Comment l'affaire Bettencourt modifie la donne à la tête de L'Oréal

L'affaire Bettencourt permet à l'actuel directeur général Jean-Paul Agon de se libérer de l'emprise de son prédécesseur Lindsay Owen Jones, affaibli par sa proximité avec la milliardaire et son photographe.

"L'affaire Bettencourt, quoique très regrettable, n'a pas d'impact sur la marche de l'entreprise, nos résultats le confirment." Le DG Jean Paul Agon n'a pas caché sa mauvaise grâce à répondre aux questions des journalistes lors de l'annonce de ses résultats semestriels ce jeudi. Difficile pourtant de les éluder, alors que l'affaire de son actionnaire majoritaire rattrape l'Oréal de toutes parts. Après la plainte pour abus de biens sociaux déposée en juillet par un petit actionnaire contre les généreuses rétributions (710.000 euros par an) attribuées par le groupe de cosmétiques au photographe et ami de Liliane Bettencourt, François Marie Banier, ce sont les syndicats de l'entreprise qui s'y mettent, promettant de poser les questions qui dérangent lors du prochain comité central d'entreprise fin septembre.

"Nous laissons la justice mener son enquête", tente déjà d'éluder Jean-Paul Agon. Dans les usines, les ouvriers pressurisés par les réductions de coût, en profitent, eux, pour dénoncer la multiplication des cessations anticipées d'activité (départ dès 55 ans) imposées par la direction et des conditions de travail jugées plus difficiles. "200 personnes vont partir discrètement du site de Lassigny d'ici la fin de l'année et les emballages et étiquettes de moindre qualité entraînent des ruptures de chaîne bien plus fréquentes", dénonce en vrac le délégué CFDT.

Plus grave pour Jean-Paul Agon, les propos tout en nuance de l'ex patron de Nestlé, Peter Brabeck, interviewé récemment dans un journal suisse, relance les spéculations sur l'avenir de la participation de Nestlé dans le groupe français. "Le conseil d'administration m'a demandé de réfléchir aux formes que pourrait prendre le développement à long terme de cette participation", a-t-il déclaré. Pour Jean-Paul Agon, cette interview est "un non-événement." Le pdg rappelant que Nestlé ne cesse d'assurer respecter son engagement de ne pas bouger du vivant de madame Bettencourt et six mois après sa disparition.

Pourtant, l'arrivée à échéance en 2011 du mandat de celle-ci au sein du conseil d'administration de l'Oréal pourrait encore ajouter aux polémiques. Sera-t-elle reconduite à plus de 88 ans ? Si non, sa fille Françoise Meyers, une fois la voie libre, facilitera-t-elle l'entrée plus grande de Nestlé au capital, elle qui est soupçonnée, malgré ses dénégations, d'être plus favorable au groupe suisse.

Face à toutes ces questions, Jean-Paul Agon reste pourtant serein. Lui qui peinait à se détacher de la tutelle de son prédécesseur, Lindsay Owen-Jones, sort finalement renforcé de l'affaire, par le fait même que le président non exécutif en est affaibli. C'est en effet Lindsay Owen Jones qui a piloté en direct le contrat avec François-Marie Banier il y a neuf ans. Lui encore qui a touché 160 millions d'euros en "cadeau" de Liliane Bettencourt. "Il était une légende intouchable en interne, cela le fait redescendre de son piédestal", souffle un cadre dirigeant du groupe. Pour le moment, personne n'ose demander la tête de celui qui a passé 20 ans à la tête du groupe et fait sa fortune. Mais l'actionnaire Nestlé, pourrait avoir moins de scrupules et demander des comptes si l'abus de bien social est confirmé. En attendant, Jean-Paul Agon récolte désormais les lauriers des analystes et des cadres de l'entreprise. Tous savent qu'il a hérité en 2006 d'une entreprise mal en point, malgré les bons chiffres apparents. "Owen Jones, parti quatre ans trop tard, ne s'occupait plus des sites de production et ajustait les budgets publicité pour offrir la fameuse croissance à deux chiffres", explique à la Tribune un analyste qui préfère garder l'anonymat. Les bons chiffres de ce trimestre (résultat d'exploitation de +21,4%) sont d'autant plus louables qu'ils arrivent après de lourdes restructurations et réductions de coût. Pour Agon, la crise a aussi eu la vertu de balayer le référentiel de la fameuse croissance à deux chiffres qui collait au doigt de L'Oréal depuis 24 ans.
 

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