Décès de Karl Lagerfeld : quelles conséquences pour l'avenir de Chanel ?

Le directeur artistique de Chanel, la "rock-star" planétaire de la mode, est mort le 19 février 2019 à Neuilly-sur-Seine. Chanel, la maison de couture qu'il avait aidé à redynamiser après son arrivée en 1983, pourrait-elle en pâtir économiquement et se retrouver en panne de créativité ?
Laurent Lequien
Le couturier Karl Lagerfeld.
Le couturier Karl Lagerfeld. (Crédits : Reuters)

Karl Lagerfeld, icône mondiale de la mode et emblématique directeur artistique de Chanel pendant 35 ans, s'est éteint à l'âge de 85 ans après avoir régné pendant plus de 60 ans sur le monde de la couture, a-t-on appris ce mardi 19 février de source proche de la maison de couture.

Celui que l'on surnommait le "Kaiser" ou "King Karl" avait fait ses débuts chez Balmain puis Patou et Chloé, avant de rejoindre la griffe italienne Fendi en 1965, et Chanel en 1983. Il créa sa propre marque à partir de 1984.

Pour le grand public, le nom de Lagerfeld reste indissociable de Chanel. Quand il entre en 1983 rue Cambon, la maison de couture est vieillissante. Avec lui, elle redevient jeune et désirable. Pendant plus de 30 ans, il réinvente la griffe chaque saison, jouant avec ses codes, à commencer par le fameux tailleur. Il savait mieux que personne capter l'air du temps. Comme en 2004 quand il avait dessiné une collection pour le géant suédois du prêt-à-porter H&M, une démarche ensuite imitée par de nombreux créateurs.

Virginie Viard, bras droit du couturier allemand depuis plus de 30 ans, va lui succéder à la direction artistique.L'actuelle directrice du studio de création de mode de Chanel va ainsi "continuer de faire vivre l'héritage de Gabrielle Chanel et de Karl Lagerfeld", a précisé Chanel. Cette nomination devrait cependant être transitoire, selon plusieurs sources.

"Chanel est tellement associée à Karl Lagerfeld que son remplacement ne peut pas se faire du jour au lendemain. Il faut que la marque ait le temps de la respiration", a dit une des sources.

Selon une autre, Chanel souhaite laisser passer "tout le temps nécessaire au deuil" avant d'annoncer le nom du futur couturier de la rue Cambon, qui serait déjà choisi. Parmi les designers potentiels, le nom de Pheobe Philo, ex-directrice artistique de Céline, a été souvent cité.

Avec la disparition du couturier, Chanel peut-elle préserver son indépendance ?

Chanel est l'une des rares maisons à rester non cotée en Bourse. Son capital est préservé des opérations offensives de mainmise. Créée par Coco Chanel en 1910, l'institution a été rachetée par les frères Pierre et Paul Wertheimer en 1954 pour commercialiser le parfum Chanel n°5. Depuis lors, l'entreprise est toujours restée dans la famille et, dans un souci d'indépendance, n'a jamais révélé ses chiffres. L'entretien singulier de cette « culture de la discrétion » lui permet de conserver son autonomie et de masquer des résultats parfois baissiers.

En juin 2018, le groupe met « les chiffres sur la table pour démontrer notre santé financière, qui nous donne les moyens de garantir notre indépendance », comme l'expliquait le directeur financier Philippe Blondiaux. Chanel obtient ainsi en 2017 d'excellents bilans financiers avec un résultat opérationnel de 2,7 milliards de dollars.

Défenseur du luxe « Made in France », la maison Chanel communique largement sur sa stratégie de sécurisation de son activité en rachetant ses fournisseurs et en investissant massivement à la préservation des métiers d'arts. Le groupe, via sa filiale Paraffection, commence à racheter en 1985 ses fournisseurs. La maison intensifie largement sa cadence de rachat, à partir de 2012, avec une augmentation de 15% de ses investissements en 2017, dans les métiers haut de gamme où le savoir-faire se raréfie : bottiers, plumassiers, tanneries, gantiers, brodeurs, orfèvres, chausseurs, etc.

Lire aussi : Les indécents dividendes des frères Wertheimer, propriétaires du groupe Chanel

La marque a su jusqu'à présent préserver son indépendance par une stratégie de conquête. Cependant, l'ombre d'un rachat par les conglomérats plane toujours à l'heure où la marque prépare sa relève, son équipe dirigeante et le décès de son célèbre couturier. Ce passage de témoin s'annonce comme un défi majeur pour Chanel qui pourrait traverser, ces prochaines années, une période de grande fragilité.

Laurent Lequien

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 3
à écrit le 21/02/2019 à 10:31
Signaler
Personnellement je préfère pleurer pour les citoyens français qui, sous l’état autoritaire policier Macron/castaner, sont morts/mutilés/éborgnés ou tout simplement violentés parce qu’ils réclament une once de démocratie: le RIC. Le référendum d’initi...

à écrit le 20/02/2019 à 13:57
Signaler
Il n’y a pas que le fric qui compte. Paix à son âme et hommage à cet artiste : M.Karl Lagerfeld avec cette phrase de Coco Chanel : «  je n’en ai rien à faire de ce que vous pensez de moi car moi je ne pense pas du tout à vous »( tellement vrai, cett...

à écrit le 19/02/2019 à 15:14
Signaler
Le fait que la société ne soit pas cotée la protège beaucoup de cette information étant donné que le décès de celui qui fait tourner la boutique ne peut que lui faire énormément de mal, des actionnaires en entendant cela vendraient rapidement, soit i...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.