Cancérologie : Gilead a-t-il trouvé le relais de croissance qu'il attendait ?

Gilead a obtenu le feu vert de la FDA pour commercialiser une thérapie contre le cancer basée sur l'édition du génome. Avec ce traitement contre un type de lymphome, vendu à 373.000 dollars par patient, le laboratoire américain, touché par la concurrence dans l'hépatite C, espère retrouver le sommet. Pas sûr que cela suffise.
Jean-Yves Paillé

Deux mois après le Kymriah de Novartis, un nouvel anticancéreux basé sur la modification du génome a été approuvé par l'Agence américaine des médicaments, jeudi 19 octobre, signe de feu vert à sa commercialisation outre-Atlantique. Le Yescarta (Zuma-1) est un traitement dédié à un cancer du sang, le lymphome diffus à grandes cellules B. Il est développé par Kite Pharma, racheté récemment par Gilead Sciences pour 11,9 milliards de dollars. Cette méthode thérapeutique, appelée CAR-T, consiste à modifier les lymphocytes T (ou cellules T) d'un patient in vitro pour les aider à reconnaître l'antigène d'une tumeur et attaquer celle-ci. Selon les derniers résultats cliniques disponibles, Yescarta obtenait des taux de rémission complète (absence de présence de la maladie) sur 54% des patients, et rémissions partielles sur 28%. Mais avec le suivi médian de 8,7 mois, le taux de rémission complète tombait à 39%. Des taux plutôt élevés pour des cancers traités à des stades très avancés, sans autres alternatives thérapeutiques.

En rachetant Kite Pharma, Gilead a gagné un pari: devenir un nouvel acteur en oncologie, avec un premier traitement sur le marché, sans prendre de retard sur les leaders actuels, Roche, Celgene ou Novartis, en terme d'innovation thérapeutique.

L'oncologie visé comme vecteur de croissance

Si Gilead mise autant sur l'oncologie, c'est pour en faire un nouveau relai de croissance. Après avoir atteint un pic de ventes de 2015 à 32,639 milliards de dollars, dopé par ses traitements contre l'hépatite C (jusqu'à 19 milliards de dollars de ventes annuelles en 2015), son chiffre d'affaires est retombé à 30,39 milliards de dollars l'année dernière. La progression des ventes de ses traitements contre le VIH, son autre activité phare, n'a pas pondéré la chute des ventes de molécules contre l'hépatite C en raison de la concurrence des laboratoires MSD et Abbvie dans le domaine.

L'action de Gilead, au plus haut à la mi-2015, proche des 120 dollars, est retombée aux alentours de 80 dollars aujourd'hui, malgré la promesse de l'arrivée de nouveaux antirétroviraux et produits pour guérir tous les génotypes de l'hépatite C.

Un traitement à 373.000 dollars, suffisant pour être un relais de croissance ?

L'anticancéreux innovant de Kite Pharma, dont le prix est fixé à 373.000 dollars, peut-il permettre à Gilead de retrouver les sommets de 2015 ? Le nombre de patients traités déterminera si ce dernier fera figure de blockbuster (plus d'un milliard de dollars de ventes annuelles).

Aux Etats-Unis, 200.000 personnes sont touchées par le lymphome diffus à grandes cellules B (30 à 40% des 662.000 patients touchés par les lymphomes non hodgkiniens en 2014). Parmi ces malades, 40-50% subiraient une rechute ou ne répondraient pas au traitement standard après la première ligne thérapeutique, ce qui fait donc moins quelques dizaines de milliers de patients. Ces derniers peuvent en outre bénéficier d'une autogreffe de cellules souches, en deuxième ligne. Le  traitement de Gilead est prévu en dernier recours (après la deuxième ligne de thérapies), s'adressant donc à un marché de quelques  milliers de patients au total. Le laboratoire américain estime que 7.500 nouvelles personnes par an sont éligibles à son traitement. Le New York Times le juge qu'elles seraient 3.500.

Le marché réel pourrait être plus faible, car les patients concernés devront parvenir à se payer de tels traitements avec l'appui des organismes payeurs. Par ailleurs, les effets secondaires très lourds (de grade III), posant question sur la qualité de vie durant le traitement, et peuvent aller jusqu'au décès, pourraient peser sur les décisions des patients. Enfin, contrairement à Novartis, Gilead n'a pas promis de contrat à la performance, c'est-à-dire de faire payer le traitement uniquement s'il montre des signes d'efficacité.

Gilead doit confirmer en oncologie

L'acquisition de Kite Pharma fin août avait satisfait les investisseurs, faisant grimper l'action de quelques euros en une poignée de jours. L'annonce du feu vert accordé au Yescarta a faisait gagner moins de 2% au titre Gilead à 10h45, heure américaine, au Nasdaq, jeudi 19 octobre. Mais pour retrouver les sommets financiers et boursiers de 2015, Gilead devra prouver qu'il eut faire de l'oncologie un relais de croissance durable en menant à bout les essais cliniques d'autres anticancéreux de Kite Pharma basés sur l'édition du génome. Et notamment le Zuma-5 contre le lymphome non hodgkinien indolent (en phase II-III).

Gilead peut également espérer beaucoup de ses propres molécules. En phase III, dernière étape avant une possible commercialisation, il dispose du le Zydelig contre la leucémie lymphoïde chronique, dont le développement a été ralenti suite aux décès de plusieurs patients lors d'essais cliniques, ou encore l'Andecaliximab contre les cancers gastriques.

Jean-Yves Paillé

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