Proches du marché, les anticancéreux basés sur l'édition du génome posent question

Novartis a reçu le feu vert du comité d'expert de la FDA pour son traitement contre les leucémies lymphoblastiques. Kite Pharma et le laboratoire suisse pourraient être en 2017 les premières sociétés à commercialiser un traitement basé sur la modification des lymphocytes T, des cellules immunitaires. Ces traitements promettent des résultats impressionnants, mais aussi des effets secondaires lourds et un coût exorbitant.
Jean-Yves Paillé
Les CAR-T, une méthode thérapeutique contre les cancers du sang devraient coûter plusieurs centaines de milliers de dollars par patient.
Les CAR-T, une méthode thérapeutique contre les cancers du sang devraient coûter plusieurs centaines de milliers de dollars par patient. (Crédits : DR)

C'est une décision qui va faire grand bruit en cancérologie. Mercredi 12 juillet, un panel de dix experts de l'Agence américaine des médicaments a recommandé à l'unanimité l'approbation du CTL019, un traitement contre les leucémies lymphoblastiques, basé sur les CAR-T. Avec cette méthode, le laboratoire suisse modifie les lymphocytes T (ou cellules T) d'un patient in vitro pour les aider à reconnaître l'antigène d'une tumeur et attaquer celle-ci. Une méthode thérapeutique qui se base sur l'immunothérapie, une stimulation des défenses immunitaires et l'ingénierie du génome.

En avril, le traitement de Novartis avait été désigné comme "percée thérapeutique" par la FDA. Avec l'avis de ce panel d'expert, le laboratoire suisse pourrait obtenir le 3 octobre prochain le feu vert de la FDA pour commercialiser ce traitement qui est attendu comme un blockbuster -plus d'un milliard de dollars de chiffre d'affaires par an-. Si tout se passe bien pour Novartis, le CTL019 sera le premier traitement basé sur l'ingénierie du génome à être lancé sur le marché. Un autre produit thérapeutique, le Zuma-1, fonctionnant également avec des Car-T contre les lymphomes agressifs de Hodgkin et conçu par Kite Pharma, pourrait quant à lui arriver sur le marché américain le 29 novembre.

Des pourcentages de rémission très élevés

Les résultats obtenus par les CAR-T sont très encourageants sur le papier. En phase II, le traitement de Novartis a généré 93% (55 patients sur 59) de rémissions complètes pour des malades atteints de leucémies lymphoblastiques à un stade avancé, avec un suivi médian de 12 mois. Du côté de Kite pharma, un tiers des patients ont répondu complètement au traitement. Les signes du cancer avaient disparu, après 8,7 mois de suivi en valeur médiane. Le taux de survie à six mois des patients atteints d'un lymphome agressif de Hodgkin est de seulement 50% à six mois, habituellement.

On peut également citer une étude présentée lors de l'Asco, le plus grand congrès de cancérologie au monde, en juin, et menée par le docteur Wanhong Zhao, hématologue de l'université de Xi'an. Elle mentionne une rémission chez 33 patients traités (sur 35) grâce à l'utilisation de CAR T contre un myélome multiple. Ces derniers ont été suivis pendant deux à quatorze mois.

Des effets secondaires parfois graves

Outre le faible nombre de patients ayant bénéficié des CAR-T, il est difficile de connaître les performances à long terme de cette stratégie thérapeutique, en raison de la durée des suivis lors des essais cliniques. Par ailleurs, cette méthode thérapeutique doit répondre à deux gros défis. D'une part, les patients soignés par des cellules T modifiées présentent d'importants effets secondaires, poussant de nombreux scientifiques à focaliser leur recherche sur des solutions pour les réduire.

Kite Pharma a fait part d'effets secondaire graves dans sa dernière étude clinique, c'est-à dire de grade 3. Ainsi, 43% des patients ont développé des anémies, 39% ont développé des neutropénies (forte chute du taux deglobules blancs dans le sang). Et trois patients sont morts de causes non liées à la progression de la maladie. Le laboratoire Juno avait quant à lui dû arrêter un essai clinique de son traitement contre les leucémies lymphoblastiques, suite à la mort de trois patients. Novartis n'a pas relevé de morts liées aux traitements, mais relevé des "syndrome de relargage de cytokines" entraînant fièvre intense, grande fatigue, et faisant courir le risque d'insuffisance respiratoire pouvant aller jusqu'au décès.

Pourtant, les médicaments de Kite et Novartis sont sur le point d'arriver sur le marché américain, alors qu'ils ne sont pas en phase III (dernier stade des essais cliniques avant la commercialisation d'un médicament). La FDA considère qu'au vu de la gravité des maladies concernées (il n'existe pas d'autres solutions thérapeutiques pour ces derniers, à un stade de la maladie avancé), les bénéfices escomptés justifient les risques pris. Elle réfléchit néanmoins à la mise en place d'une plateforme pour recueillir et analyser les risques représentés par les Car-T.

La question du coût

Le second défi de poids auquel doit faire face le marché américain -en particulier les patients et les organismes payeurs- est le coût exorbitant annoncé de ce type de traitements. Il pourrait dépasser les 500.000 dollars par patient, selon des analystes de One Citigroup. Le patron de Juno abonde, estimant que le coût oscillerait entre 500.000 et 750.000 dollars. En comparaison, les nouvelles immunothérapies contre le cancer du poumon dit "non à petites cellules" coûtent plus de 20.000 dollars (prix facial, susceptible d'être négocié à la baisse avec les assureurs) pour six semaines de traitements.

Les laboratoires pharmaceutiques mettent quant à eux en avant la percée thérapeutique que ces traitements représenteraient, pour justifier de tels montants. Mais également le processus long, complexe, individualisé, et donc coûteux pour modifier les lymphocytes T et les réinjecter dans le patient.

Jean-Yves Paillé

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Commentaires 3
à écrit le 15/07/2017 à 0:09
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Je reste sur la cure de Breuss...

à écrit le 14/07/2017 à 9:35
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Une grande avancée potentielle. Si en plus les assureurs sociaux peuvent les obliger à développer des kit industrialisés pour standardiser la phase de transformation, cela baissera les prix. Mais ce ne sont pas les Pharmaceutiques qui le feront aux d...

à écrit le 13/07/2017 à 20:52
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Ce qui justifie le prix , c'est que sans le traitement, le patient a de forte chance d'y laisser la vie. C'est clairement du chantage, si la même technologie avait été utilisée pour traiter les hémorroïdes, il y a fort à parier que le coût du traitem...

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