Antibiotiques : les industriels plaident pour de nouvelles règles du jeu

Entre faible rentabilité et incitations à moins consommer, les laboratoires hésitent à relancer la recherche.
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Les antibiotiques, bientôt considérés comme des médicaments orphelins ? L'idée semble farfelue s'agissant d'une des classes de médicaments les plus consommées en France. Et pourtant, les laboratoires se verraient bien attribuer ce statut spécifique, qui prévoit notamment des prix plus élevés et une extension de la durée du brevet des médicaments. "Pour relancer la recherche, il est nécessaire de mieux la rémunérer", plaide Christian Lajoux, le président du Leem, le syndicat patronal des laboratoires en France.

Le problème n'est pas nouveau, mais il s'aggrave : les antibiotiques ont été consommés à grande échelle à partir des années 1980-1990 pour traiter les infections bactériennes. Résultat : des bactéries résistantes ont émergé, qui rendent les traitements actuels de moins en moins efficaces, notamment à l'hôpital. Quelque 25.000 décès par an sont imputables aux bactéries multirésistantes en Europe, pour des coûts de soins estimés à 1,5 milliard d'euros. Et encore, la situation reste sous contrôle dans les pays développés, grâce à des campagnes de sensibilisation comme le célèbre "Les antibiotiques, c'est pas automatique" de l'assurance-maladie française. Mais les pays émergents sont aujourd'hui les premières victimes, car ces médicaments, génériqués, y sont largement administrés.

De nombreux génériques

"Pour l'heure, les pandémies mondiales sont arrivées par des virus - SRAS, H1N1... -, mais si une bactérie multirésistante se révélait hautement pathogène, la situation pourrait devenir dramatique", souligne Florence Séjourné, directrice générale de DaVolterra, une start-up de recherche spécialisée dans la réduction de ces résistances.

Pourtant, les laboratoires ont longtemps rechigné à se lancer à la recherche de nouveaux traitements. En 2009, le marché mondial était estimé à 42 milliards de dollars, soit 5% du marché pharmaceutique, en hausse de seulement 4% par an, contre plus de 16% pour les antiviraux ou les vaccins, selon la revue Nature. C'est que le secteur n'est guère rentable. Les traitements ne durent "que" cinq à sept jours en moyenne, bien loin de ceux des maladies chroniques (diabète, sida). Et les prix sont bas, car la plupart des produits sont génériqués. Surtout, les industriels font face à une contradiction : "on leur demande de faire des recherches et une fois le médicament sur le marché, d'en faire consommer le moins possible pour limiter les résistances !", souligne Jacques de Tournemire, associé au cabinet Nextep, qui prône des "modèles alternatifs de rémunération" des laboratoires, comme l'allongement des brevets.

En attendant, les nouveaux produits restent rares. En 2010, sur 57 antibiotiques en développement dans le monde, seuls cinq étaient en phase d'enregistrement et trois en phase III (la dernière). Les autorités de santé préfèrent insister sur le bon usage de ces produits. Et dans le contexte actuel de restrictions budgétaires, il est peu probable que les Etats acceptent de mettre la main à la poche pour l'industrie pharmaceutique.

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Commentaires 4
à écrit le 19/11/2011 à 13:34
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BACTERIES "VOYOUS" ET ANTIBIOTIQUES PRESUMES "RIPOUX" INTERPELLES LORS D'UNE CONFERENCE DE PRESSE SUR L'ANTIBIORESISTANCE C?est dans les locaux de l?Assurance Maladie du Val-de-Marne, à Créteil, que les bactéries "voyous" et des antibiotiques prés...

à écrit le 18/11/2011 à 11:32
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ben oui c'est beau la science, la gloire de découvrir qq chose d'utile mais pas des plus rentable.. Non, parce que 4%.. c'est pas assez.. rien n'est interessant de nos jours pour qui ne fait pas 20% par an.. y'a que nous petits epargnants qui sommes ...

le 18/11/2011 à 13:15
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Vous semblez oublier que les chercheurs doivent être payés !

à écrit le 18/11/2011 à 8:26
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Voilà qui est remarquable à plus d'un titre: le dispositif répressionel que l'état fait subir aux automobilistes depuis des années pour sauver 5000 vie humaines par an comparé au nombre de victimes de la mauvaise gestion de la santé publique,mauvaise...

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