ils ne comprennent pas, mélangent tout, font des fixations ou des lub...

à écrit le 06/03/2018 à 17:34
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Eh oui ! Il faut que l'Europe se secoue et n'ait pas peur de se lancer dans des développments exploratoires avec des démonstrateurs qui volent! Il faut que les politiques qui décident des financements contraignent leur adminsitration à investir dans ...

le 06/03/2018 à 22:43
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'Elles donnent des avis honnétes, désintérréssés et surtout socieux de l'intérêt des Etats tant stratégique qu'économique ou social. ' Sans rire?

le 06/03/2018 à 23:19
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L'agence tous risques c'est vraiment la dernière chance au dernier moment C'est toi Hannibal ?

le 08/03/2018 à 7:21
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le but de l’Europe avec Ariane est de faire avant tout du business commercial rien d'autres. avec Ariane il n'y a aucun espoir de conquête spatiale , n'y d'envoyer des cosmonautes , dans l'espace, d’ailleurs il en serait bien incapable actuellement...

à écrit le 06/03/2018 à 12:23
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A la decharge du CNES 1) les concurrents US de SpaceX n'avaient rien vu venir non plus 2) plusieurs nouveaux entrants etaient venu et avaient disparu dans les annees 90-2000 apres avoir promis monts et merveilles (Conestoga, Beal Aerospace, Kistler, ...

à écrit le 06/03/2018 à 6:01
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Eh oui ...SpaceX est un succès ..! Cependant , baisser un peu notre niveau d'arrogance ( très franchouillarde ) , c'est dejà une grande étape , que manifestement le CNES franchit ; après Stephane Israel ( pdg d'Ariane espace ) en Janvier , quand il ...

le 08/03/2018 à 10:14
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sauf que le sieur Stéphane israel avait dit que la récupération, des conneries , qui ne servent a rien. je vois qu'il tourne sa veste depuis......

à écrit le 05/03/2018 à 21:41
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"Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation." Hello, y'a quelqu'un?

à écrit le 05/03/2018 à 19:03
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En ouvrant la bouche Jean-Marc Astorg vient de prouver son incompétence. Il avoue que les projets de récupération de fusées existent depuis les années 70, mais que personne n'a tenté de réaliser ce projet. Les experts croyaient que c'était presque im...

le 06/03/2018 à 3:34
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Il y eu des ébauches et des brouillons dans les projets de bureaux d'études divers présentés a la l'USAF et de la NASA des la fin des années 60. Mais l'informatique n'était pas assez puissante pour calculer précisément le comportement lors des retour...

le 06/03/2018 à 6:11
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et oui ...! mais la bonne nouvelle c'est que ..l'on va remettre les pieds sur terre ( sans jeu de mot ) ; Les choses impossibles ne le sont souvent que pour les " grands specialistes " ...: sachez que ...après le succès des casettes audio , Phillip...

à écrit le 05/03/2018 à 18:04
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depuis 2002 création de espace x , une toutes petite entreprise de 5000 salariés, damne le pion , au géant européen , qui laconiquement nous disait , space x c'est du vent.

le 05/03/2018 à 19:08
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2002 ? ouah c'est pas d'hier en plus, ils ne nous ont pas pris en traitres, on pourra pas dire on savait pas... enfin si ! :) on savait pas faire :)

à écrit le 05/03/2018 à 12:54
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Depuis toujours et dans de nombreux secteurs technologiques l’Amérique fait la course en tête. Une majorité écrasante des sciences et techniques de l'ingénieur sont et ont été développées en Angleterre ou aux US. L’Europe (hors uk) enseigne donc de...

le 07/03/2018 à 10:14
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Space X a via la Nasa un "volume de lancement garanti", sans commune mesure avec ceux garantis à Ariane. Cette visibilité sur le nombre de lancement permet de faire des investissements qui ne font pas sens si vous faites 10 lancements par an.

le 07/03/2018 à 13:18
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Ah bon ? "Nombre de lancements, chiffre d’affaires, prises de commandes, part de marché… L’année 2015 a été une année record pour l’opérateur commercial européen d’Ariane 5" "Lancement de satellites : et c'est toujours Arianespace qui gagne à l...

à écrit le 05/03/2018 à 11:46
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comme toujours les francais se croient les meilleurs au monde et ils sont les seuls à avoir des idées (surtout les foncitons et zelites politiques). résultat : ariane 6 sera encore à faire des lancements sans rien récupérer des lanceurs/boosters t...

le 05/03/2018 à 12:23
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Comme toujours, ceux qui savent ne parlent pas, ceux qui parlent ne savent pas... On en est réduit à beaucoup de spéculation sur Space X, comme sur les projets Ariane. La navette spaciale US a échoué à cause des coûts énormes de remise en service ap...

le 05/03/2018 à 14:13
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La france à le mérite de prendre des initiatives et d'avoir la seule politique d'indépendance en europe vis à vis des états unis. Les allemands et les italiens par exemple ont developpé leurs concepts spatiaux à partir de systèmes américains fabriqué...

à écrit le 05/03/2018 à 8:59
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L'Europe, campée sur son dumping fiscale et social, inaudible sur la scène internationale, qui continue en force de se faire contre ses peuples n'est plus qu'un cadavre qui laisse tout se détérioré. La réussite de space x est également à chercher...

le 05/03/2018 à 9:57
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Vous nous dites que du fait qu'Ariane est peut être entrain de rater un saut technologique, il faut quitter l'Europe. Sans l'Europe, Ariane n'aurait jamais existé. Alors, 100 fois non, car quitter l'Europe c'est abandonner tout espoir d'une quelq...

le 05/03/2018 à 12:23
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"Vous nous dites que du fait qu'Ariane est peut être entrain de rater un saut technologique, il faut quitter l'Europe. " Non c'est l’accumulation des échecs économiques et sociaux qui me dit qu'il faut vite quitter l'europe mais je ne vais pas le...

le 05/03/2018 à 12:44
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On parle de l'intérêt ou pas de développer des lanceurs réutilisables, vous ouvrez le sujet sur l'adhésion ou pas à l'UE. L'Europe quoi que vous en pensiez, est un havre de prospérité, de liberté, le seul continent du monde qui a réussi à se réconci...

le 05/03/2018 à 13:23
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"On parle de l'intérêt ou pas de développer des lanceurs réutilisables, vous ouvrez le sujet sur l'adhésion ou pas à l'UE." Ah d'accord ce qui vous embête c'est que je parle de l'incompétence et la compromission de l'europe alors que pourtant aya...

le 05/03/2018 à 20:38
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'Et donc cela relativise en quoi son échec svp ?' Merci de nous expliquer en quoi le programme Ariane est un échec?

le 06/03/2018 à 10:28
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Bon je vous ai répondu mais je ne sais pas pourquoi ma réponse n'a pas été validée, votre commentaire ne valant pas deux réponses je vous ai signalé. Les non comprenants volontairement j'en ai plein les bottes, adieu.

le 10/03/2018 à 18:49
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Ariane va se faire bouffer , par les chinois, par les indiens , et même par les japonais, que dire d'autres....

à écrit le 05/03/2018 à 8:26
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La frilosité et la tendance au status quo des europeens dans de nombreux domaines technologiques les conduiront à leurs pertes. Les télécommunications en sont un autre exemple avec un retard sur la 4G et une absence totale sur la 5G. Les responsables...

le 05/03/2018 à 10:00
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Ce que vous évoquez n'est pas un pb européen, c'est le pb de toute entreprise bien installée qui vit sur une rente de situation. IBM, GE, Mac Do et coca sont de grandes entreprises américaines qui se complaisent dans la facilité et le non-risque, e...

le 05/03/2018 à 18:04
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Sauf erreur de ma part, la 5G vient de commencer son évaluation dans 5 villes de moyennes importance en France.

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