Guerre en Ukraine : Moët Hennessy, Lanson... les grands champagnes disparaissent du marché russe

Les viticulteurs champenois se désolent de la situation en Ukraine et en Russie. Ces exploitants français se trouvent face à l’impossibilité financière (paiements internationaux) ou morale (politique, déontologie) de faire commerce avec la Russie. Résultat, le marché s'effondre à l'exportation mais les conséquences économiques restent limitées pour l'appellation champagne. En valeur absolue, la perte de ce marché ne représente que 35 millions d'euros par an.
Les consommateurs russes étaient de grands amateurs de champagne rosé, de cuvées spéciales et de bouteilles millésimées.
Les consommateurs russes étaient de grands amateurs de champagne rosé, de cuvées spéciales et de bouteilles millésimées. (Crédits : SHAMIL ZHUMATOV)

Deux crises russes en une seule année ! Après avoir perdu le droit d'utiliser leur appellation, prohibée en juillet 2021 par Vladimir Poutine dans un amendement de la loi sur la réglementation des boissons alcoolisées, les bouteilles de champagne se trouvent de facto bannies du marché russe depuis la guerre en Ukraine. LVMH, maison-mère de Moët Hennessy et principal exportateur de champagne en Russie, a fermé depuis le 6 mars toutes ses boutiques dans le pays. Lanson, quatrième exportateur en Russie avec 130.000 bouteilles expédiées en 2021, a annulé la semaine dernière sa visite prévue à son importateur local, et suspendu ses prochaines expéditions. "Le rouble s'effondre et les sanctions économiques vont ruiner le pays. C'est simple, notre importateur, est pris en otage par son gouvernement mais il ne peut pas réellement s'exprimer. Je m'attends à un très fort ralentissement, voire à un arrêt complet de nos opérations en Russie", prévoit François Van Aal, président de Champagne Lanson.

Avec 1,884 million de bouteilles expédiées en 2020 pour un chiffre d'affaires de 35 millions d'euros, le marché russe apparaît au quinzième rang du classement des exportations établi par le Comité interprofessionnel du vin de Champagne (CIVC). En valeur absolue, la perte de ce marché ne représente que 35 millions d'euros par an. Une goutte d'eau par rapport aux 4,2 milliards d'euros de chiffre d'affaires de la profession en 2020. L'Ukraine, autre marché perdu, représentait 184.000 bouteilles expédiées (5,1 millions d'euros en valeur) en 2020. "La guerre affecte davantage notre moral que le volume de nos ventes", confirme François Van Aal. "Les producteurs de champagne ne veulent pas interférer avec un sujet aussi grave en donnant l'impression qu'ils sont nombrilistes", insiste Charles Goemaere, directeur du CIVC.

Se couvrir face aux impayés

La Russie est pourtant un marché haut de gamme, où les vins de champagne s'adressent à une élite qui a pour habitude de déguster des cuvées spéciales. Les Russes sont également friands de champagnes rosés, une qualité dont ils couvrent à eux seuls 15 % des exportations. La morosité pourrait toucher bientôt les pays voisins de l'Ukraine, entraînant une chute en cascade des marchés d'Europe centrale.

La logistique, qui s'effectue par camions et transite par les Etats baltes, a été mise à l'arrêt dès le début de la guerre. Les expéditions étant bloquées, aucune maison et aucun négociant champenois ne devrait craindre un impayé de la part des importateurs en Russie. "Les factures sont généralement réglées avant le départ des bouteilles sur nos quais. Et pour nous couvrir à l'export, nous avons des assurances", rappelle Christine Scher-Sévillano, vice-présidente de la Fédération régionale des vignerons indépendants de la Champagne.

Yves Couvreur, président de ce syndicat professionnel, est pourtant inquiet. "Nous avons profité du salon de l'agriculture, la semaine dernière à Paris, pour interpeller nos élus européens sur la nécessité de mettre en place un fonds de compensation pour les vignerons. Nous ne voulons pas être perdants sur le marché russe où des confrères ont engagé de grands risques commerciaux", prévient-il. En avril 2021, après les sanctions commerciales imposées par les Etats-Unis (25 % de droits de douane sur les vins tranquilles) dans le cadre du différend Airbus-Boeing, les vignerons indépendants européens avaient déjà demandé à la Commission européenne que de telles subventions exceptionnelles leur soient accordées. Leur courrier envoyé à Ursula von der Leyen était resté sans réponse.

Expédition sabordée

Jérôme Groslambert, responsable d'une exploitation familiale sur 5,5 hectares dans la Montagne de Reims, n'a pas demandé de subvention mais il a décidé de saborder ses exportations vers la Russie. "Ceux qui mènent cette guerre pourraient potentiellement boire mon champagne. Moralement, je ne peux pas. J'ai trois palettes qui attendaient d'être expédiées la semaine dernière. Elles ne partiront pas", a-t-il prévenu. La Russie représentait 7,5 % de ses ventes, tous marchés confondus. "La Champagne ferait mieux de se retirer de ce marché. Les dirigeants russes se sont déjà montrés irrespectueux à notre égard en s'adjugeant le droit de retirer notre nom des étiquettes", observe un consultant spécialisé dans la commercialisation des vins de la région. La contre-étiquette mentionnant en caractères cyrilliques la qualité de "vin mousseux" est restée en travers de la gorge des promoteurs des prestigieuses bouteilles françaises.

Lire aussi 4 mnEn Russie, dernier jour pour le champagne avant de perdre son appellation

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Commentaires 2
à écrit le 10/03/2022 à 8:24
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C'est beaucoup 35 millions mais le champagne reste un liquide largement surcoté là pour faire croire aux riches qu'ils auraient du goût en achetant très cher des produits BCBG car incapables de déguster et de différencier de véritables bons vins. Pau...

à écrit le 09/03/2022 à 20:28
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Le champagne est d'autant plus grand qu'il contient de gaz carbonique...

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