Après-Brexit : les craintes des industries de la santé

Le Brexit entraîne de nombreuses incertitudes, notamment législatives, pour l'industrie pharmaceutique, mais aussi pour les fabricants d'appareils médicaux ou encore les scientifiques. Mais les questions sont plus nombreuses que les réponses, aujourd'hui, estiment les cabinets d'avocats.
Jean-Yves Paillé
AstraZeneca a mené une campagne active contre le Brexit, s'inquiétant d'une délocalisation de l'Agence européenne des médicaments.

Trois semaines après le vote des Britanniques, les différents secteurs économiques, inquiets des suites du Brexit, s'orientent massivement vers les cabinets d'avocats, selon le Financial Times. KPMG a même annoncé la création d'un "Head of Brexit", c'est-à-dire la nomination d'une personne à la tête d'un service dédié à la gestion du Brexit.

Pour le moment, comme le sous-entend le cabinet d'avocats Covington & Burling, il y a  plus de questions que de réponses. En effet, l'article 50 du Traité de Lisbonne, qui évoque le cas d'une sortie d'un pays de l'UE, prévoit des négociations avec l'Union européenne pouvant durer jusqu'à deux ans. Il faudra donc attendre la fin de cette période pour connaître les vrais changements que le Brexit impliquera. Pour les industries de la santé et les scientifiques, la situation à court terme ne change pas, mais les préoccupations sont nombreuses, notamment chez ces derniers.

La question du marquage CE

Les fabricants d'appareils médicaux se demandent si leurs produits pourront toujours obtenir le marquage CE lorsque le Brexit sera complètement acté. Pour rappel, cette procédure permet à leurs produits d'être vendus au seins de l'UE. Il est néanmoins possible de bénéficier du marquage CE hors de l'UE, c'est-à-dire dans l'espace économique européen, ce qui est le cas de la Norvège par exemple. Le Royaume-Uni devra sinon passer des accord bilatéraux, pour s'entendre avec Bruxelles pour pouvoir commercialiser ses appareils médicaux au sein de l'Union européenne.

Restera dans ce cas la question de l'arrivée de nouvelles régulations des appareils médicaux, prévues pour 2019, et des outils de diagnostics in vivo en 2021 par l'Union européenne, régulations qui pourraient... ne pas être appliquées par le Royaume-Uni. De fait, les industriels ne savent pas encore s'ils doivent adapter leurs produits à ces nouvelles législations ou si celles-ci seront caduques, ce qui peut leur poser des problèmes de stratégie et de production, estime le cabinet d'avocats Hogan Lovells.

Les scientifiques craignent de perdre des partenariats

Quant aux scientifiques britanniques, ils sont très inquiets en ce qui concerne l'avenir du financement de leurs programmes de recherche et pour la suite de leurs collaborations avec l'Union européenne. Selon The Guardian, en raison des doutes sur la possibilité du Royaume-Uni à bénéficier des subventions européennes à l'avenir suite au Brexit, certains partenaires de l'Union européenne refuserait désormais de travailler en collaboration avec des chercheurs britanniques. Les chercheurs britanniques reçoivent en effet pas moins de 1 milliard de livres par an de programmes de l'Union européenne, rappelle le journal britannique.

Par ailleurs, les scientifiques évoquent des difficultés pour recruter des chercheurs de talent, inquiets de la sortie du Royaume-uni de l'Union européenne, rapporte le magazine Science.

Perte d'influence avec le départ de l'Agence européenne du médicament ?

Autre sujet d'inquiétude, relayé régulièrement par les industriels du médicament: la situation de l'Agence européenne des médicaments (EMA), chargée d'autoriser la mise sur le marché des nouveaux médicaments. Suite au Brexit, cette dernière va devoir déménager. Plusieurs villes, dont Strasbourg et Milan, se sont portées candidates pour l'accueillir.

Les industries pharmaceutiques prédisent une perte d'influence du Royaume-Uni auprès des big pharmas à l'international, puisque le pays n'accueillera plus l'agence. Ils évoquent un accès plus difficile aux médicaments dits innovants, puisque le marché britannique ne serait plus une priorité pour l'industrie pharmaceutique suite à la relocalisation de l'institution. En réalité, comme le souligne la BBC, si le Royaume-Uni intègre l'Espace économique européen, cela ne changera rien en termes de régulation, car il pourra bénéficier des autorisations de mise sur le marché décidées à l'EMA. Mais s'il rompt avec l'Europe, il devra recourir à sa propre régulation.

Concernant les essais cliniques en cours, et l'autorisation de mise sur le marché européen par l'EMA, le cabinet d'avocats Hogan Lowells rappelle que beaucoup d'entre eux s'achèveront pendant les deux ans attendus de négociation entre le Royaume-Uni et l'Union européenne pour déterminer les futures relations entre les deux parties.

Pour les autres essais, l'incertitude reste de mise. Tout dépendra une nouvelle fois de l'intégration ou non du Royaume-Uni dans l'Espace économique européen. En cas de rupture avec l'UE, les essais cliniques en cours risquent de devoir passer par une régulation britannique.

Jean-Yves Paillé

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Commentaire 1
à écrit le 18/07/2016 à 10:08
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Il y a un autre problème: les essais pharmaceutiques et études clinique utilisent des données de patients, couvertes par le secret médical et protégées par le droit européen. Si les directives européennes ne s'appliquent plus, personne ne voudra plus...

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